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La reconnaissance et la Loi sur la représentation des ressources

CHAPITRE 5 DISCUSSION

5.2 L ES THÈMES TRANSVERSAUX

5.2.3. La reconnaissance et la Loi sur la représentation des ressources

omniprésents dans la dimension professionnelle du rôle de parent d’accueil. On les retrouve de façon marquée dans chaque sous-dimension. Or des ponts peuvent aussi se construire avec les dimensions parentale et personnelle du rôle de parent d’accueil.

D’abord, en ce qui concerne la dimension parentale du rôle, les résultats mettent en lumière que le sentiment d’efficacité dans le rôle parental a une influence sur la satisfaction du parent d’accueil. Or, recevoir des marques de reconnaissance vient nourrir le sentiment de compétence parentale. D’ailleurs, quand les parents donnent des exemples concrets en lien avec la reconnaissance, souvent les exemples se rapportent à leur rôle parental. Ensuite, recevoir des marques de reconnaissance peut alimenter le sentiment de se réaliser dans le rôle de parent d’accueil; or, se réaliser dans le rôle de parent d’accueil peut certainement avoir un impact sur le bien- être de l’individu. Les parents rencontrés ont d’ailleurs nommé que le fait de s’épanouir dans le rôle de parent d’accueil était un des facteurs de satisfaction dans la dimension personnelle du rôle de parent d’accueil.

Donc la reconnaissance dans le rôle de parent d’accueil est un des éléments qui a le potentiel d’avoir le plus d’effet sur la satisfaction du parent d’accueil dans son rôle puisqu’elle a un effet sur toutes ses composantes. Les nouvelles conditions établies par la LRR pourront probablement améliorer les enjeux de reconnaissance à certains niveaux : depuis la signature de l’entente collective, la rétribution est augmentée, le statut social est clarifié, et de nouveaux mécanismes viennent balancer le rapport de pouvoir entre les centres jeunesse et les familles d’accueil (par exemple, toute famille d’accueil a droit d’être représentée en situation de mésentente avec l’organisation). En fait, un des objectifs premiers de la LRR est d’apporter une solution aux enjeux de reconnaissance touchant les familles d’accueil.

Toutefois, il est trop tôt pour saisir les impacts de la LRR sur l’accueil familial au Québec. Bien que les contextes ne soient pas identiques, il peut être intéressant de voir quelles observations font les chercheurs français de la professionnalisation de l’accueil familial, qui a eu lieu chez eux depuis de nombreuses années. En effet, le mouvement vers la professionnalisation est enclenché depuis 1977 et a été structuré par trois lois principales en 1997, 1992 et 2005 (Euillet, Zaouche-Gaudron, & Ricaud-Droisy, 2007).

Selon ces auteurs, en France, le métier d’assistant familial se concrétise aujourd’hui par la mise en place de formations obligatoires, d’un diplôme d’État et d’une appartenance à une équipe pluridisciplinaire.

Certains auteurs mettent en lumière le fait que la professionnalisation de l’accueil familial vient s’inscrire en contradiction avec la notion même de parentalité. Neyrand (2005) affirme ce qui suit : « L’idée de parentalité d’accueil comme celle de parent d’accueil ont été disqualifiées en même temps qu’était affirmée la position professionnelle de l’assistante maternelle » (p.12). Selon cet auteur, la professionnalisation contribue à ne permettre que deux types de positionnement : le positionnement « quasi-adoptif, par substitution des parents d’accueil aux parents biologiques, ou le positionnement professionnel clivé, déniant la parentalité affective » (p.12).

Euillet et Zaouche-Gaudron (2007) vont dans le même sens. Les auteurs ont réalisé un projet de recherche où elles ont analysé le discours de 32 mères d’accueil pour le catégoriser en quatre types de parentalité d’accueil : (1) la parentalité provisoire, où l’emphase est mise sur l’aspect temporaire de la relation, (2) la parentalité professionnelle, où l’emphase est mise sur la distinction entre la sphère personnelle/intime et la sphère professionnelle/milieu d’accueil, (3) la parentalité éducative différenciée, où l’emphase est mise sur l’investissement affectif, mais avec des distinctions entre les enfants accueillis et les enfants de la famille et (4) la parentalité de substitution, où l’enfant est considéré comme le sien. Suite aux analyses, aucune des 32 familles n’est inscrite dans une parentalité de substitution. Les auteures proposent une hypothèse pour comprendre l’absence de ce type de parentalité. Selon elles, « depuis plusieurs années, la politique sociale et les instances juridiques, à travers les textes législatifs relatifs aux assistants familiaux, insistent sur la professionnalisation des assistants familiaux au prix d’un refoulement de la dimension maternelle. Le discours des assistants familiaux peut-être empreint de cette tendance institutionnelle.» (p.374).

Il est frappant de constater qu’aucun parent ne s’inscrivait dans une parentalité de substitution, alors que la quasi-totalité des parents du présent projet de recherche se rapprochent de ce type de parentalité. On ne peut affirmer avec certitude que ce qui s’observe en France se produira au Québec. Toutefois, cette disparition (ou presque) d’une parentalité de substitution dans les familles d’accueil françaises nous force à la

réflexion, puisqu’au Québec, un nombre important des enfants placés le sont dans un contexte de placement à long terme. Il y a un réel danger que les futurs parents d’accueil professionnels aient une tendance à distinguer leur métier de leur famille. Or quel impact cela aura-t-il sur les enfants dont le besoin est de trouver une famille de substitution, mais qui ne peuvent être adoptés?

Le discours de plusieurs parents d’accueil du présent projet de recherche était caractérisé par une grande chaleur et par le fait que l’enfant placé était vraiment considéré comme le leur. Le sentiment de filiation abordé précédemment en témoigne. Or ce type de famille d’accueil sera-t-il encore possible dans quelques années? Il est impossible de savoir comment se développera l’identité professionnelle des parents d’accueil, mais le danger d’occulter la chaleur et l’inclusion associées à ce sentiment de filiation doit être considéré avec sérieux. La reconnaissance des parents d’accueil ne doit pas se faire au détriment du besoin des enfants de grandir dans une famille d’accueil où ils font réellement partie de la famille.

Nous venons d’aborder trois thèmes qui ont eu une place importante dans le discours de parents d’accueil : les enjeux de parentalité, les enjeux liés à l’espace intime du parent d’accueil (sa propre famille) et les enjeux liés à la reconnaissance et la LRR. La suite de la discussion permettra d’aborder plus spécifiquement l’approche SOCEN et son potentiel à agir sur la satisfaction.