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1.1. Présentation générale de l’objet d’étude et construction de la problématique

1.1.3 Définitions et usages des concepts

En raison de l’utilisation connotée de certains termes, il est nécessaire de clarifier la définition des concepts utilisés au cours de cette recherche.

1.1.3.1 Migrants internes (Mingong)

Dans le cadre de notre recherche, nous nous proposons de reprendre la définition, très large, des personnes déplacées.

24

La définition du concept de « migrant» est un peu différente en France et en Chine. Pour la France, la migration est toujours liée avec l’étranger. Selon la définition statistique donnée par

INSEE22 dans l’ouvrage Les étrangers en France, paru en mai 1994 ainsi que par le Haut

Conseil à l’Intégration, un migrant est « une personne née étrangère à l’étranger et résidant en France. Les personnes nées françaises à l’étranger et vivant en France ne sont donc pas comptabilisées». De même, les recherches sur la migration se focalisent aussi sur la migration internationale. Comme le note P. Bourdieu, l’immigré n’est « Ni citoyen ni étranger, ni vraiment du côté du même, ni totalement du côté de l’autre, l’immigré se situe en ce lieu bâtard, dont parle aussi Platon, la frontière de l’être et du non-être social. Déplacé, au sens d’incongru et d’importun, il suscite l’embarras ; et la difficulté que l’on éprouve à le penser— jusque dans la science, qui reprend souvent, sans le savoir, les présupposés ou les omissions de la vision officielle — ne fait que reproduire l’embarras que crée son inexistence encombrante » (P. Bourdieu, 1999, p. 9). Évidemment, cette notion de P. Bourdieu concerne la migration étrangère.

En Chine, la définition de « migrant » est un concept comparativement général et indistinct. D’après le Cihai (Grand dictionnaire de la langue chinoise), ce concept de « migrant » désigne « les individus qui se déplacent à l’étranger et y s’installent de manière permanente, ou la migration de population nombreuse et planifiée ». Évidemment, cette signification comprend les deux types de migration : interne et internationale. Dans la Chine actuelle, il y a un certain nombre de concepts ayant rapport avec les migrants internes. Le premier concept, celui de « population de déplacement » (Qianyi renkou), qui est utilisé généralement en démographie, signifie les gens qui se déplacent d’une région à une autre dans le but de s’y installer. Le deuxième concept est celui de « population flottante » (Liudong renkou), désignant les gens qui se déplacent temporairement, y compris les étudiants, les personnes se déplaçant pour des motifs de loisirs ou de visite etc. Le troisième est celui de « ouvriers- paysans» (Mingong), et désigne les paysans qui viennent de provinces pauvres et trouvent du travail dans les villes. En sociologie, en effet, le mot « migrant » recouvre la notion de travailleur et sa famille. C’est donc une catégorie sociale, qui obéit à des réglementations spécifiques à l’intérieur de chaque État. Dans notre étude, ce sont surtout les travailleurs

migrants qui sont concernés23.

22

INSEE : l’Institut national de la statistique et des études économiques.

23

Noter ici que les travaux de démographie quantitatifs distinguent rarement ces catégories des populations déplacées, d’où l’importance d’une sociologie qualitative.

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Le changement de ce terme « Mingong » s’accorde à la réforme de l’État. On pourrait sans

doute écrire l’histoire de ce mot. Il est parti de l’expression « Mangliu »24, officiellement

utilisée à partir de 1952, date à laquelle le Ministère de l’Intérieur de l’Autorité centrale publiait un article dans Quotidien du Peuple sous le titre « on doit persuader les paysans de ne pas entrer dans les ville aveuglément » (Ying quanzu nongmin mangmu xiang chengshi liudong). Depuis lors, le mot « Mangliu » est toujours utilisé dans les décrets officiels. En 1984, Zhang Yulin, sociologue du l’Académie des sciences sociales de Pékin, a proposé le terme de « paysans-ouvriers » (Nongmingong) pour la première fois dans son article publié dans la revue sociologique (Shehuixue yanjiu tongxun), puis, ce terme est devenu populaire. Mais cette expression a été officiellement utilisée à partir de 1991 date à laquelle le Conseil des Affaires d’État (Guowuyuan) lançait une norme sous le titre « Quanmin suoyouzhi qiye zhaoyong nongmin hetongzhi gongren de guiding » (les règles pour les entreprises propriétés du peuple et qui emploient des paysans comme ouvriers sous contrat). Ce changement de mot

rend sans doute possible l’adoption par l’autorité chinoise du XXe siècle du concept de

« migrant interne » qui va s’incorporer pour longtemps au vocabulaire administratif.

Dans notre perspective, ce qui nous intéresse le plus n’est pas ce que la notion de « migrant » doit recouvrir mais plutôt quels acteurs l’utilisent, dans quels contextes, et autour de quels enjeux. Il s’agit, dès lors, de déterminer à partir de quel moment et dans quelles circonstances une personne est reconnue comme migrant puis ne l’est plus ; dans quelles circonstances les acteurs se désignent eux-mêmes comme migrants, et ce que le terme signifie pour les uns et les autres. Nous nous proposons ainsi de prendre le terme « travailleur migrant », avant tout comme une catégorie sociale, un système de classements mouvants en fonction des circonstances et des ensembles économiques, politiques et/ou culturels plus larges qui leur donnent un contenu spécifique.

1.1.3.2 Habitants locaux (Autochtones)

Officiellement, sur un plan juridique, il n’y a aucune définition du mot « autochtone ». Mais la notion est utilisée, il faut donc définir comment elle s’applique aux individus qui se reconnaissent eux-mêmes comme « autochtones » et sont reconnus et acceptés en tant qu’autochtones par leur communauté. Ils entretiennent des liens étroits avec leur territoire et

24 Mangliu, littéralement : courant cécité, que l’on peut traduire par migrants internes aveugles. Ce terme « mangliu » désigne

les paysans qui entrent dans les villes aveuglément. Cette expression a été officiellement utilisée à partir de 1952. Mais en réalité, du point de vue des migrants, la migration vers les villes n’est pas aveugle, à l’inverse, les migrants ont des buts précis, notamment, économiques.

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les ressources de l’environnement qui les entourent et pratiquent des langues, des cultures et

des croyances distinctes25.

Dans notre étude, l’expression « habitants locaux » désigne la première génération arrivée

dans le quartier avant les années 195026 et les générations suivantes, qui s’installent dans un

semblable contexte. C’est donc un groupe social auto-défini par opposition aux immigrés récents. Ils possèdent tous le « Hukou de Shanghai » et habitent dans le quartier depuis longtemps. Tous sont propriétaires de leurs logements, lesquels sont soignés. A l’opposé des groupes migrants isolés et peu organisés, les habitants locaux ont le pouvoir de mobiliser les jeunes des générations suivantes autour de projets identitaires, ainsi qu’autour de projets de mobilité sociale. Cette population structure la vie locale et « donne le ton ». C’est elle qui imprime au quartier son caractère « populaire », si l’on entend par là cet assemblage d’ouvriers, d’artisans et de commerçants.

Depuis une vingtaine d’années, cette population a peu changé. Avec l’afflux de nouveaux arrivants dans le quartier, les habitants locaux se scindent en deux parties : un certaine nombre, souvent les jeunes, quittent le quartier et les autres, plus âgés, restent.

1.1.3.3 Bidonville

Le mot « bidonville » a été employé pour la première fois en 1953 à propos du Maroc27

pour désigner littéralement des « maisons en bidons », c’est-à-dire un ensemble d’habitations construites avec des matériaux de récupération. Ce mot a progressivement pris une

signification plus large pour rejoindre les termes anglais shanty town et slum28. Ce dernier est

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Ici, on se reportera au concept de « groupes d’interconnaissance dispersants » par M. Maget (1955), c’est-à-dire les groupes à base locale, relativement homogènes sous le rapport de la formation et du genre de vie dans lesquels « tout le monde se connait ». Selon P. Champagen (1975), le concept de « groupe local » est ambigu dans la mesure où il pourrait suggérer que la localité comme telle peut être un principe de constitution des groupes ; en fait, même les relations en apparence les plus locales comme les relations de voisinage supposent au moins la constitution d’un intérêt social « à voisiner ». C’est pourquoi il parait préférable d’utiliser l’expression « groupe à base locale » qui marque plus nettement qu’il s’agit de la dimension spatiale des relations sociales.

26

Avant les années 1950, les individus pouvaient se déplacer librement dans le territoire chinois. Depuis 1958, avec l’utilisation du système du Hukou, le nouveau pouvoir politique limitait strictement toute mobilité ascensionnelle des campagnes vers les villes.

27

Première utilisation attestée par R. Gauthier, « Du Maroc » dans Le Monde, 9 septembre 1953, p. 4 col. 2 ; source : Étymologie de « bidonville », portail lexical, CNRTL.

28 On pourrait sans doute écrire l’histoire du mot « slum ». Terme de l’argot populaire de Londres, il désigne d’abord « a

room of low repute » ou « low, unfrequented parts of the town ». Pendant la majeure partie du XIXe siècle, il apparaît par écrit plutôt sous la forme « back-slum(s) » et, en règle générale, entre guillemets. La montée du mouvement pour la réforme du logement conduit alorsà une série de transformations : le terme reçoit une acception technico-juridique, pour désigner « a house materially unfit for human habitation » et « slums » passe dans le langage courant, perdant ses guillemets à l’écrit dans les années 1880, au même moment où « suburbs » ou « suburbia » émerge comme catégorie de la diversité des noms de lieu. D’un terme vulgaire, stigmatisant et rare, à l’objet indécis, la réforme a fait un concept général et opératoire : il est possible désormais de délimiter sur une carte des « slum areas ». L’histoire continuera au XXe siècle, de part et d’autre de l’Atlantique, marquée par deux mouvements liés qui aboutiront à la désuétude du terme. D’un côté, l’adoption de législations autorisant la démolition imposera des définitions rigoureuses qui ne peuvent se satisfaire du halo de connotations qui accompagnait « slums » et aboutiront à l’adoption de nouveaux termes « techniques » qui permettront du même coup d’euphémiser la stigmatisation sociale des habitants : aux Etats-Unis, « tenement-house », « tenement district », puis

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apparu au début du XIXe siècle, probablement utilisé par l’écrivain James Hardy Vaux pour

décrire les taudis de Dublin29, mais signifiait davantage « racket » ou « commerce criminel » à

l’époque ; shanty town signifie littéralement « quartier / ville de taudis »30.

Les premières définitions des quartiers populaires insalubres remontent au XIXe siècle, en

particulier sous l’impulsion du chercheur et philanthrope britannique Charles Booth, auteur de Life and Labour of the People of London. Le bidonville y est vu comme « un amalgame de conditions de logement sordides, de surpeuplement, de maladie, de pauvreté et de vice », incluant ainsi une dimension morale. Le Bureau Américain du travail définit les slums en 1894 comme des « zones de ruelles sales, notamment lorsqu’elles sont habitées par une

population de misérables et de criminels »31. Cette dimension morale va diminuer au cours du

XXe siècle, en réalisant que les habitants des bidonvilles sont plus souvent victimes que

générateurs de la criminalité.

Il n’y pas actuellement de « définition universelle » des bidonvilles. Chaque pays, voire chaque ville, utilise une définition différente, avec des critères adaptés à la situation locale. Une définition très simple telle que proposée par l’UN-Habitat (The United Nations Human

Settlements Programme)32 est : « Une zone urbaine très densément peuplée, caractérisée par

un habitat inférieur aux normes et misérable »33. Cette définition inclut les éléments de base

de la plupart des bidonvilles : surpeuplement, habitat de mauvaise qualité, et pauvreté. Mais face aux diverses définitions générales, l’UN-Habitat a eu besoin d’une définition opérationnelle, utilisable par exemple pour recenser le nombre d’habitants des bidonvilles ; elle a donc recensé les caractéristiques communes des bidonvilles, d’après les définitions existantes34 :

« deteriorated neighborhood » apparaîtront entre les années 1890 et les années 1930. Parallèlement, un nouveau regard sur les quartiers populaires apparaît avec l’émergence du travail social à partir des années 1910 : dans ces contextes, les « slums » de la fin du XIXe siècle pourront être élevés à la dignité de « neighborhoods » ou « communities » par la grâce d’un projet de reconstruction des relations sociales. Ce changement rend sans doute possible l’adoption par les city planners américains des années 1920 du concept de « neighborhood unit » qui va s’incorporer pour longtemps au vocabulaire international de l’urbanisme (voir : J.-C. Depaule & C. Topalov, 1996).

29 Voir: J. Prunty, Dublin Slums, 1800-1925: A Study in Urban Geography, Irish Academic Press, Dublin, 1998, 364 p. Plus

précisément, le terme serait issu de Vocabulary of the Flash language.

30

Disponible sur : http://fr.wikipedia.org/wiki/Bidonville

31

Voir: United States. Bureau of Labor, The slums of Baltimore, Chicago, New York, and Philadelphia, Washington : Government Printing Office, 1894

32

The United Nations Human Settlements Programme (UN–HABITAT) est l’agence des Nations Unies pour des règlements humains. On l’a établi en 1978 et a son siège social est au bureau de l’ONU à Nairobi, Kenya. Il est exigé par l’Assemblée générale des Nations Unies pour favoriser socialement les villes avec le but de fournir un abri proportionné pour tous.

33 Source : The Merriam-Webster Dictionary, 1994, Merriam-Webster Inc., cité par UN-Habitat, The Challenge of slums, op.

cit., p.8

34

Source: UN-HABITAT, The Challenge of Slums, Global Report on Human Settlements, United Nations Human Settlements Programme, Earthscan Publications, Londres, 2003.

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1) Manque des services de base : principalement l’accès à l’eau potable et l’assainissement (toilettes et latrines), mais aussi électricité, gestion des déchets, éclairage et pavage des rues...

2) Habitat non conforme aux normes : non seulement les habitations peuvent ne pas être conformes aux normes municipales et nationales de construction (mauvais matériaux de construction), mais elles peuvent se situer à un emplacement illégal.

3) Surpeuplement / hautes densités : les maisons peuvent être occupées par plusieurs familles ; plusieurs personnes peuvent partager la même pièce pour dormir, manger, voire travailler.

4) Conditions de vie malsaines et / ou dangereuses : l’absence d’assainissement entraine une plus grande propagation de maladies ; les maisons sont parfois bâties sur des terrains inondables, pollués ou sujets aux glissements de terrain.

5) Précarité du logement : cette caractéristique est souvent centrale. Elle prend en compte le fait que les occupants des bidonvilles n’ont souvent pas de contrat de location ou de titre de propriété, et que certains quartiers sont construits sur des zones à l’origine non habitables.

6) Pauvreté et exclusion sociale : sans être une caractéristique inhérente aux bidonvilles (les pauvres habitent aussi en-dehors des bidonvilles, et ceux-ci n’abritent pas que des pauvres), la pauvreté en est une cause et souvent une conséquence.

7) Taille minimale : pour qu’une zone soit considérée comme un bidonville, elle doit comporter plus d’habitations qu’un simple campement. Les seuils courants sont de l’ordre de 700 m² ou 300 personnes / 60 foyers (législation fédérale indienne).

Afin de pouvoir effectuer un recensement global, l’UN-Habitat a ainsi retenu une définition opérationnelle, adoptée officiellement au sommet des Nations-Unies de Nairobi en 2002. Elle s’en tient aux dimensions physiques et légales des implantations, et laisse de côté les dimensions sociales, plus difficile à quantifier. Les critères retenus sont : « l’accès inadéquat à l’eau potable, l’accès inadéquat à l’assainissement et aux autres infrastructures, la mauvaise

qualité des logements, le surpeuplement, et le statut précaire de la résidence »35. Un

« bidonville », au sens des Nations-Unies, est donc une zone urbaine présentant certains de ces aspects. Des seuils ont été définis, comme 20 litres d’eau potable par jour et par personne provenant d’une source « améliorée », ou une surface minimale de 5 m² par personne ; sur le terrain, ces seuils sont toutefois adaptés à la situation. Evidement, ces définitions sont dépendantes d’un travail politique de définition des normes d’hygiène et de logement.

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29

On parle, depuis la fin du XIXe siècle en France, de « quartiers insalubres », voire d’« ilots

insalubres » pour désigner les quartiers défavorisés. En fait, ce changement rend sans doute possible l’adoption par les urbanistes. Autrement dit, c’est une définition d’urbanistes et de réformateurs sociaux qui désigne ces quartiers et qui est une catégorie d’interventions urbaines. On peut le trouver notamment dans les travaux de P. Juillerat (1899, 1905, 1906), de R. Auzelle (1943), d’A. Cottereau (1970), de L. Murard et P. Zylberman (1983) et les rapports

officiels36 sur les ilots insalubres, ainsi que toute la littérature sociologique sur la « zone », les

quartiers populaires et l’insalubrité37.

On pourrait continuer l’histoire et montrer comment le mauvais logement est dans les études économiques et humanistes des années 1950, un état physique et moral associant la salubrité à la sociabilité des habitants (profession régulière, tenue du ménage, qualité du mobilier). On pourrait citer Georges Heuyer à l’égard des taudis : « Les conditions de logement peuvent donner des renseignements sur le genre de vie des familles. Parmi les délinquants urbains, un grand nombre vivent dans des taudis, c’est-à-dire dans des conditions de vie où aucune hygiène n’est possible. Des baraques, des roulottes, la pièce unique où s’entassent parents et enfants; le taudis privé du confort élémentaire : l’eau, l’air, la lumière, tout y manque, et crée l’atmosphère propice à l’amoralité »38. Cette idée est non seulement fondée sur la causalité milieu /homme mais aussi une certaine consubstantialité entre le milieu et l’homme. Cette idée est partagée par de nombreux urbanistes qui comme R. Auzelle déplorent que le terme de taudis ne s’applique qu’au local sans tenir compte des habitants. Le

36

On se reportera notamment à l’ensemble des articles, cf. N. Bouche (1999), Expertise concernant les immeubles menaçant ruine, les logements et îlots insalubres, Ministère de l’Equipement ; Secours Catholique (2000), Rapport sur le mal logement.

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La manière dont la notion d’« insalubrité » s’est imposée, malgré des contenus différents, dans le discours des techniciens, des politiques et du sens commun à différentes époques lui confère cette valeur d’argument indépendamment du prétexte qui vise à chaque période l’habitat populaire. L’insalubrité du logement fait son apparition juridique dans le cadre de la loi de 1850 relative au logement insalubre. La Commission des Logements Insalubres de Paris est souvent citée comme modèle de cette évolution. En effet, l’évolution de la notion d’insalubrité et l’émergence de nouveaux objets insalubres à Paris y est révélatrice d’une préoccupation de plus en plus centrée sur la famille et le logement. Après l’entrée des ingénieurs dans la composition des Commissions des Logements Insalubres, la définition de l’insalubrité s’élargit, recouvre le champ de l’habitabilité et parfois même du confort, si bien que le devoir social du propriétaire se trouve investi de nouvelles obligations. Les réflexions des certains médecins en faveur d’une rationalisation des jugements d’insalubrité aboutissent à la mise en œuvre du recensement de 1891 à Paris qui prend en compte pour la première fois en France la question du surpeuplement. Le 8 mars 1906, le conseiller municipal de Paris A. Rendu reprend mot pour mot une note technique de 1904 rédigée par P. Juillerat et précisant les caractéristiques, les délimitations, les classements en terme de risque de six îlots meurtriers, agglomérations d’immeubles, d’une dizaine à une trentaine de rues où le taux de mortalité par tuberculose, 800 pour 100 000 habitants, selon les rapports du casier sanitaire, est le double de la moyenne parisienne. Dans ces îlots qui représentent 1 600 maisons et 59 000 logements, 80 pour cent des immeubles de ces secteurs sont considérés comme « tuberculeux » ! L’expression « d’immeubles tuberculeux » traduit l’importance accordée à la notion de milieu qui, dès lors, empêche de rechercher l’insalubrité dans le logement comme le voudrait la loi de 1850. L’insalubrité se réduit à la tuberculose. Mais cette expression est aussi liée au concept de contagion qui porte l’attention sur les individus, porteurs de maladies. Ces deux éléments résument toute l’ambiguïté de la notion d’insalubrité à la fin du 19ème siècle, réduite à des éléments techniques et des statistiques de mortalité, mais qui n’en continue pas moins à être un « marqueur social ».

Voir l’article en ligne, « L’argument d’insalubrité 19ème-20ème siècle », [en ligne].

Disponible sur : http://pagesperso-orange.fr/sociologie-de-la-ville/documents/argument_insalubrite.pdf

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terme consacré est celui de logement défectueux qui désigne une obsolescence des modes de