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Section 1 : Différentes dénominations pour un même résultat

C) Recommandations

La Commission royale sur les Peuples autochtones rend son rapport À l’aube d’un

rapprochement325 le 21 novembre 1996. Ce rapport se veut être le compte rendu « de la relation entre les Autochtones et les non autochtones, de la distorsion subie par cette relation avec le temps et des terribles conséquences qu’a entraînées cette distorsion pour les peuples autochtones »326 et contient 440 recommandations. Parmi elles, analysons la promulgation d’une nouvelle Proclamation royale

1) Une nouvelle Proclamation royale

La CRPA estime que quatre principes doivent guider la nouvelle relation entre les peuples autochtones et le Canada. Le premier de ces principes est la reconnaissance mutuelle dans laquelle les « canadiens non-autochtones reconnaissant le fait que les Autochtones sont les premiers habitants et gardiens des terres de notre pays et que cela leur confère des

324 COMMISSION ROYALE SUR LES PEUPLES AUTOCHTONES, préc., note 317, p. 1 à 4. 325 Id.

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responsabilités et des droits particuliers »327. De l’autre côté, les Autochtones doivent reconnaître que les « non-autochtones appartiennent également à ce territoire, de naissance et par adoption, et qu’ils lui sont attachés par des liens solides d’amour et de loyauté »328.

Cette reconnaissance engendre la raison d’être du deuxième principe qui est celui du respect mutuel afin d’éviter des « tentatives de domination et de contrôle d’un partenaire sur un autre »329. Le partage de ressources et de connaissances et la responsabilité d’assurer les promesses faites constituent respectivement les troisième et quatrième principes dégagés par la CRPA330.

Pour pouvoir mettre en œuvre et assurer le respect de ces principes, les commissaires recommandent l’adoption d’une nouvelle Proclamation royale contenant dans son préambule les éléments suivants :

« 1. Affirmation du respect du Canada à l’égard des peuples autochtones en tant que nations distinctes. 2. Reconnaissance des gestes préjudiciables posés par les gouvernements antérieurs, qui ont privé les autochtones de leurs terres et de leurs ressources et qui ont perturbé leur vie familiale, leurs pratiques spirituelles et leurs structures de gouvernement. 3. Déclaration établissant la relation sur la base du respect, de la reconnaissance, du partage et de la responsabilité mutuelle, pour briser le cycle infernal des reproches et de la culpabilité et permettre aux autochtones et aux non- autochtones de se tourner ensemble vers l’avenir. 4. Affirmation du droit des autochtones de diriger leurs propres vies et de contrôler leurs propres gouvernements et de leurs propres terres, non pas comme une faveur concédée par les autres gouvernements du Canada, mais en tant que droit inhérent de peuples qui habitent un territoire depuis des temps immémoriaux. 5. Reconnaissance du fait que la justice et le fairplay sont essentiels à la réconciliation des autochtones et des non-autochtones et que le gouvernement doit s’engager à créer des institutions et des processus pour promouvoir la justice. »331

La CRPA reconnaît que les peuples autochtones, en tant que nations distinctes, ont des droits particuliers au niveau des terres et des ressources. Les commissaires insistent sur le fait que ces droits ont souvent été violés en raison de la non-application des traités. La CRPA propose 327 Id., 20. 328 Id. 329 Id., p. 21. 330 Id. 331 Id., p. 26.

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également, une nouvelle législation qui serait plus adéquate et qu’il convient désormais d’étudier.

2) Une nouvelle législation

En attendant qu’une nouvelle Proclamation royale soit adoptée, la CRPA recommande au gouvernement fédéral d’instituer de nouvelles lois régissant les quatre principes mentionnés ci-dessus. Parmi les lois suggérées, on note une « loi sur l’exécution des traités avec les autochtones »332, « une loi portant création d’un tribunal des traités et des terres autochtones »333 ainsi qu’ « une loi sur la reconnaissance et le gouvernement des nations autochtones »334.

Tout au long du rapport, les commissaires soulignent le fait que la politique d’assimilation a été un échec majeur et qu’au lieu de vouloir refonder la Loi sur les Indiens il serait plus judicieux de répondre aux véritables revendications des peuples autochtones. Celles-ci concernent majoritairement l’autonomie gouvernementale et le partage des ressources. Les commissaires reconnaissent que les propositions apportées sont audacieuses, mais néanmoins nécessaires pour qu’une nouvelle relation entre le Canada et ses peuples autochtones puisse être établie335 :

« Les changements que nous proposons ont une portée considérable. Nous ne suggérons pas de modifier la Loi sur les Indiens ni de lancer de grands programmes tape-à-l’œil. Ce que nous préconisons est fondamental, ambitieux et peut-être même dérangeant, mais en même temps exaltant, libérateur et riche de possibilités. »336

Parce que le Canada « prétend être une société juste et éclairée »337, parce que les conditions de vie des Autochtones sont désastreuses et que toutes les négociations entreprises jusqu’ici ont été vouées à l’échec338, il est urgent, pour le gouvernement fédéral, de mettre en place ces recommandations. Suite à la publication du rapport final, le gouvernement fédéral réitère sa volonté d’entreprendre des réformes en vue de résoudre les problèmes sociaux économiques,

332 Id., p. 54. 333 Id. 334 Id.

335 J. HUGHES, préc., note 323, p. 123.

336 COMMISSION ROYALE SUR LES PEUPLES AUTOCHTONES, préc., note 317, p. 148. 337 Id., p. 1.

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mais semble pourtant réticent à s’engager dans toutes mesures entrainant une modification constitutionnelle.

En dépit d’un travail de recherche minutieux et considérable, la CRPA constituera un échec majeur pour les revendications des Premières nations339 et une chance manquée pour le gouvernement fédéral de réparer les erreurs de sa politique d’assimilation. Dix-huit ans après la création de la CRPA, le Canada a de nouveau l’occasion de rétablir la relation entre Autochtones et non-autochtones avec la CVR.

* * *

Les rapports Hawthorn-Tremblay, Berger, Penner, Coolican et les travaux de la Commission royale sur les Peuples autochtones traduisent l’inaction de la part du gouvernement fédéral quant à sa volonté d’améliorer les conditions de vie déplorables des peuples autochtones. Aussi louable soit la décision de mettre en place ces comités, les efforts du gouvernement fédéral s’arrêtent systématiquement lorsque les mesures concrètes recommandées doivent être implantées. Si les recommandations proposées par la CVR ne sont pas entérinées dans un avenir proche, il est fort à parier que cette dernière s’ajoutera à la liste des échecs passés.