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Recension des écrits sur l‟association entre l‟activité physique et la structure artérielle

La pertinence de l‟activité physique dans la prise en charge en prévention secondaire cardiovasculaire (c‟est-à-dire dans le but de ralentir la progression de la maladie et limiter les complications) n‟est plus à débattre117. Jusqu‟à présent, en prévention primaire (i.e. chez des individus ayant des facteurs de risque de maladie cardiovasculaire), plusieurs études ont été conduites pour vérifier la relation entre l‟activité physique et la structure artérielle carotidienne : la majorité converge vers une association inverse entre l‟activité physique et l‟épaisseur de la paroi artérielle118. Cependant, les résultats des études portant sur des populations sans facteur de risque sont plus rares et elles divergent de façon notable. Voici une revue non-systématique de la littérature actuelle en matière de prévention primordiale de la maladie athérosclérotique, c‟est-à-dire les études menées sur des populations ne présentant aucun facteur de risque ou présentant comme seul facteur de risque l‟âge avancé.

Chez des adultes âgés (45 à 64 ans), Folsom et al. ont rapporté une relation inverse entre le CIMT et l‟activité rapportée au travail, mais aucune association avec l‟activité physique rapportée dans les loisirs chez 14 430 adultes119. Cependant, Nordstrom et al. ont révélé une

association inverse entre l‟activité physique rapportée dans les loisirs et le CIMT chez 500 adultes d‟âge similaire (40 à 60 ans)120. Dans The Tromso Study, effectuée chez 3000 sujets de 45 à 60 ans suivis pendant 15 ans, l‟activité physique rapportée dans les loisirs est associée au CIMT chez les hommes seulement121. Dans une cohorte de 101 hommes de 60 ans (en moyenne) suivis pendant 25 ans, il a été observé que les hommes très actifs avaient des valeurs de CIMT, de score de calcification des artères coronaires (CACS) et d‟index d‟hyperhémie réactive plus faibles que les hommes légèrement à moyennement actifs122.. Considérées dans leur ensemble, les études concernant les sujets adultes âgés en santé tendent vers une association négative entre l‟activité physique et le fardeau d‟athérosclérose.

Chez des adultes d‟âge moyen, l‟association entre l‟activité physique aérobique chronique (c‟est-à-dire, de façon régulière pendant plusieurs années) et le CIMT a été étudiée chez des marathoniens (en moyenne 46 ans) qualifiés pour le marathon de Boston qui ont été comparés à leur conjoint(e) : aucune différence n‟a été notée au niveau de la rigidité artérielle de même qu‟au niveau du CIMT123. De façon similaire, chez des populations

d‟adultes sains (16 à 78 ans), aucun lien n‟a été établi entre l‟activité de loisirs et le CIMT124. Aussi, aucune différence n‟a été détectée entre des coureurs d‟endurance et des personnes sédentaires au niveau du CIMT125. Cependant, chez des hommes en santé d‟âges variés, une étude observationnelle et interventionnelle suggère que l‟activité physique induirait un remodelage expansif de la paroi artérielle126: mesure de CIMT plus faible, diamètre artériel plus élevés et rapport lumière/paroi plus faibles chez les sujets plus entrainés comparativement aux sujets sédentaires et leurs observations suivent la même tendance après un programme d‟intervention en activité physique126. Chez 432 adultes de 43 ans (en moyenne), l‟activité physique quotidienne mesurée par accélérométrie n‟était pas associée à la valeur du CIMT116. En bref, chez les adultes d‟âge moyen, on ne peut tirer de conclusions sur la littérature actuelle, les résultats révélant parfois une association négative entre l‟activité physique et le CIMT, parfois une absence d‟association.

Chez des jeunes adultes en santé, Juonala et al. ont démontré que le niveau d‟activité physique en enfance influence la progression sur six ans du CIMT au début de l‟âge adulte127. Dans une cohorte de 600 jeunes indiens (dont certains présentaient des facteurs de risque cardiovasculaire notamment tabagisme, obésité, diabète, syndrome métabolique), une association entre un niveau d‟activité faible et un CIMT élevé62 (significative après ajustement pour les facteurs de risque) a été remarquée. En 2013, un groupe danois a publié trois articles sur les relations entre l‟activité physique modérée à vigoureuse et le CIMT dans une cohorte suivie en enfance, en adolescence et à l‟âge adulte. Dans un premier temps, aucune association n‟a été établie entre l‟activité en enfance et le CIMT en enfance (transversalement)128. Similairement, le suivi de l‟activité physique en enfance en lien avec le CIMT à l‟adolescence n‟a pas révélé d‟association129. Finalement, une relation positive significative a été démontrée entre le niveau d‟activité physique à l‟adolescence et le CIMT à l‟âge adulte (environ 27 ans) : un niveau d‟activité plus élevé à l‟adolescence prédisait un CIMT plus élevé à 27 ans130. Dans cette même année, une étude d‟intervention en activité physique a publié des données dans une direction opposée131: en comparant les changements observés au niveau de l‟IMT des artères carotidiennes et fémorales suite à un programme d‟entrainement de vélo de huit semaines (à raison de trois séances de 30 minutes à 80% de la fréquence cardiaque maximale) chez neuf sujets en santé d‟en

moyenne 23 ans et de huit semaines de poursuite des activités habituelles chez cinq sujets contrôles, une diminution du CIMT ainsi qu‟une diminution du rapport paroi⁄lumière a été notée chez le groupe d‟intervention (aucun changement pour le groupe contrôle). Malgré la taille très petite de l‟échantillon, les résultats demeurent surprenants puisqu‟on a tendance à concevoir la paroi artérielle comme une structure se modifiant très lentement. Cependant, l‟étude a été critiquée132,133 du fait qu‟on ne mentionne pas si les participants ont été attribués au groupe intervention ou contrôle au hasard et on donne peu de détails sur les valeurs de base et au terme de l‟intervention des facteurs de risque (bilan lipidique, glycémie à jeûn, marqueurs d‟inflammation, circonférence de taille). Néanmoins, l‟indice de masse corporelle (IMC) moyen du groupe intervention représente un surpoids comparativement au groupe contrôle qui se situe dans un poids santé (différences non significatives sur le plan statistique).

La littérature sur les études menées dans des populations d‟athlètes comporte le même caractère mitigé: alors que certaines études ont conclu que la paroi artérielle des athlètes était plus mince que celle des contrôles134,135, d‟autres études n‟ont pas détecté de différence ou au contraire, ont mis en évidence, une paroi artérielle plus épaisse chez les athlètes136-138. Popovic et al. n‟ont pas détecté de différence au niveau du CIMT entre des athlètes et non-athlètes (de 20 à 40 ans)139. L‟étude de Rowley et al. a révélé que le CIMT de joueurs de squash d‟élite était plus faible que celui de sportifs récréatifs; des résultats qui suggèrent que, chez de jeunes adultes en santé, une plus grande dose d‟activité physique serait nécessaire pour qu‟une différence soit observée au niveau de la paroi artérielle carotidienne138.

Par ailleurs, il peut être intéressant de s‟attarder à certaines études sur l‟association entre la condition physique et la structure artérielle, une littérature connexe à celle qui fait l‟objet de cette revue. Même si un test de VO2max ne mesure pas directement l‟activité physique,

mais bien l‟aptitude physique (qui dépend de facteurs génétiques non-modifiables), l‟association entre la forme cardiorespiratoire et le CIMT est une mesure qui présente l‟avantage d‟être plus objective. Hägg et al. ont observé une corrélation inverse entre la forme cardio-respiratoire et le CIMT chez 29 sujets de 20-40 ans140. Ferreira et al. ont

rapporté une relation inverse significative entre le VO2max à 15 ans et le CIMT à 36 ans de

même qu‟entre le VO2max à 36 ans et le CIMT à 36 ans chez les hommes alors que ces

deux relations étaient positives et non-significatives chez les femmes110. Dans ce même échantillon, les changements longitudinaux de VO2max (entre l‟adolescence et l‟âge adulte)

n‟étaient pas corrélés avec le CIMT141.

Finalement, alors que les résultats des études actuelles chez les adultes âgés en santé convergent vers une association inverse entre l‟activité physique et le fardeau d‟athérosclérose, chez les adultes jeunes et d‟âge moyen, les données divergent de façon notable. Ainsi, la question, à savoir si l‟activité physique est associée au fardeau d‟athérosclérose indépendamment des facteurs de risque cardiovasculaire (incluant l‟âge avancé) demeure entière.