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Chapitre 4 : Discussion

4.1 Correspondance entre les résultats les plus marquants et les écrits théoriques

4.1.1 Expérience du luxe

Le Ritz-Carlton Montréal est un établissement emblématique d’une chaine mondiale. La clientèle qui descend dans cet hôtel connait d’avance le luxe « objet » associé au branding qu’il représente mais aujourd’hui, elle est sensible à l’expérience que peut procurer le luxe. Les interviewés ont remarqué que la clientèle est très sensible à l’ambiance que dégage ce lobby.

On a beaucoup de commentaires des gens qui font wow ! Les gens qui trouvent ça beau ! Les gens qui vont revenir des années après et il y a des années où du monde se sont mariés ici …euh… Je n’ai jamais rien entendu de négatif au niveau du lobby non … (Réceptionniste 2)

Cette notion d’authenticité se retrouve dans les propos de Patrick Mathieu et Frédéric Monneyron qui donnent au luxe authentique une valeur simple, profonde, durable alliant beauté, confort et désir. Tout ceci fait penser à la tri-fonctionnalité évoquée par Platon sur le luxe, Patrick Mathieu et Frédéric Monneyron sur les structures de l’imaginaire, George Dumézil avec les trois fonctions du luxe. (Voir tableau 6 p. 26-27) L’authenticité et la grandeur de cet établissement représentent une force guerrière, héroïque et ostentatoire. La discrétion, la confidentialité induite par ces lieux d’exceptions a un côté mystique alors que la troisième fonction se rapproche du sensationnel et de la structure synthétique démontrée par la grandeur du lobby, les matériaux utilisés et le design d’intérieur luxueux.

À cette authenticité, on peut rattacher le vécu d’expériences associées au plaisir et définies par Yves Michaud comme bien-être, confort olfactif, sensuel, visuel pouvant aller jusqu’à une des valeurs de l’hédonisme, soit procurer des impressions agréables. Le secteur hôtelier est dédié à recevoir, accueillir les clients dans le but de les satisfaire en particulier sur une fonction vitale qu’est le sommeil. César Ritz a bien ciblé ce besoin de fiabilité de

communication : « dans aucun commerce, les relations entre acheteurs et vendeurs ne sont aussi étroites, aussi intimes à cause du besoin primaire du sommeil, que celles existantes entre le client et l’hôtelier » (Chantal, 2014). Dès qu’il existe une recherche sur l’amélioration d’une fonction de l’organisme physiologique, l’individu a des attentes bien précises. C’est là

qu’intervient la notion de « luxe » qui, comme le dit Rachel Chantal, est « créateur de souvenir et générateur d’émotion ».

Comme toutes les caractéristiques matérielles sont accessibles, connues de nos jours de tous grâce à l’informatique avec une présentation de ces établissements sur internet, la surprise n’existe presque plus ; il faut donc trouver un attrait complémentaire pour provoquer un

enchantement. Il faut se tourner vers une expérience existentielle in situ, un vécu inoubliable, une sensation émotionnelle. Le luxe n’est plus imposé, il doit être finement modulable pour satisfaire au mieux une clientèle diversifiée et de plus en plus exigeante. (Manaux, 2007/2008)

Le luxe a vu des évolutions dans le temps, il est passé du luxe objet à un luxe émotionnel, ceci en partie à cause de la démocratisation, de la mondialisation, de la

globalisation, qui ont fini par donner une accessibilité à un plus grand nombre d’individus. Le luxe s’est alors tourné vers l’authenticité et l’expérience. Ce n’est pas un remplacement de l’un vers l’autre mais plutôt une complémentarité. Les individus qui côtoient le luxe ont toujours besoin de ces valeurs ostentatoires associées à de la sensation, du plaisir, des expériences rares et intenses.

Une autre analyse importante dans ce milieu du luxe est le fait que les individus, étaient auparavant dans une démarche de communication, de visuel, d’ostentation.

Aujourd’hui tout ceci étant acquis, c’est une recherche plus personnelle qui est anticipée. Par exemple pour Patrick Mathieu et Frédéric Monneyron « c’est la discrétion contre

l’ostentation » (2015, p. 27). La société d’aujourd’hui a besoin de vivre une expérience unique plutôt qu’un besoin d’être vu ou reconnu car les moyens de communication l’offrent déjà ; par contre l’émotion est plus difficile à procurer. Le changement qui s’est progressivement

effectué est le résultat de la mondialisation. Donc le produit de luxe reste dans son ensemble en partie inaccessible pour un plus grand nombre d’individus et cela même malgré sa

démocratisation constatée par Gilles Lipovesky et Elyette Roux. Yves Michaud évoque le fait que la mondialisation a amené l’artisanat vers une production industrielle du luxe. Ce qui économiquement a eu comme effet une éventuelle accessibilité des produits, tout en tenant compte aussi d’une augmentation du niveau de vie de la population mondiale. Tout ceci fait que le luxe est encore un produit exceptionnel malgré sa démocratisation et que l’individu va de plus en plus se tourner vers une recherche d’expérience. Le côté matériel, en terme de qualité du produit, est de nos jours maitrisé grâce à l’innovation, aux technologies, à l’industrialisation mais la connaissance d’un lieu, d’un objet et l’appropriation est devenue

plus subtile. Par ailleurs, la qualité passe par une vision écologique et de développement durable auxquels doivent faire face actuellement les entreprises selon la démarche du RSE.

Les objets rares et couteux qui pouvaient être mis à la disposition d’une certaine catégorie d’individus se sont démocratisés. Ceci est d’autant plus vrai que le secteur économique, avec la globalisation de l’industrialisation, a rendu plus accessible certaines productions à l’origine artisanale. Même si l’acquisition d’un objet de luxe présente des limites, il est de nos jours plus accessible, c’est pour cela que Yves Michaud parle d’une recherche plus proche « de l’hédonisme » (Michaud, 2013, p. 36) Caroline Vaisman, le confirme en disant que « un certain luxe s’est démocratisé ».

ben je trouve que de plus en plus les gens recherchent le luxe, fait que je pense que de plus en plus de gens peuvent se permettre le luxe aussi on voit pas mal de jeunes couples qui se permettent des trucs, alors qu’avant ils ne se seraient pas permis. Le luxe est de plus en plus présent donc que … ! Surtout ici au Québec, il y a moins de luxe qu’ailleurs, il y a moins de luxe qu’en Europe, donc je pense que ça commence, c’est pour ça que l’on voit plus de jeunes couples. (Concierge 1)

Il ne suffit plus d’avoir une haute distinction dans la société pour avoir accès au luxe ; toute personne possédant des moyens financiers fait partie de cet univers et peut prétendre à recevoir les mêmes attentions.