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B - Une recherche à la traîne

En matière de recherche, il convient de distinguer la recherche médicale proprement dite (addictologie, neurosciences, neurobiologie, psychiatrie, hépato-gastro-entérologie, cancérologie, etc.) et les travaux de santé publique (épidémiologie, sciences humaines et sociales ou stratégies de prévention ou de prise en charge).

Les travaux de recherche fondamentale, translationnelle113 et clinique sur l’alcool sont soutenus par de nombreux établissements (hôpitaux, universités), organismes (Inserm, CNRS, INCa) et Alliances

113 La recherche translationnelle consiste à transmettre, le plus rapidement possible, les innovations scientifiques vers des adaptations permettant une meilleure prise en charge du patient.

stratégiques de recherche (AVIESAN et ATHENA114), et ont été sélectionnés au terme de plusieurs appels d’offres : PHRC (Programme hospitalier de recherche clinique), ANR (Agence nationale de la recherche), INCa (Institut national du cancer).

Les projets de recherche en santé concernent aussi bien l’étude des mécanismes fondamentaux de l’addiction (interaction de molécules avec les récepteurs cellulaires responsables des phénomènes d’addiction, étude du mécanisme d’action des hallucinogènes, développement de modèles animaux, imagerie cérébrale, addiction et composantes génétiques, neurobiologie, etc.), l’effet des molécules115, que ses aspects sociétaux et psychologiques (accidentologie liée à la prise de substances psychoactives, pratiques individuelles addictives, processus de poly-consommation, incidences de cancer ou de VIHS, etc.).

L’ANR a, depuis 2010, financé 23 projets dans le domaine des addictions pour un montant de 8,7 M€. Le programme spécifique Santé mentale addictions (SAMENTA), en particulier, avait pour but de financer des projets innovants et de la recherche translationnelle. L’INCa a financé, sur la période 2007-2013, 31 projets de recherche en lien avec l’alcool, pour un montant de 10 M€ (dont 2,8 M€ consacrés à la génomique des tumeurs hépatiques dans le cadre du consortium

« International Cancer Genome Consortium » (ICGC). Pour le PHRC, 5,6 M€ ont été engagés entre 2010 et 2014, et les investissements de l’Inserm pour la recherche sur l’alcoolisme s’élèvent à 10,8 M€116.

Un autre financeur, l’Institut de Recherche en Santé Publique (IReSP, GIS Inserm), a également soutenu 11 projets de recherche en santé publique comportant un volet spécifique sur l’alcool sur la période 2005-2013, pour un montant total de 1,5 M€. Il a de plus financé 6 projets dans lesquels les problématiques liées à l’alcool sont présentes mais minoritaires, pour un montant total de 0,9 M€.

114 Alliance pour les sciences de la vie et de la santé et Alliance thématique nationale des sciences humaines et sociales. AVIESAN associe neuf instituts thématiques multi-organismes (ITMO) dont quatre sont directement impliqués dans la recherche sur l’alcoologie : neurosciences, sciences cognitives, neurologie et psychiatrie, santé publique, physiologie, nutrition, métabolisme et cancer.

115 Cf. annexe n° 7 sur le baclofène.

116 Ce montant correspond à la somme d’une partie des dotations récurrentes de l’Inserm aux équipes et des salaires des personnels impliqués dans les recherches en lien avec l’alcool.

Plus récemment, dans le cadre du plan de lutte contre les drogues et les conduites addictives 2013-2015, un volet recherche a été mis en place sous l’égide de la MILDECA et de la direction générale de la recherche et de l’innovation (DGRI). La MILDECA soutient ainsi des projets, sous la rubrique « recherche et observation » à hauteur de 4,2 M€, toutes disciplines confondues, y compris en sciences sociales. Une expertise collective de l’Inserm sur les conduites addictives chez les jeunes, commandée par la MILDECA, a été publiée en 2014117. Il est prévu à terme de formaliser un comité stratégique MILDECA – DGRI en vue de centraliser la programmation et les financements alloués à la recherche sur les addictions.

La DGS et la MILDECA viennent de charger l’Inserm d’une expertise collective sur l’alcool, dont la publication est attendue en 2018.

Elles ont aussi confié à une unité Inserm (Groupe de Recherche sur l'Alcool et les Pharmacodépendances) l’animation d’un réseau national des acteurs de la recherche sur l’alcool.

Le programme d’investissements d’avenir (PIA) finance plusieurs projets (i-SHARE, Psy-Coh), un Labex (biopPsy, de l’action « Santé biotechnologies ») et un Equipex (OptoPath) qui ont chacun un volet consacré aux addictions. Ainsi la cohorte i-SHARE de 30 000 étudiants est destinée à explorer la relation entre certains comportements à risque, dont l’exposition à l’alcool et aux drogues, et la survenue de certaines pathologies.

En dépit de ces efforts, les travaux de recherche sont peu nombreux par rapport à ceux menés à l’étranger, y compris en psychiatrie. Une étude bibliométrique réalisée par AVIESAN en juillet 2015 sur les publications médicales, portant essentiellement sur les pathologies liées à l’alcool, la dépendance, l’épidémiologie et les déterminants de santé, montre que la France est classée 10ème sur la période 2010-2014 avec 966 publications sur un total de 28 718, loin derrière les États-Unis (13 827 publications), le Royaume-Uni (2072), l’Australie (1 724) ou l’Allemagne (1 462). En santé publique et en sciences sociales, la visibilité est encore plus modeste. Cela s’explique par le manque de moyens mobilisés pour soutenir des projets, le petit nombre de chercheurs impliqués, et l’absence d’intérêt pour une spécialité hospitalo-universitaire peu prestigieuse.

117 « Conduites addictives chez les adolescents », une expertise collective de l’Inserm, 2014.

L’Inserm assure, pour sa part, près de la moitié de ces publications.

Dans le domaine des sciences sociales, la recherche sur les stratégies d’influence et de marketing des producteurs et distributeurs ne s’est pas développée en France, à l’exception des travaux de Karine Gallopel Morvan118.

La recherche aux États-Unis

Le National Institute on Alcohol Abuse and Alcoholism est, au sein de l’agence de moyens NIH (National Institutes of Health), l’institut national entièrement consacré aux travaux de recherche sur l’alcool. Il couvre l’ensemble du spectre de la recherche dans ce domaine (aspects cliniques, translationnels et fondamentaux, dont génétique et neurobiologie). Les crédits budgétaires qui lui ont été alloués pour l’année 2016 s’élèvent à 467,7 M$ (417 M€), en hausse de 4,9 % sur 2015. Il finance en particulier des travaux de recherche utilisant l’apport des travaux récents en neurosciences pour comprendre les changements de comportement au cours des traitements de l’addiction à l’alcool119.

L’Union européenne s’est engagée, dès 2001, à soutenir les États membres afin qu’ils travaillent en commun au renforcement de leurs instruments visant à réduire les effets de l’usage nocif de l’alcool sur leurs territoires. Ce soutien porte aussi sur les programmes de recherche financés par la Commission européenne, dans le cadre du 7ème programme de recherche et développement technologique (PCRDT), coordonnés par le Community Research and Development Information Service (CORDIS).

118 Professeure des Universités en marketing social à l’École des hautes études en santé publique de Rennes.

119 NASIR, H., NAQVI, M.D., Ph. D., and MORGENSTERN, Jon, Ph.D. Cognitive Neuroscience Approaches to Understanding behavior Change in Alcohol Use Disorder Treatments Alcohol research, 2015, 37 (1).

Une faible participation française aux projets européens Selon le recensement des projets de recherche financés par l’Union européenne réalisé par l’ONG EUROCARE (The European Alcohol Policy Alliance), réseau de 57 ONG de santé publique travaillant sur la prévention et la réduction des consommations nocives d’alcool en Europe, la France n’est à l’initiative que d’un seul projet, Safer Drinking Scenes, lancé par le

« French Forum for Urban Security ». Elle prend part aux projets PHEPA (Primary Health Care European Project on Alcohol) et RARHA (Reducing Alcohol Related Harm) : pour ce dernier, la DGS a été partie prenante, mobilisant elle-même trois partenaires (OFDT, INPES, ANPAA).

L’INPES a représenté la France dans le projet AMPHORA (Alcohol measures for Public Health Research Alliance). La participation française reste néanmoins faible en comparaison de l’effort de recherche engagé par d’autres pays, l’Espagne étant par exemple à l’origine de cinq projets et l’Allemagne de trois.