• Aucun résultat trouvé

Section 2 : La Convention de règlement relative aux pensionnats indiens

B) Les pouvoirs

Afin de remplir les objectifs énoncés ci-dessus, la commission se voit conférer les pouvoirs mentionnés à l’article 2 de l’Annexe N. Parmi ces pouvoirs, le plus important fut le recueil des déclarations291.

283 Annexe N, préc., note 8, préambule. 284 Id., art. 1(a).

285 Id., art. 1(d). 286 Id., art. 1(e). 287 Id., art. 1(f). 288 Id., art. 1(b). 289 Id., art. 1(c). 290 Supra, p. 53 à 54.

291 Annexe N, préc., note 8, art. 2(a) : « les commissaires, en vertu de la Convention de règlement final

sanctionnée par les tribunaux et des jugements sur les recours collectifs : a) sont autorisés, dans l’exercice de leur mandat relatif à la vérité et à la réconciliation, à recueillir les déclarations et les documents des anciens élèves, de leurs familles, de la communauté et de tous les autres participants intéressés et, sous réserve de f), g) et h) ci-dessous, de se servir de tous les documents et matériaux produits par les parties. Les commissaires ont en

99

On remarque, tout on long du mandat de cette CVR, l’importance considérable accordée à la protection des renseignements personnels si bien qu’il n’est pas surprenant de savoir que la commission n’a pas privilégié d’audiences publiques292 qui ont pourtant été très bénéfiques en Afrique du Sud293. Cette absence a d’ailleurs été critiquée par plusieurs auteurs : « the Truth and Reconciliation Commission will not hold an activity that is virtually a hallmark of truth commissions elsewhere »294.

La CVR canadienne insiste sur le fait qu’elle ne se dote pas de pouvoirs appartenant aux tribunaux puisqu’elle ne constitue pas un mécanisme judiciaire295. Elle ne prévoit donc pas ni la citation de noms296 ni le pouvoir de subpoena297. Or, ce dernier peut enrichir le processus de découverte de la vérité en permettant aux personnes impliquées dans les conflits, et qui n’auraient certainement pas témoigné de leur plein gré de prendre part au processus.

Ce fut notamment le cas en Afrique du Sud avec la comparution de Winnie Madikizela- Mandela298. Si celle-ci n’a pas voulu avouer son implication dans le Mandela United Football

Club, son témoignage eut le mérite de montrer à la population sud-africaine dans son entièreté

que les commissaires souhaitaient que toute personne impliquée rende des comptes à la nation. L’absence de ces attributs essentiels fait donc de la CVR canadienne une des commissions les plus fragiles existantes :

outre l’autorité et l’obligation, dans l’intérêt public, d’archiver tous ces documents, matériaux et transcriptions ou enregistrements des déclarations recueillies, de manière à garantir leur préservation et leur facilité d’accès par le public, et conformément aux lois sur l’accès et sur la protection des renseignements personnels ainsi qu’aux autres lois applicables. »

292 Id., art. 2(e). 293 Supra, p. 68 à 69.

294 K. STANTON, préc., note 279, p. 9. 295 Annexe N, préc., note 8, art. 2(b).

296 Id., art. 2(h) : «les commissaires, en vertu de la Convention de règlement final sanctionnée par les tribunaux

et des jugements sur les recours collectifs : h) s’abstiennent de nommer qui que ce soit dans leurs évènements, activités, déclarations publiques, rapport ou recommandations, ou de faire usage de renseignements personnels ou de déclarations qui nomment une personne sans le consentement exprès de celle-ci, à moins que ces renseignements et (ou), l’identité de la personne ainsi nommée aient déjà été confirmés dans le cadre d’une procédure judiciaire, d’aveux, ou de déclarations publiques par cette personne. Il faut, dans la mesure du possible, conserver l’anonymat des autres renseignements susceptibles d’identifier des individus. »

297 Id., art. 2(c) : « les commissaires, en vertu de la Convention de règlement final sanctionnée par les tribunaux

et des jugements sur les recours collectifs : c) ne possèdent pas le pouvoir d’assignation à témoigner ni le pouvoir de contraindre la présence ou la participation à l’un de leurs évènements ou activités. La participation à tous les évènements et activités de la Commission est à titre strictement volontaire. »

100

« Because the Truth and Reconciliation Commission is prohibited from « naming names » or issuing subpoenas, and because there has been no significant disruption in Indigenous-settler relations of power, the Canadian truth and reconciliation commission may be among the « less robust » of truth commissions worldwide. »299

À la lumière de toutes ces spécificités, nous pouvons légitimement nous demander si la CVR canadienne est une commission de vérité et réconciliation digne de ce nom. En effet, hormis la qualification comme telle, rien ne semble lier le déroulement de la CVR sud-africaine à l’exemple canadien. Or, la commission canadienne ressemble étrangement aux différents comités sur les peuples autochtones mis en place par les gouvernements antérieurs. Une analyse de ces comités permettra, peut-être, de comprendre pourquoi l’exécutif a cette fois-ci eu recours à un mécanisme de justice transitionnelle.

299 Rosemary L. NAGY, « The Scope and Bounds of Transitional Justice and the Canadian Truth and

Reconciliation Commission », (2012) 1-22 International Journal of Transitional Justice 1, 13, en ligne : <http://ijtj.oxfordjournals.org/content/early/2012/12/18/ijtj.ijs034.full.pdf+html> (consulté le 7 avril 2016).

Chapitre 2 : Une CVR digne de ce nom ?

Ce dernier chapitre dresse les effets de la Commission de vérité et réconciliation canadienne. Il sera notamment question, à l’aube des caractéristiques de cet instrument énoncées plus haut, de savoir si cette dernière est réellement une CVR digne de ce nom. Une première section met en évidence le fait que le Canada n’en est pas à sa première tentative en matière de commissions d’investigation sur les peuples autochtones. Une deuxième section analyse les recommandations timides de la CVR et tente de comprendre pourquoi la Cour suprême fut absente du processus de réconciliation.