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Les thèses de doctorat qui sont structurées selon un modèle classique exposent l’analyse et l’interprétation des résultats dans des chapitres distincts. Cette voie facilite la présentation des résultats, puisque d’emblée, le doctorant les interrelie les uns aux autres. Néanmoins, l’approche classique présente un inconvénient majeur : elle retarde la diffusion immédiate des résultats de recherche, car le manuscrit doit d’abord être adapté (Faculté des études supérieures et postdoctorales, 2009). Au contraire, la présentation par articles permet de communiquer les conclusions dès la fin du parcours doctoral. Toutefois, elle comporte également ses défis : « le format par articles est lié à la difficulté de rédiger un manuscrit […] de thèse formant un tout cohérent et bien intégré » (Faculté des études supérieures et postdoctorales, 2009, p. 11). Finalement, lorsque les articles sont cosignés, la contribution de l’étudiant peut être moins évidente.

Nous avons pris acte de l’existence de ces embûches, mais nous avons choisi de rédiger notre thèse par articles. Tout d’abord, ce format de présentation répondait naturellement à la structure de notre projet de recherche. Rappelons que nous avons exploré l’impact des TIC sur l’écriture de trois façons spécifiques; d’abord, nous voulions mesurer l’impact des TIC sur la qualité de l’écriture (objectif spécifique un); ensuite, nous désirions mesurer l’effet des technologies sur la motivation à écrire (objectif spécifique deux); puis, nous croyions incontournable de décrire l’influence du traitement de texte sur les opérations cognitives de traduction et de révision (objectif spécifique trois). Comme « deux ou trois

articles seraient requis pour une thèse de doctorat » (Faculté des études supérieures et

postdoctorales, 2009, p. 13), nous pouvions aisément présenter les résultats sous formes d’articles indépendants. Le chapitre conclusif final a ensuite permis de mettre ces résultats en dialogue et de saisir les impacts globaux des TIC sur l’écriture.

Autant que faire se peut, nous avons tâché d’éviter les redondances d’un article à l’autre. Chaque texte contient une section contexte théorique, où nous présentons succinctement les notions théoriques essentielles à la compréhension des résultats de recherche. Dans l’article un, nous insistons davantage sur les critères de qualité textuelle et les fonctionnalités du traitement de texte. Dans l’article deux, nous partons plutôt de la

représentation du processus scriptural élaborée par Hayes et Flower (1981; 1980), tout en insistant sur la notion cruciale de pause. Dans l’article trois, les modélisations didactiques de l’écriture constituent le point de départ de la réflexion, mais nous y juxtaposons également les théories de la motivation. Une section cadre théorique suit l’exposition des concepts phares : nous évoquons alors d’importants travaux empiriques qui retracent l’état des connaissances actuelles. Cette façon de faire nous a permis d’éviter les redondances dans l’exposition du cadre théorique. Nous avons également sélectionné les éléments de problématique les plus pertinents à chaque objectif spécifique. Dans un autre ordre d’idées, nous avons fait un effort de concision dans la présentation des résultats, afin de faciliter la diffusion ultérieure des articles produits.

Notre recherche chevauchait deux domaines d’études distincts; en traitant du processus scriptural, elle se plaçait dans la lignée de la didactique du français. Toutefois, en plaçant l’impact des TIC à l’avant-plan, elle se situait également dans le champ de la psychopédagogie. Conséquemment, cette dualité a guidé le choix des revues auxquelles nous aimerions soumettre nos textes. D’une part, en lien avec le volet didactique de notre travail, nous désirions nous adresser à un public de chercheurs issus de la francophonie. D’autre part, nous désirions évidemment communiquer ces résultats dans des revues scientifiques du monde des sciences de l’éducation. Nous aimerions donc soumettre nos articles à la Revue des sciences de l’éducation (Canada), à la Revue française de pédagogie (France) ainsi qu’à la Revue canadienne d’éducation (Canada). Le Tableau XVII présente ces choix de façon plus exhaustive.

Tableau XVII : Articles, objectifs spécifiques et revues ciblées

Articles et objectifs de

recherche Revues ciblées

Article 1 Titre : L’impact du traitement

de texte sur la qualité de l’écriture d’élèves québécois du secondaire

Titre : Revue des sciences de l’éducation

La Revue des sciences de l’éducation émane d’un désir partagé des universités francophones canadiennes : diffuser les recherches contemporaines du champ des sciences de l’éducation. Conséquemment, cette revue est un lieu de diffusion privilégié pour tout chercheur abordant un problème propre au contexte éducatif québécois. Puisque l’objectif de recherche que nous abordons dans ce premier article allie sciences de l’éducation et langue française, notre contribution s’inscrit dans la ligne éditoriale de la revue. Notons que ce périodique scientifique publie régulièrement des numéros thématiques portant sur l’intégration des TIC .

Objectif : Mesurer l’impact des TIC sur la qualité de l’écriture

Article 2 Titre : Le processus de

révision et l’écriture technologique : description des utilisations du traitement de texte par des élèves québécois du secondaire

Titre : Revue française de pédagogie

La Revue française de pédagogie paraît depuis bientôt 45 ans et constitue un lieu d’échange pour les chercheurs de la francophonie qui oeuvrent dans le champ de l’éducation. Cette publication française privilégie la pluralité des approches et des points de vue; il s’agit là d’un terreau fertile pour nos recherches. D’une part, notre approche nord-américaine éclaire l’enseignement du français sous un angle qui se distingue des approches européennes. D’autre part, la méthodologie de ce deuxième article se veut plus innovante : encore une fois, cela rejoint l’intérêt de la RFP pour les points de vue variés. Publier un article dans cette revue nous permettrait de diffuser nos résultats outre-Atlantique, fait non négligeable.

Objectif : Décrire l’effet des TIC sur les processus cognitifs, plus particulièrement en ce qui concerne la traduction et la révision.

Article 3 Titre : Les TIC motivent-elles

les élèves du secondaire québécois à écrire?

Titre : Revue canadienne de l’éducation

La Revue canadienne de l’éducation est l’organe de la Société canadienne pour l’étude de l’éducation (SCÉÉ). Périodique bilingue, elle s’adresse à un lectorat intéressé par les questions éducatives, et non seulement aux spécialistes. Elle diffuse notamment les résultats de recherches portant sur les enjeux éducatifs en contexte canadien. Notre article s’inscrirait dans le mandat général de cette revue : il traite de la motivation scolaire, phénomène préoccupant à l’échelle nationale. Ce thème largement médiatisé et plus facile d’accès serait susceptible d’intéresser plus spontanément le lectorat de la Revue.

Objectif : Mesurer l’impact des TIC sur la motivation à écrire

Le premier article concerne l’impact du traitement de texte sur la qualité de l’écriture. D’entrée de jeu, nous montrons l’omniprésence des TIC, qui établiraient une

nouvelle civilisation. Ces nouveaux modes de communication exigent donc une bonne compétence scripturale; or, les élèves québécois seraient de bien piètres scripteurs. Partant, nous montrons que plusieurs organismes militent pour une alphabétisation technologique : utiliser l’ordinateur permettrait notamment un meilleur apprentissage de l’écriture. Après avoir défini plus spécifiquement la notion de qualité de l’écriture, nous passons en revue certaines études qui ont sondé le lien entre le traitement de texte et la compétence scripturale. Il en ressort que les TIC exercent un effet minime, mais statistiquement significatif sur la compétence scripturale. Afin de mesurer l’impact du traitement de texte sur l’écriture, nous avons retenu l’approche quasi expérimentale, fréquemment évoquée dans les écrits empiriques. En lien avec cette approche, 205 scripteurs de première secondaire ont été répartis au sein d’un groupe témoin et d’un groupe quasi expérimental. Alors que les premiers ont rédigé à la main pendant une étape, les autres ont plutôt utilisé l’ordinateur. Trois mesures, prises à des moments stratégiques, nous ont permis d’étudier l’impact des TIC; les données récoltées ont été subséquemment analysées au moyen d’ANOVA. Ces analyses montrent que l’ordinateur ne favoriserait pas indûment les scripteurs technologiques, qui ne surpassent leurs collègues qu’au chapitre de l’orthographe d’usage. En revanche, elles pourraient bien leur nuire en ce qui concerne la grammaire du texte. Des entrevues de groupe dirigées ont été réalisées afin de corroborer les données statistiques. Elles ont été traitées au moyen d’une analyse inductive générale, qui révèle une certaine distorsion; les élèves semblent accorder plus de bénéfices aux TIC qu’elles n’en ont réellement. Au terme de et article, nous sommes en mesure de conclure que les technologies exercent une légère influence sur la compétence scripturale. Les deux autres articles permettent de mieux comprendre ces résultats.

Le deuxième article procède d’une tout autre logique. Nous y rappelons d’abord l’importance cruciale de maîtriser l’écriture. Encore une fois, nous montrons que les TIC ont peut-être modifié le sens même de l’acte d’écrire. Partant, recourir à l’ordinateur pourrait déboucher sur de toutes nouvelles pratiques scripturales. Ce deuxième article s’attache à décrire l’impact du traitement de texte sur les processus de révision de scripteurs novices, et cela, en contexte scolaire. Nous en appelons d’emblée au modèle de Hayes et

Flower, qui nous permet de constater l’importance des processus cognitifs de traduction et de révision dans l’écriture. Selon les travaux de Jacques Anis (Anis, 1998), les spécificités du traitement de texte feraient en sorte qu’il s’immiscerait dans le déploiement de ces processus. L’étude des pauses effectuées en cours d’écriture montrerait quelles sont ces interactions. La présentation subséquente de données empiriques nous permet en fait de constater que l’écriture à l’ordinateur générerait de plus fréquentes modifications superficielles. Or, l’attention qui est portée à ces changements de surface pourrait nuire à la qualité globale du texte : lorsque les ressources cognitives allouées servent surtout à corriger l’orthographe, par exemple, elles ne sont pas mobilisées pour réviser et enrichir le texte en profondeur. Il faut donc demeurer vigilant en interprétant le nombre de révisions : leur qualité et leur nature, plus que leur nombre, témoigneront de l’efficience de l’utilisation du traitement de texte. À partir de ces constats théoriques et empiriques, nous élaborons une méthodologie de recherche strictement qualitative. D’une part, nous avons interrogé les élèves, afin d’accéder à leurs perceptions des TIC utilisées pour écrire; nous l’avons dit plus tôt, ces données ont été dépouillées selon une analyse inductive générale. D’autre part, les observations vidéographiées constituent la principale source de données invoquées pour étudier cet objectif. Nous avons filmé des scripteurs en cours d’écriture, puis nous avons repéré chacune de leurs erreurs – qui constituent autant de brèves pauses. Nous avons ensuite tâché de décrire ce qu’ils font de la rétroaction offerte par le traitement de texte. Les verbalisations concurrentes à la tâche ont facilité ce travail d’identification. Il en ressort entre autres que le réviseur linguistique intégré offre bien peu de suggestions de corrections aux scripteurs; de plus, ceux-ci n’arrivent pas toujours à bien les exploiter. Surtout, le processus d’écriture technologique est caractérisé par un grand nombre de difficultés. Les constats qui synthétisent cet article nous ont permis de mieux comprendre la faiblesse des effets mesurés dans le cadre de l’objectif spécifique un.

Le dernier article, quant à lui, emprunte une forme similaire au premier; en effet, il relate l’étude du troisième objectif spécifique, qui implique aussi la mesure précise d’un phénomène, à savoir l’impact des TIC sur la motivation. Nous partons d’abord d’un constat : la motivation scolaire des élèves québécois décline de façon inquiétante.

Conséquemment, il est facile de comprendre que leur compétence scripturale piétine. Nous suggérons ensuite que le recours aux TIC pourrait régler l’un et l’autre problème : l’attrait qu’elles exercent chez les jeunes générations pourrait favoriser le désir d’apprendre et, de là, favoriser la réussite. Nous montrons que Hayes (1995) juge la motivation si importante qu’il l’intègre dans sa représentation actualisée du processus scriptural. En fait, nous rappelons que si l’élève entretient un grand sentiment d’autoefficacité, ses comportements seront plus autodéterminés. Ce sont là deux conditions à l’apparition de la motivation intrinsèque, favorable à l’apprentissage (Bandura, 1993; Deci, 1975). Nous invoquons ensuite des études empiriques, qui valident cet argumentaire issu des études théoriques. Nous proposons ensuite de mesurer les écarts motivationnels entre un groupe témoin et un groupe quasi expérimental dans le cadre d’une approche quantitative. Nous avons élaboré l’ÉMEF (Échelle de motivation à écrire en français), un outil validé qui nous a permis de mesurer la motivation des participants avant et après l’introduction du traitement quasi expérimental. Les tests t réalisés sur les données font état de différences importantes, statistiquement significatives. De plus, ils nous renvoient un portrait dichotomique. Alors que les élèves des groupes quasi expérimentaux tendent à être motivés intrinsèquement, les élèves des groupes témoins expriment de plus hauts scores en ce qui concerne l’amotivation. Les entrevues de groupe corroborent ces constats. Leur analyse inductive générale montre que les scripteurs préfèrent nettement écrire à l’écran.

Ces trois articles sont immédiatement suivis d’une conclusion générale, particulièrement importante. Cette partie importante de notre argumentaire tente de justifier le faible impact des TIC sur le rendement. Nous sollicitons alors la description de l’intervention des TIC dans les processus de traduction et de révision; on comprend notamment que les outils utilisés ainsi que leur intégration sont peu efficients; ainsi, nous éclairons alors l’objectif un à l’aide des données récoltées dans le cadre de l’objectif deux. Dans la même veine, les données amassées lors du troisième objectif spécifique de recherche nous permettent de comprendre l’inadéquation entre les bénéfices prêtés aux TIC par les élèves et les faibles impacts mesurés. Il apparaît que l’ordinateur motive les utilisateurs; ainsi ces derniers leur prêtent-ils des vertus et sont-ils appâtés par un potentiel

dont ils ne bénéficient pourtant pas. C’est ce que nous permet de dégager l’analyse conjointe des objectifs un et trois.

Nous le constatons donc : l’ordre de présentation des articles n’est ni innocent ni aléatoire. Nous avons d’abord présenté l’article dans lequel nous tentons d’établir un lien entre un mode d’écriture et la compétence scripturale. Les deux articles subséquents concernent des variables modulant l’habileté scripturale; nous les présentons donc dans un deuxième temps, de façon à ce qu’ils expliquent l’analyse ébauchée dans le premier article.

Par souci d’uniformité, notons que ces trois textes sont bâtis sur le canevas proposé par la Revue des sciences de l’éducation. Si nous avons l’autorisation de les diffuser, ils seront adaptés afin de correspondre aux exigences des revues ciblées. Si nous n’avons pu éviter d’immanquables redondances, nous avons tâché de les limiter. Malgré nos efforts pour nous assurer de la cohérence des propos, ces articles trouvent toute leur force lorsqu’on les analyse l’un et l’autre de façon complémentaire : ils permettent alors de saisir l’impact des TIC sur l’écriture de façon globale, ce que peu de travaux ont permis d’embrasser d’un seul regard. Bien que ces textes comportent assurément des lacunes, nous en avons été l’unique expérimentateur, puis l’unique rédacteur : nous croyons donc avoir apporté une contribution qui, bien qu’elle soit humble, s’est voulue la plus originale possible.