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A - Un pilotage interministériel encore flou

En France, le pilotage de lutte contre les addictions a été confié à la MILDECA, mais la DGS a gardé l’essentiel des initiatives et des moyens.

1 -Le rôle de la MILDECA

Créé en 1982, le Comité interministériel et la mission permanente de lutte contre la toxicomanie laissent place en 1996 à la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (MILDT), placée sous l’autorité du Premier ministre. Devenue en 2014 la MILDECA, pour marquer l’intégration de l’ensemble des substances psychoactives et des conduites addictives dans ses missions, elle a vu son champ d’orientation et ses priorités fluctuer dans le temps, en fonction parfois des alternances politiques, au détriment de la cohérence et de la continuité que mériterait la coordination des politiques en matière d’addictions.

La MILDECA a été chargée d’élaborer et de mettre en œuvre le plan de lutte contre les drogues et les conduites addictives 2013-2017, qui couvre l’ensemble des addictions120.

Le plan gouvernemental de lutte contre les drogues et conduites addictives 2013-2017

Le plan gouvernemental se donne pour priorités de :

- fonder l’action publique sur l’observation, la recherche et l’évaluation ; - prendre en compte les populations les plus exposées pour réduire les

risques et les dommages sanitaires et sociaux ;

- renforcer la sécurité, la tranquillité et la santé publiques en luttant contre les trafics et contre toutes les formes de délinquance liées aux consommations de substances psychoactives.

À cet effet, il comporte cinq axes stratégiques : - prévenir, prendre en charge et réduire les risques ; - intensifier la lutte contre les trafics ;

- mieux appliquer la loi ;

- fonder les politiques de lutte contre les drogues et conduites addictives sur la recherche et la formation ;

- renforcer la coordination des actions nationales et internationales.

Si la MILDECA s’est à nouveau impliquée dans les stratégies relatives au tabac et à l’alcool, ses efforts sont encore trop récents pour que leur impact puisse être mesuré. De plus, si la répartition des rôles avec la DGS est clairement formalisée pour le pilotage du programme national de réduction du tabagisme (PNRT), que la Cour avait appelé de ses vœux en conclusion de son évaluation121 et auquel la MILDECA est étroitement associée sans exercer le rôle principal, ce n’est pas le cas pour l’alcool. Il n’existe en effet pour l’alcool ni « comité national de

120 Décret du 11 mars 2014, étendant le champ de compétences de la MILDECA non seulement à l’ensemble des substances psychoactives mais également aux addictions sans produits.

121 Cf. rapport d’évaluation demandé par le président de l’Assemblée nationale pour le comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques. Les politiques de lutte contre le tabagisme. La Documentation française, décembre 2012, 332 p., disponible sur www.ccomptes.fr

pilotage »122 associant les principaux acteurs publics, ni « comité de coordination »123 associant la communauté scientifique et la société civile.

Le plan d’actions 2013-2015124 confie le pilotage tantôt au ministère chargé de la santé, tantôt à la MILDECA, parfois conjointement aux deux. Il apparaît cependant que si la MILDECA a bien la charge des actions de coordination (par exemple l’instauration d’une commission interministérielle de prévention), les actions de prévention et de communication sont surtout pilotées par les ministères concernés : santé, éducation nationale, jeunesse, travail, ville ou justice. Il en va de même pour les actions dans le domaine de l’accompagnement et du soin, à quelques exceptions près.

D’une manière générale, en dépit de l’effet d’affichage du nouveau plan en cours, les moyens de la mission interministérielle ont constamment baissé au cours des dernières années : dans leur rapport consacré au pilotage territorial de la politique de prévention et de lutte contre les drogues et la toxicomanie, les corps d’inspection soulignent la diminution des moyens de la mission entre 2008 et 2013 (ramenés de près de 30 M€ à 22 M€, soit une baisse de 36 %, dont 8,9 M€ pour les interventions)125. Dans le cadre du plan d’actions 2013-2015 financé à hauteur de 58,8 M€, les crédits d’intervention de la MILDECA sont de 14 M€, soit 7 M€ par an.

Au plan local, depuis le rapport des corps d’inspection, la MILDECA s’est efforcée de mieux structurer son réseau : les directeurs de cabinet des préfets sont systématiquement désignés comme chefs de ressources humaines et le secrétariat général du ministère.

123 Coprésidé par le DGS et la présidente de la MILDECA, il comprend des représentants de la société civile (associations de lutte contre le tabac, représentants des usagers), des représentants des sociétés savantes, des membres du ministère des finances.

124 Le plan 2013-2017 est décliné en deux plans d’actions bisannuels successifs.

125 Rapport Évaluation du pilotage territorial de la politique de prévention et de lutte contre les drogues et la toxicomanie, Inspection générale des affaires sociales, inspection générale de l’administration et inspection générale des services judiciaires, mars 2014.

départemental et une directive nationale d’orientation des préfectures qui intègre la dimension alcool est en cours de finalisation. Il est cependant trop tôt pour mesurer les apports de ces dispositifs.

Enfin, pour la coordination des actions nationales et internationales, la MILDECA intervient essentiellement sur les drogues illicites, à savoir le groupe Georges Pompidou du Conseil de l’Europe et le groupe horizontal drogue (GHD) du Conseil européen. La DGS assure généralement la présence française dans le domaine de l’alcool, qu’il s’agisse des groupes d’experts tels que le CNAPA126 ou de la participation aux travaux menés par la Commission européenne dans le cadre de la stratégie 2006-2012. Quant aux arbitrages rendus par le secrétariat général des affaires européennes (SGAE), dans le domaine de l’alcool, ni la MILDECA ni la DGS ne sont en mesure de peser face aux ministères de l’agriculture et économique et financier. Le SGAE fait cependant valoir que la position française dans les enceintes européennes s’inscrit dans une démarche ambitieuse en matière de lutte contre les consommations nocives d’alcool. Celle-ci s’est exprimée fermement, lors du Conseil EPSCO (Emploi, Politique sociale, Santé et Consommateurs), dans sa réunion du 7 décembre 2015, en faveur d’une nouvelle stratégie européenne en matière d’alcool, en adéquation avec le plan gouvernemental de lutte contre les drogues et les conduites addictives et le plan d’action européen 2012-2020 de l’OMS.

Ainsi, la politique en matière d’alcool correspond probablement au domaine dans lequel la MILDECA a le plus de difficultés à établir sa légitimité et c’est plutôt la DGS qui assure le pilotage stratégique de la politique et des plans de santé publique relatifs à l’alcool.

2 -Le rôle du comité interministériel de prévention de la délinquance

Dans le domaine de la délinquance et des violences consécutives à des consommations d’alcool il n’existe pas de stratégie nationale mais des plans d’action publique comportant chacun, à des degrés divers, des actions en faveur de la lutte contre les consommations nocives d’alcool.

126 Comité de politique et d’actions nationales en matière d’alcool créé par la Commission en 2007.

Le plan national de prévention et de lutte contre la délinquance, élaboré par le Comité interministériel de prévention de la délinquance (CIPD)127, aborde les problématiques d’alcool à travers les aspects de la tranquillité publique. En revanche, le programme d'actions prioritaires du plan128 n’ébauche pas de mesures en faveur des jeunes exposés à une consommation abusive d’alcool.

Un constat similaire peut être formulé pour le quatrième plan triennal 2014-2016 de lutte contre les violences faites aux femmes : il comporte des mesures protectrices en faveur des victimes mais n’aborde pas la question des causes des violences.

B - Un pilotage local partagé entre les préfets