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Chapitre 2 : Cadre théorique

2.2 Les TIC en contexte scolaire

2.2.1 La recherche nord-américaine récente

Les recherches nord-américaines contemporaines associent les TIC à une amélioration de certains résultats scolaires (Barayktar, 2001; Christmann & Badgett, 2003; Waxman, et al., 2003). Chose étonnante, les apports les plus spectaculaires des TIC auraient été constatés entre 1970 et 1979, alors que ceux constatés entre 1990 et 1999 seraient moindres (Barayktar, 2001). Néanmoins, les méta-analyses et les études menées

récemment convergent majoritairement vers un constat : les TIC exercent une influence positive sur l’apprentissage, bien qu’elle soit légère.

Bayraktar (2001) a effectué une méta-analyse à partir de 42 études menées entre 1970 et 1999. Les projets retenus pour son analyse statistique explorent tous l’influence des TIC dans le cadre des cours de science du secondaire et du collégial. Il en ressort que les utilisateurs des technologies surpasseraient 62 % de leurs pairs qui évoluent dans un environnement traditionnel. Bayraktar dégage aussi des paramètres d’efficacité des TIC; ainsi, elles exercent un effet marqué non pas quand elles remplacent une formation traditionnelle, mais lorsqu’elles la complètent. Des périodes de travail ponctuelles et circonscrites dans le temps (d’une durée de quatre semaines ou moins) seraient plus rentables qu’une utilisation à long terme. Finalement, les technologies seraient particulièrement efficaces quand elles constituent un moyen d’enseignement parmi un ensemble de méthodes. Fletcher-Flynn et Gravatt (1995) tirent des constats similaires, à partir d’une méta-analyse exécutée sur quatre cents études conduites entre 1987 et 1992. Parce que l’ordinateur rehausse la qualité de l’enseignement dont bénéficient les élèves, il leur ferait réaliser légèrement plus de gains.

La méta-analyse de Waxman, Lin et Michko (2003) synthétise une série de recherches effectuées entre 1997 et 2003. Les analystes ont colligé deux cents travaux au départ, mais ils n’en ont considéré que quarante-deux dans leur investigation; la plupart comparent le rendement des utilisateurs de technologies à celui d’élèves qui apprennent de façon traditionnelle. Le corpus de données établi après cet écrémage regroupe quelque sept mille élèves du primaire et du secondaire. Globalement, Waxman, Lin et Michko concluent à la présence d’un effet positif des TIC : « […] teaching and learning with technology has

a small, positive, significant (p < .001) effect on student outcomes when compared to traditional instruction » (p. 11). Selon les chercheurs, les effets comportementaux et

affectifs de l’ordinateur s’avèrent non significatifs; en revanche, ceux sur la cognition le sont. Dans la même veine, les élèves du primaire qui reçoivent un enseignement de type

apprenants des classes traditionnelles : c’est ce qui ressort de l’approche métaanalytique adoptée par Christmann et Badget (2003).

Plusieurs facteurs permettent d’expliquer l’effet bien réel des TIC. Elles enrichissent l’expérience scolaire en augmentant la quantité de ressources mises à la disposition des élèves. De plus, elles varient les expériences qu’il leur est possible de tenter. Par exemple, les sources de données présentes dans Internet ou la multiplicité de tâches offertes (navigation, forums de discussion, visionnage d’images et de vidéos, etc.) savent stimuler l’utilisateur. Aussi, les élèves seraient plus enclins à réviser leurs travaux lorsqu’ils les effectuent à l’aide des TIC. Ils les rédigeraient dans une langue de meilleure qualité et seraient plus persévérants dans le cadre de démarches de résolution de problèmes (Laferrière, Breuleux, & Bracewell, 1999).

Ces bénéfices positifs sont assurément attribuables à l’impact des technologies sur la cognition. Dans son ouvrage Computers as Mindtools for Schools, Jonassen (1999) traite d’outils informatiques et d’environnements d’apprentissage informatisés qu’il nomme

mindtools. La conception de ces outils leur conférerait plusieurs vertus : ils assisteraient

l’apprenant en lui facilitant l’exercice de sa pensée critique et en lui permettant d’effectuer des tâches de niveau supérieur. Feuilles de calcul, hypermédias, logiciels de conférence Web sont autant de mindtools dont l’utilisation serait avantageuse. Jonassen mentionne que ces outils rendent l’apprenant actif : ils l’immergent dans des simulations et dans des cas problèmes éducatifs, ce qui l’oblige à bâtir des connaissances en action. En d’autres mots, ces outils d’aide à la pensée permettent à l’apprenant de développer ses connaissances par une démarche constructiviste. Aussi, ils octroient des ressources supplémentaires à l’utilisateur, soutenant sa cognition. Par exemple, en résolvant un problème, ces outils peuvent pallier les limites de la mémoire. Dans la mesure où les TIC facilitent l’exécution de tâches de haut niveau et génèrent une démarche constructiviste, elles créeront un cadre favorable à l’apprentissage.

Certaines voix invitent toutefois à tempérer les excès d’optimisme. Selon Burns et Ungerleider (2003), beaucoup d’études ciblant les TIC commettent des erreurs

interprétatives ou méthodologiques – l’absence de groupe témoin, par exemple. Partant, leurs conclusions s’en trouvent faussées. Or, des recherches à la méthodologie plus sûre, comme celle du National Assessment of Education Progress (NAEP), appellent à la prudence. Menée une année sur deux, l’étude américaine sonde les liens entre les TIC, notamment, et les performances en lecture et en mathématiques. Ainsi, les meilleurs résultats sont obtenus dans les établissements qui recourent le moins aux technologies; inversement, les apprenants qui utilisent l’ordinateur au moins une fois par semaine performent moins bien. Les intégrations technologiques qui sollicitent des habiletés cognitives de faible niveau sont associées à une faible réussite scolaire : au début du secondaire, les utilisateurs d’exerciseurs informatiques affichent un retard d’apprentissage de vingt et une semaines par rapport à leurs pairs qui apprennent de façon traditionnelle. Toutefois, l’ordinateur favoriserait la réussite scolaire lorsqu’il vise le déploiement d’habiletés cognitives de niveau supérieur. Dans un autre ordre d’idées, l’âge des apprenants module vraisemblablement les impacts des TIC. De jeunes élèves de la quatrième année du primaire ont dû utiliser des jeux éducatifs; au chapitre de l’acquisition des connaissances, ils ont devancé de quatre semaines leurs pairs qui n’en utilisaient pas. Cette analyse critique de Burns et Ungerleider (2003) rappelle que les TIC facilitent peut- être le processus d’apprentissage, mais dans des conditions précises. Partant, les chercheurs invitent à la vigilance lors de l’analyse de données empiriques : une méthodologie boiteuse peut diminuer leur validité.

En somme, les résultats de recherches nord-américaines tendent à démontrer que les utilisateurs des TIC à l’école réussissent mieux que les autres. Toutefois, plusieurs facteurs modulent cette amélioration, d’amplitude variable : la discipline scolaire à l’étude, le type et la fréquence d’utilisation en sont quelques-uns. Aussi convient-il d’interpréter prudemment les résultats fournis par les études empiriques, une méthodologie inadéquate pouvant les invalider.