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Le concept de recherche translationnelle désigne le transfert des obser- vations réalisées en recherche fondamentale (travaux expérimentaux, notam- ment sur des cultures de cellules ou sur des modèles animaux) à la recherche

2.3. RECHERCHE TRANSLATIONNELLE 57 clinique (dont l'objet est le développement de nouveaux traitements médi- caux ecaces), et inversement. Le but est, via la recherche fondamentale, d'apporter à la clinique des innovations thérapeutiques (développement de nouveaux traitements, compréhension de leurs mécanismes...) tout en ayant le retour d'observations faites chez l'Homme sur l'ecacité réelle du traite- ment, ses eets secondaires, l'évolution des pathologies traitées...

En ce qui concerne la tDCS, si elle apparaît intéressante comme trai- tement (ou traitement complémentaire) de divers troubles neurologiques et psychiatriques, elle n'a pas encore gagné le titre d'intervention prescriptible. Avant de pouvoir être mis sur le marché avec une indication thérapeutique, tout nouveau traitement doit passer par plusieurs phases d'étude au sein d'un essai clinique.

Les diérentes phases d'étude clinique

Après des études précliniques (chez l'animal) visant à déterminer les eets du traitement et les doses auxquelles les eets bénéques et les eets toxiques apparaissent, le traitement entre en phase clinique. La phase I consiste à étudier la tolérance et la cinétique du traitement chez l'être humain (sujets volontaires, sains ou atteints de pathologies spéciques) ; elle est suivie de la phase II, dont le but est de déterminer la dose optimale du traitement ainsi que ses eets indésirables.

Actuellement une seule étude concernant la tDCS entre dans la phase III, qui étudie l'ecacité du traitement en comparaison à un placebo et/ou à un traitement de référence. Cette étude, ELECT-TDCS, est dirigée par Andre Brunoni, de l'université de Sao Paulo, et s'intéresse à l'ecacité de la tDCS comme traitement antidépresseur (Brunoni et al.,2015) en comparaison à un traitement de référence (Escitalopram oxalate, traitement antidépresseur de la classe des inhibiteurs sélectifs de recapture de la sérotonine) et à un placebo (médicament placebo et traitement sham, c'est-à-dire tDCS inactive). Elle se base sur une publication précédente du groupe de Brunoni, qui mettait en évidence qu'un traitement par des sessions répétées de tDCS (1 session à 2 mA/jour pendant 10 jours, puis 2 sessions/semaine les 4 semaines sui- vantes) était aussi ecace qu'un antidépresseur de référence, la sertraline (également de la classe des inhibiteurs sélectifs de recapture de la séroto- nine), et que l'eet bénéque des deux combinés était plus important que l'eet de chaque traitement donné séparément (Brunoni et al., 2013b). En cas de résultats satisfaisants, cette étude constituera un grand pas en avant vers la validation de l'utilisation de la tDCS comme nouveau traitement an- tidépresseur, potentiellement aussi ecace et avec moins d'eets secondaires

que les traitements de référence actuels.

Notons qu'en cas de validation de ce traitement, il y aura alors une phase IV d'essai clinique, consistant à étudier sur le long terme (après sa mise sur le marché) ses eets secondaires.

La recherche fondamentale

En parallèle des données recueillies chez l'Homme, des études sur l'animal s'avèrent nécessaires à plusieurs niveaux avant de valider l'emploi de la tDCS pour un usage clinique : comprendre son mécanisme d'action et mesurer son ecacité dans des modèles expérimentaux (animaux "sains" ou modèles de maladie) ; décrire le trajet parcouru par le courant électrique et la façon dont il est absorbé par les tissus (notamment via des études computationnelles) ; rechercher les paramètres de stimulation optimaux et vérier l'innocuité de la méthode.

C'est pourquoi le développement d'un modèle animal permettant l'étude de chacun de ces points a soulevé notre intérêt. Je décrirai la notion de "modèle" dans le chapitre 3, présenterai ceux actuellement existants (pour la tDCS), et discuterai de l'intérêt d'un nouveau modèle. Je justierai de manière plus détaillée les choix méthodologiques que nous avons fait lors du développement de notre modèle murin de tDCS dans le chapitre9.

3 Les modèles animaux

Les modèles animaux sont essentiels à la recherche biomédicale. Ils per- mettent l'étude du fonctionnement normal et pathologique des organismes, et le développement de médications et autres interventions (chirurgicales ou non invasives). Le comité du Conseil National Américain de Recherche sur les Modèles Animaux dénit ainsi cette notion : un modèle dans lequel la biologie ou le comportement normatifs, ou bien un processus pathologique (spontané ou induit) peuvent être étudiés, et partageant un ou plusieurs as- pects communs avec un phénomène équivalent chez l'Homme ou d'autres espèces animales (National Research Council Committee on Animal Models for Research and Aging).

3.1 Notion de modèle

Avant de continuer, il m'apparaît important de préciser la notion de mo- dèle, puisque j'emploierai ce terme au cours de ma thèse.

Un modèle animal à proprement parler peut être naturel (condition na- turelle, pathologie spontanée), expérimentalement induit (modication gé- nétique, traitement spécique...), ou naturellement résistant à une aection spécique. Dans tous les cas, il doit répondre à une liste de critères dont le but est de le rendre le plus pertinent possible pour extrapoler à l'Homme les observations réalisées.

Il existe ainsi trois principaux critères de validité à considérer (Nestler et Hyman,2010 ; Belzung et Lemoine, 2011) :

 Critère d'homologie (ou validité de construction) : les mécanismes de construction du modèle sont similaires à ceux impliqués dans la pathologie chez l'Homme ;

 Critère isomorphique (ou validité d'apparence) : le modèle animal re- produit de la manière la plus dèle possible les lésions, symptômes ou mécanismes d'une pathologie humaine ;

 Critère prédictif (validité de prédiction) : l'eet d'un traitement et les mécanismes expliquant cet eet doivent être similaires à ceux observés

chez l'Homme.

Ainsi un bon modèle animal de pathologie (y compris pathologie psychia- trique) se doit de répondre à ces trois critères. Cependant, il est important de rappeler les limites de la modélisation. L'analogie entre deux espèces ani- males ne peut jamais être considérée comme parfaite (notamment en terme de symptômes de pathologies et réponse aux traitements). Si les observations réalisées sur modèle animal peuvent toujours apporter des éléments intéres- sants pour la recherche sur l'Homme, il convient de ne pas tirer de conclusions hâtives et de rester prudents lors des comparaisons.

Dans le cadre de ma thèse, nous ne cherchons pas à valider ou utiliser un modèle animal de pathologie ; nous utilisons la souris de souche Swiss pour étudier le traitement par tDCS. Nous emploierons parfois le terme de "modèle" puisque nous cherchons à mimer chez l'animal les eets de la tDCS retrouvés chez l'Homme, mais ce terme est à ne pas confondre avec la notion précise de "modèle animal de pathologie".