• Aucun résultat trouvé

F - Améliorer l’efficacité des mesures en matière de conduite en état alcoolique

Les mesures à prendre doivent être guidées par la nécessité de sanctionner, plus efficacement et plus fermement, la conduite sous l’emprise de l’alcool et de convaincre parallèlement l’opinion publique, comme c’est le cas dans certains pays d’Europe du Nord, de l’incompatibilité absolue de la consommation d’alcool avec la conduite automobile.

1 -Mieux orienter les campagnes de communication La remontée récente de la courbe d’accidentologie routière appelle à la plus grande vigilance, s’agissant des mesures préventives et répressives. L’alcool reste la principale cause des accidents mortels avec un taux d’occurrence moyen de 30 %, qui doit inciter à un meilleur ciblage des actions visant à réduire l’alcoolémie au volant.

La prévention constitue un axe majeur en vue de la réduction de l’insécurité routière grâce à une modification des comportements à risque. Sa gestion gagnerait aujourd’hui à être optimisée tant au niveau national que territorial. À cette fin, il serait opportun de renforcer le volet relatif à l’évaluation des campagnes de prévention en lui allouant un budget spécifique.

Par ailleurs, si la communication et l’information en direction du grand public s’appuient majoritairement sur des campagnes de communication menées au niveau national, celles-ci pourraient être relayées par des messages plus adaptés aux spécificités locales en matière d’accidentologie.

2 -Étudier la perspective d’abaisser le seuil d’alcoolémie à 0,2 g/l pour tous

En Europe, cinq pays ont adopté le principe de la tolérance zéro pour tous les conducteurs, trois autres ont déjà aligné le seuil d’alcoolémie de l’ensemble des conducteurs sur celui des conducteurs novices (0,2 g/l), conformément aux recommandations de l’OMS.

Tableau n° 3 :situation des seuils d’alcoolémie en Europe

en g/l de sang Jeunes

conducteurs Autres conducteurs République tchèque, Hongrie, Slovaquie,

Roumanie, Bulgarie 0 0

Allemagne, Italie, Croatie, Slovénie 0 0,5

Estonie, Suède, Pologne 0,2 0,2

Autriche 0,1 0,5

France, Grèce, Irlande, Lettonie,

Luxembourg, Pays-Bas 0,2 0,5

Espagne 0,3 0,5

Royaume-Uni 0,8 0,8

Source : centre d’information sur l’Europe

Une norme de 0,2 g/l commune à tous marquerait fortement l’opinion et permettrait de rapprocher la France des pays les plus avancés dans ce domaine. Pour conserver un objectif pédagogique plus que répressif, les sanctions seraient adaptées, en se calant sur celles relatives aux petits excès de vitesse. Mais cette solution suppose au préalable de faire un bilan de l’application de la norme 0,2 g/l aux conducteurs novices et surtout d’améliorer l’efficacité de la chaîne contrôle/sanction. Le recul n’est pas suffisant pour dresser ce bilan.

3 -Simplifier les procédures de dépistage

Il paraît urgent de simplifier les procédures de dépistage pour augmenter la probabilité pour chaque automobiliste d’être contrôlé, de manière à tendre vers l’efficacité des radars automatiques en matière de vitesse excessive. De nombreuses options sont possibles.

a)Développer les réflexes de l’auto-dépistage

L’abaissement envisagé du seuil d’alcoolémie nécessite un accompagnement préventif qui doit d’abord reposer sur le renforcement des modalités d’auto-dépistage. À cet effet, il pourrait être envisagé :

- d’étendre à l’ensemble des débits de boissons à consommer sur place la loi du 14 mars 2011 sur l’auto-évaluation de l’alcoolémie au sein des établissements nocturnes, ;

- de prévoir des distributeurs automatiques d’éthylotest (par exemple à 1 €) et de rendre obligatoire pour les débits de boissons à emporter de les mettre à disposition à proximité des étalages de boissons alcoolisées ; - de rétablir les sanctions pour non-respect des obligations de la présence

d’un éthylotest dans tous les véhicules (décret du 28 février 2012).

b)Simplifier le dépistage par les forces de sécurité

Pour améliorer l’efficience du dépistage, il conviendrait :

- d’élargir le niveau des taux d’alcoolémie contraventionnelle (de 0,5 g/l à 0,8 g/l de sang), à une limite comprise entre 0,5 g/l et 1,2 g/l de sang, tout en relevant le montant des contraventions forfaitaires pour que la mesure ne soit pas interprétée comme une régression en termes de niveau de sanction. La contravention s’établirait de manière progressive entre la classe 4 (750 €) et la classe 5 (1 500 €) en fonction du niveau d’alcoolémie mesuré et permettrait des économies de moyens appréciables ;

- d’autoriser les agents de police judiciaire adjoints (APJA) des forces de police et de gendarmerie nationales ainsi que ceux des polices municipales à effectuer des contrôles d’initiative (sans avoir été mandatés par un officier de police judiciaire) ;

- de conclure des conventions systématiques au niveau national ou local avec des associations de médecins afin d’éviter des transports chronophages pour les forces de l’ordre vers un centre hospitalier, en vue de la délivrance d’un certificat de non-hospitalisation des contrevenants délictuels (0,8 g/l de sang).

Pour les mêmes raisons, il serait plus efficace de ne recourir qu’à un seul type d’appareil pour mesurer l’alcoolémie et établir la charge de la preuve. Ce nouvel appareil cumulant les fonctions de l’éthylotest et de l’éthylomètre actuels pourrait ainsi déterminer l’alcoolémie dès le dépassement du seuil contraventionnel.

Perspective d’un nouvel appareil de mesure de l’alcoolémie Un appareil portatif de nouvelle génération de type électro-chimique pourrait regrouper les fonctions de l’éthylotest et de l’éthylomètre actuels, ce qui permettrait de réduire le délai observé lors des contrôles et d’en multiplier le nombre.

Sans mésestimer les contraintes d'approbation d’un tel dispositif qui suppose un engagement gouvernemental fort (modification du code de la route, modification de la recommandation de l'Organisation internationale de métrologie, modification des homologations, des fréquences des vérifications périodiques, etc.), son développement industriel à un niveau suffisant permettrait d’assurer, avec des coûts acceptables, une meilleure efficacité de l’intervention des forces de sécurité, car celles-ci disposeraient sur un seul point de contrôle de plusieurs appareils permettant de mesurer les taux d’alcoolémie contraventionnels mais aussi délictuels, comme c’est déjà le cas dans d’autres pays.

c)Développer le recours aux éthylotests anti-démarrage Le taux de récidive des délits routiers, de l’ordre de 16 %, reste élevé et demeure constant en dépit des mesures préventives mises en œuvre. L’éthylotest anti-démarrage, utilisé depuis de nombreuses années dans d’autres pays comme le Canada ou les États-Unis, a démontré son efficacité sur les récidivistes. Son application devrait être rendue effective en confortant le réseau de garages agréés pour leur installation.

Au préalable, les modalités de contrôle des conducteurs assujettis au programme EAD (manipulations frauduleuses, non-respect des seuils d’alcoolémie) ainsi que la répartition des rôles respectifs de l’autorité judiciaire et des forces de l’ordre quant au dispositif de suivi en cas d’utilisation frauduleuse, devraient avoir été clarifiées.

Enfin un accompagnement psychologique et médical des personnes concernées, notamment en fin de programme, devrait être validé.

d)Durcir les sanctions

Il conviendrait tout d’abord de mettre en place des dispositifs permettant le recensement exhaustif des amendes et des montants appliqués et l’amélioration de leur recouvrement.

Une prolongation de la rétention administrative du permis de conduire au-delà de 72 heures pourrait rendre plus efficient le dispositif de prélèvement sanguin en donnant davantage de temps aux forces de sécurité pour obtenir la charge de la preuve (résultats de dépistage positif), notamment le week-end et pour les cas d’infractions multiples.

Une mesure forte comme la saisie immédiate du véhicule dès la première infraction en matière d’alcoolémie pour un taux contraventionnel (> 0,5 g/l de sang) pourrait marquer les esprits et faire changer les comportements.

Chaque année, près de 70 000 personnes sont interpellées en état d’ébriété sur la voie publique par les forces de l’ordre. Outre les nuisances occasionnées (sonores pour le voisinage, détérioration du mobilier urbain, déchets sur la voie publique), cet état d’ébriété peut présenter un risque pour la personne ivre elle-même ou pour de tierces personnes. Il serait utile d’augmenter le niveau des sanctions en cas d’accident ou de violence sur les personnes ou d’ivresse sur la voie publique et de prévoir une prise en charge médicale à partir d’un repérage précoce.

4 -Mettre fin au sentiment d’impunité en matière d’alcool au volant

Parmi ces différentes options il convient de privilégier celles qui sont de nature à mettre fin au sentiment d’impunité en matière d’alcool au volant.

Selon les sondages d’opinion menés par la DSCR, le dispositif répressif de l’alcool au volant est jugé trop indulgent. En effet, le montant moyen des amendes dressées pour conduite en état d’ivresse (> 0,8 g/l de sang) a plutôt évolué à la baisse au cours des dix dernières années, et les inégalités territoriales constatées dans la chaine de contrôle/sanction et dans le recouvrement des amendes accentuent le besoin d’une harmonisation du niveau des sanctions.

Recommandation n° 11 : accroître la probabilité des contrôles et des sanctions immédiates : en ayant recours à un seul appareil portatif homologué de mesure de l’alcoolémie contraventionnelle et délictuelle ; en augmentant le montant des amendes forfaitaires pour conduite en état d’alcoolisation jusqu’à la classe 5 ; en appliquant le régime de sanctions contraventionnelles immédiates jusqu’à une alcoolémie de 1,2 g par litre de sang.