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La recherche aux États-Unis : L’École de Chicago et études urbaines classiques

1.2 Contexte théorique : rénovation urbaine et populations déplacées comme objet de

1.2.1 La recherche aux États-Unis : L’École de Chicago et études urbaines classiques

américains ont, elles aussi, fournies des éléments de travail pour l’analyse des rapports sociaux dans les groupes de voisinages et dans les unités d’habitation. L’écologie urbaine telle

qu’elle s’est développée, notamment dans l’École de Chicago61, a ouvert sur le plan des

rapports entre les structures spatiales et les comportements, une ligne de travail qui n’est pas encore épuisée.

Les chercheurs de l’École de Chicago dans les années vingt et trente, ont produit un ensemble de travaux empiriques et d’outils théoriques qui permettent de les considérer comme le groupe « fondateur » de la recherche urbaine dans les sciences sociales et

notamment en anthropologie62. Ces chercheurs (Robert Park, Robert Redfield, Louis Wirth,

principalement) ont agit dans un contexte qu’il est intéressant de rappeler brièvement, selon deux points de vue. D’une part, comme contexte sociologique, la ville de Chicago était devenue vers 1930 la deuxième agglomération des États-Unis et le cinquième de la planète,

61 Pour une présentation précise de l’École de Chicago, on se reportera notamment à A. Coulon (1992), U. Hannerz (1983),

Y. Grafmeyer & I. Joseph (1979) et M. Agier (1996).

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Les quelques productions de l’École de Chicago qui aient été traduites en chinois sont celles de L. Wirth (1938) ; W. I. Thomas & F. Znaniecki (1918) ; W. F. Whyte (1943) ; R. E. Park (1925).

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avec trois millions d’habitants. « Laboratoire » pour l’expérience des contacts inter-ethniques, Chicago était aussi un lieu d’émergence de problèmes sociaux inédits. Ségrégation, délinquance, criminalité, vagabondage, chômage, formation de gangs, etc., s’imposèrent comme des thèmes de recherche avec une certaine urgence. Un tel contexte se retrouve directement dans la première question qui ressort de ce courant de recherche, celle du contrôle social en ville : « Le problème social est fondamentalement un problème urbain, écrivait R. Park en 1929, il s’agit de parvenir, dans la liberté propre à la ville, à un ordre social et un contrôle social équivalents à ce qui s’est développé naturellement dans la famille, le clan, la tribu » (Y. Grameyer & I. Joseph, 1990). Le contexte théorique des travaux de Chicago est marqué par la montée de l’ethnographie savante et professionnelle, définissant normativement ses premiers outils méthodologiques (l’observation participante) et théoriques (la cohésion sociale et le fonctionnalisme des institutions des petits groupes observés) (M. Agier, 1996). Ces savoirs forment alors le contrepoint anthropologique pour les chercheurs de la ville de Chicago.

Depuis les premiers travaux de l’École de Chicago jusqu’à nos jours, de très nombreuses études ont contribué à rendre célèbre le thème de « l’immigration et la ville », qui unit les habitants par de multiples liens de voisinage, de parenté, d’amitié et de solidarités professionnelles. Ce thème correspond à une gamme de situations très diverses, allant du vieux quartier populaire traditionnel jusqu’à la communauté d’immigrants. W. Thomas et F. Znaniecki (1918), l’un des fondateurs de l’École de Chicago, a introduit la méthode biographique en sociologie, en étudiant les tribulations d’un jeune Polonais immigré aux États-Unis. W. F. Whyte (1943) s’est intéressé à un quartier américain, street corner society, dont il a étudié la structure sociale pendant neuf ans d’observation participante. Paru en 1923, Le Hobo de N. Anderson est l’une des célèbres enquêtes d’ethnologie urbaine qui firent la réputation de l’École de Chicago entre les deux guerres. Il se penche sur les travailleurs migrants qui se déplaçaient de Chicago jusqu’à l’ouest des États-Unis pour suivre les

chantiers. Les hobos représentent, au tournant du XXe siècle, toute une époque de la classe

ouvrière américaine, dont les conditions de vie précaires reflètent parfaitement les turbulences

de la vie économiques d’alors63.

Par ailleurs, les chercheurs de l’École de Chicago se sont aussi directement intéressés à la

question du rapport entre l’immigration et l’espace. Dans les premières décennies du XXe

63 La première traduction française du livre d’Anderson est accompagnée d’une postface d’O. Schwartz : « L’empirisme

irréductible ». Il y analyse les fondements et les limites méthodologiques de cette enquête dans laquelle Anderson se fait l’ethnologue de son propre milieu, et montre aussi pourquoi l’ethnographie, nécessairement confrontée à une part de contingence et d’impureté, ne peut jamais se plier strictement à une épistémologie de la rigueur.

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siècle, l’École de Chicago faisait de la banlieue l’étape ultime du processus d’intégration des immigrants, leur dispersion spatiale consacrait leur volonté d’assimilation dans l’espace homogénéité de la banlieue (J. Charbonneau & A. Germain, 2002). Ils se sont efforcés d’étudier les processus d’urbanisation de Chicago afin d’expliquer la structure et les transformations des villes américaines. Cette École a mis en évidence l’existence d’une ségrégation spatiale et sociale, notamment par l’étude de cas de petits quartiers singuliers, comme les quartiers populaires d’immigrants ou les beaux quartiers (L. Wirth, 1928 ; H. W. Zorbaugh, 1929).

De telles recherches de l’École de Chicago sur le thème « ville et migration » nous

proposent une base solide dans le cadre théorique et méthodologique64.

1.2.2. La recherche française

1.2.2.1. Rénovation urbaine et changement social

La notion de « renouveau urbain » apparaît en France dès les années 60 comme une traduction du terme anglo-saxon « urban renewal », qui correspond à une politique américaine des années 50 visant à lutter contre le déclin et la paupérisation des centres-villes. Ce « renouveau urbain », comme le propose alors la traduction, correspond à une période caractéristique de l’ensemble des villes d’Europe dont le tissu ancien devient totalement inadapté aux exigences de la vie économique contemporaine. En France, c’est la grande époque des opérations d’amélioration et de requalification du bâti avec les politiques, parfois brutales de rénovation et réhabilitation urbaines (A. Dejongh, 2006).

La rénovation urbaine concerne, tout d’abord, l’urbanisme. En Europe, l’urbanisme est d’abord le résultat des mouvements municipaux. Pour la France, l’initiative partit du Conseil municipal de Paris quand, devant ses partenaires incrédules, l’assemblée parisienne imposa la construction d’un « chemin de fer métropolitain urbain » dont les travaux commerciaux débutèrent en 1898 (A. Cottereau, 1970). En 1911, la Société française des urbanistes est

fondée. Issue des courants humanistes et hygiénistes de la fin du XIXe siècle, cette société

savante réunit depuis ses origines les urbanistes de tous modes d’exercice (public, para public et privé) sur la base de critères professionnels. Ses actions constituent une véritable force de propositions, qui se manifeste notamment dans la vision des urbanistes pour la ville du

XXIe siècle. En 1919 sont également créés les plans d’aménagement, d’embellissement et

d’extension, ancêtres des documents d’urbanisme, c’est-à-dire des dossiers concernant l’aménagement global des communes qui en étaient pourvues. Par la suite, un réformiste,

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différents groupes politiques et para-politiques, des professionnels ont rejoint le Conseil municipal et les administrations de la Seine pour tenter, à travers l’action sur les formes spatiales, d’induire de nouvelles « utilités » collectives et d’influencer les rapports sociaux (A. Cottereau, 1970).

Parmi les nombreux problèmes posés par l’évolution des grandes villes, celui de la rénovation urbaine est l’un des plus urgents et des plus mal connus jusqu’aux années 50. Les aspects sociologiques en sont essentiels et une collection traitant de l’évolution de la vie sociale ne pouvait l’ignorer. La sociologie urbaine en France a trouvé dans les groupes d’habitation qui s’implantent à la périphérie des villes un vaste champ de recherches et d’expérience : la croissance, spontanée ou dirigée des agglomérations fournit un terrain privilégié pour l’observation des modes de vie et des comportements nouveaux des citadins. C’est dans ce contexte que les premiers travaux de sociologie urbaine au sortir de la guerre, renversant la perspective fonctionnaliste, mettent la vieille ville, ouvrière et portuaire, au centre de leurs enquêtes (P.-P. Zalio, 1996).

A la suite des premiers travaux sur les structures d’ensemble de l’agglomération parisienne

(M. Halbwachs65, 1909 ; P.-H. Chombart de Lauwe66, 1952) et sur les rapports entre

comportements et conditions de vie dans l’habitation (P.-H. Chombart de Lauwe, 1956), l’étude d’H. Coing couvre d’une façon plus directe encore le dialogue entre les chercheurs et les utilisateurs de la recherche. Dans son ouvrage Rénovation urbaine et changement social (1966), à travers la rénovation de l’ilot n°4 (Paris XIIIe), il mit en lumière la représentation de la vie sociale ou de la cité pour découvrir quels sont les facteurs (individuels, collectifs, structurels) qui aident les habitants ou les empêchent de profiter de la rénovation. D’après lui, les réactions aux effets de la rénovation sont très différentes selon les ménages. La rénovation est d’autant mieux acceptée que le niveau de revenu est plus haut et l’âge moins élevé. Les modalités du relogement et les conséquences particulièrement cruciales pour les artisans et les commerçants, sont très bien étudiées. L’âge et le revenu sont loin de tout expliquer. Quel que soit son état, le logement constitue un refuge pour les ménages auxquels l’avenir apparaît incertain ou les perspectives de promotions limitées. C’est parmi eux que la résistance au changement est la plus forte. H. Coing insiste sur l’importance des opérations de rénovation qui bouleversent rapidement un cadre de vie qui s’était lentement constitué, et étudie, de ce point de vue, les implantations d’équipements et de

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Pour une présentation précise de M. Halbwachs, on se reportera notamment l’ensemble des articles de C. Topalov (1997, 1999, 2006).

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centres commerciaux. Ce livre est considéré comme une étude classique depuis un demi- siècle.

1.2.2.2. Des centralités immigrées

Depuis plusieurs années, des recherches sur les migrations développent des approches centrées sur le couple mobilité/territoire, et insistent sur les mobilités des migrants et leurs circulations migratoires. Elles incitent à porter attention à la manière dont ces mobilités mettent en interaction des espaces discontinus et dessinent des routes géographiques et sociales entre régions, villes d’origines, d’installation et de passage. Elles montrent que ces routes s’articulent dans les villes et les agglomérations européennes et notamment françaises, avec des ancrages sociaux et spatiaux constitués par les migrations, et donnent lieu à des carrefours où se croisent différents réseaux migratoires. Elles signalent que ces carrefours d’informations et de transactions prennent souvent l’allure de places commerçantes et d’affaires, qui exercent des fonctions de centralité dans l’approvisionnement de populations en situation migratoire résidant dans les régions concernées. Différentes recherches font ainsi apparaître des configurations territoriales originales, transnationales, avec des géographies et des topologies particulières, coordonnant mobilité et sédentarité, articulant ancrages, passages et voisinages sur des registres tant économiques que sociaux et culturels (S. Mazzella, 1996a, 1996b, 2004 ; A. Battegay, 2003 ; M. Peraldi, 2004 ; J. Cesari, 2005 ; P.-P. Zalio, 1996, 2007a).

Ici, on pourra poser deux aspects de recherches liées avec notre étude.

1.2.2.2.1. Cohabitation

La sociologie urbaine contemporaine en France renoue depuis plusieurs années avec une longue tradition de recherches empiriques logées à l’enseigne du quartier. Délaissant les paradigmes macro-sociologiques inspirés de la pensée marxiste des années 1970, les chercheurs se sont remis à la découverte des modes de vie et des lieux de la vie quotidienne à la manière de l’anthropologie. Ils éprouvent donc fortement la tentation de réhabiliter les vertus heuristiques du quartier comme territoire privilégié d’observation (A. Germain, 1998). La sociologie et l’anthropologie urbaines occupent progressivement une place centrale parmi les études sur l’immigration en France. De nombreuses publications témoignent de cette tendance : les travaux de V. De Rudder (1987), d’A. Raulin (1988), de J. C. Toubon & K. Messamah (1991), de M. Guillon & I. Taboada-Leonetti (1986), de M. Hovanessian (1988) et

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de S. Mazzella (1996b) étudient l’inscription spatiale des immigrés et d’une certaine façon, leur intégration dans le tissu urbain.

Au carrefour logistique, économique et social, de ces configurations territoriales, le rôle particulier de certains centres-villes a été souligné dans différentes villes françaises (La

Goutte d’Or, Barbès, le XIIIe arrondissement, Belleville à Paris, Belsunce à Marseille67, La

Place du Pont à Lyon). L’existence et l’activité de ces « centralités immigrées »68 est attestée

dans les grandes villes de l’hexagone, pour certaines depuis plus d’un demi-siècle : elles ont des histoires, des positionnements urbains, des modes de formation différents, particuliers à chaque ville et qui renvoient à des configurations et des histoires migratoires singulières. Leur observation a fait apparaître des caractéristiques communes : ces espaces fonctionnent à la fois comme des places et des pôles, non seulement comme des quartiers populaires et composites de grandes villes mais aussi comme des carrefours de mobilités et d’informations, des opérateurs de circulation économique et culturelle (A. Battegay, 2003).

Depuis les années 60, dans le domaine de la recherche en sciences sociales, de nombreuses études sur le quartier ethnique ont été menées. Parmi les recherches sur les quartiers ethniques, trois études sont surtout célèbres (M. Guillon & I. Taboada-Leonetti, 1986 ; V. De Rudder, 1987 ; I. Taboada-Leonetti, 1987). Les chercheurs ont transplanté la tradition de l’École de Chicago dans le contexte français. Ils ont mené des recherches sur l’espace urbain, sur les positions sociales et les relations ethniques dans le cas de quartiers particuliers.

En règle générale, on constate une division sociale de l’espace : ici logent les patrons, là les cadres et là les ouvriers. Dans les années 50 qui a suivi la Seconde Guerre mondiale, une nouvelle forme d’habitation a fait son apparition dans les agglomérations françaises : le

« grand ensemble »69, pour résoudre le problème de logement. Ce dernier fait figure de

laboratoire improvisé. Dans les années 60, un certain nombre de travailleurs immigrés sont entrés dans les grands ensembles. La question de la cohabitation a commencé à se poser à ce moment là. Le sociologue P.-H. Chombart de Lauwe est l’un des premiers à considérer l’importance de ces mutations de l’habitat et a réalisé des recherches empiriques sur les grands ensembles. Dans son texte de Famille et Habitation, P.-H. Chombart de Lauwe

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Voir les travaux sur le quartier de Belsunce à Marseille (E. Temime, 1995 ; S. Mazzella, 1996a, 1996b)

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Marseille est probablement la seule ville de France où la centralité populaire et immigrée est à ce point affirmée. On se reportera notamment aux travaux de Marcel Roncayolo (1963, 1967, 1990, 1996) et P.-P. Zalio (1996, 1999).

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A l’Assemblée nationale en 1964, on évoqua pour la première fois la notion de « grands ensembles » comme palliatif à l’habitat précaire lors d’une séance de travail destinée à préparer une future loi sur l’expropriation de terrain dans les

bidonvilles. Selon le Service de l’Inventaire du Ministère de la culture, un grand ensemble est un « aménagement urbain

comportant plusieurs bâtiments isolés pouvant être sous la forme de barres et de tours, construit sur un plan masse constituant une unité de conception. Il peut être à l’usage d’activité et d’habitation et, dans ce cas, comporter plusieurs centaines ou milliers de logements. Son foncier ne fait pas nécessairement l’objet d’un remembrement, il n’est pas divisé par lots ce qui le différencie du lotissement concerté ».

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souligne que « le mélange des catégories sociales dans les cités a une action très nette sur les relations du voisinage, sur l’éducation des enfants, sur l’évolution des structures familiales, sur le développement des groupes de jeunes etc. » (P.-H. Chombart de Lauwe, 1960). Les recherches conduites par J.-C. Chamboredon et M. Lemaire sont résumées dans un article fondateur paru dans la Revue française de sociologie : Proximité spatiale et distance sociale. Les grands ensembles et leur peuplement (1970). Ils s’attachent à comprendre comment la population logée est arrivée dans le grand ensemble de Massy qu’ils étudient, par quelles filières d’attribution des logements, avec quels objectifs résidentiels.

Au début des années 80, M. Pinçon (1982) étudie le Sillon de Bretagne, opération de logements sociaux réalisée par le Home Atlantique à Saint-Herblain, sur la base d’un projet explicite de mixité sociale. L’étude du peuplement sur le long terme l’amène à constater son échec : les classes moyennes finissent par s’agréger, avec le consentement de l’organisme, sur une partie du grand ensemble. Les familles nombreuses et immigrées se trouvent progressivement isolées dans une autre tour. Mais ce constat ne s’applique pas seulement au mélange de populations de couches moyennes et modestes (Y. Fijalkow, 2004). Utilisant les concepts d’habitus et de conjoncture pour analyser la cohabitation et les modes de vie de catégories sociales différents dans une cité HLM, il montre que « cohabitation implique en effet un partage de l’espace, l’inscription des pratiques dans des lieux collectifs. Ces lieux collectifs sont de deux ordres, pour simplifier. Il y a d’une part, les espaces publiques proprement dits, ouverts librement à tous et que tous, à un moment ou à un autre, sont appelés à fréquenter, à utiliser […] Il y a d’autre part, les espaces qui, pour rester d’accès libre, n’en sont pas moins le lieu où la fréquentation revêt un caractère beaucoup plus facultatif » (M. Pinçon, 1982).

Dans les recherches sur une quinzaine d’ensembles HLM caractérisés par une fort multi- ethnicité, F. Dansereau (1998) identifie les objets de tensions ou de difficultés de cohabitation interethnique les plus courants : le bruit, l’odeur, la malpropreté, l’appropriation des espaces, la dégradation des espaces communs et les irrégularités dans l’occupation du logement. Elle montre que ces objets de tensions sont, dans une large mesure, « universels » : ils ressortent aussi bien des recherches menées en France qu’en Amérique de Nord. Et ces objets de tensions dans les relations de voisinages montrent que la propension à l’ethnicisation varie selon les problèmes. Les récriminations concernant le bruit, les odeurs, les déchets domestiques, la présence de blattes est celles qui sont le plus couramment ethnicisées. En revanche, d’autres thèmes comme le vandalisme, la dégradation des espaces communs ou les

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petits vols, généralement attribués aux adolescents, font beaucoup moins souvent l’objet d’un discours ethnicisant ou racialisant.

Pour mener une recherche portant sur la cohabitation interethnique et la vie de quartier, A. Germain (1998) a sélectionné sept quartiers multiethniques comme différents cas de figure. A l’occasion de la recherche, il a exploré le potentiel recelé par la combinaison de perspectives axées sur l’analyse des espaces de vie et sur l’étude des trajectoires. Plus récemment, les travaux de S. Beaud et M. Pialoux (1999) sur les usines Peugeot de Sochaux-Montbéliard montre les difficultés de coexistence dues à la fragmentation au sein même de la cité ouvrière, autrefois fondée sur la relation au monde du travail.

1.2.2.2.2. Les immigrés chinois en France

Depuis les années 1990, dans le domaine des chercheurs en sciences sociales, de nombreuses études sur les Chinois en France ont été menées. Parmi toutes les études antérieures, nous pouvons distinguer deux perspectives différentes.

La première perspective porte sur les quartiers70. Les quartiers chinois comme le Triangle

de Choisy dans le XIIIe arrondissement de Paris et le quartier de Belleville dans le XXe

arrondissement ont été, et sont toujours, des terrains de prédilection pour la sociologie et

l’anthropologie urbaine. Le XIIIe arrondissement abrite le quartier chinois le plus peuplé de

Paris. On peut situer le cœur de la ville dans un périmètre délimité par trois voies de passage : l’avenue d’Italie, la rue de Tolbiac, le boulevard Masséna. Le Triangle de Choisy est presque entièrement occupé par des restaurants et des épiceries chinois (M. Guillon & I. Taboada- Leonetti, 1986 ; J. P. Hassoun, 1997). Comparé avec le Triangle de Choisy, le quartier de Belleville est comparativement un nouveau quartier chinois qui a aussi rassemblé une population ayant plusieurs origines ethniques. Depuis les années 1980, de nombreuses études ont été menées sur le quartier de Belleville, sur des questions comme les formes d’appropriations de l’espace et l’identité communautaire (P. Simon, 1989), l’intégration du quartier par l’immigré (P. Simon, 1992) et les activités économiques du quartier (S. Fayman & P. Simon, 1991).

La deuxième perspective s’intéresse plus spécifiquement aux groupes des immigrants chinois. Si l’on considère l’ensemble des études réalisées sur l’immigration asiatique en France et en Europe au début des années 1990, la référence à la population immigrée de la

70 Depuis les premiers travaux de l’École de Chicago jusqu’à nos jours, de très nombreuses études ont contribué à rendre

célèbre le thème du « village dans la ville », qui unit les habitants par de multiples liens de voisinage, de parenté, d’amitié et de solidarités professionnelles. Ce thème correspond à une gamme de situations très diverses, allant du vieux quartier