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Activité physique et athérosclérose : structure et fonction de la paroi artérielle

Les effets de l‟activité physique sur les facteurs de risque cardiovasculaires ne semblent expliquer que 59% de la réduction du risque cardiovasculaire qu‟elle apporte92,93 (Figure 7). Mora et al. ont étudié 27 055 femmes âgées de 55 ans en moyenne apparemment en santé (sans maladie cardiovasculaire). Ils ont consigné la présence de diabète, d‟hypertension, de tabagisme, d‟histoire parentale d‟infarctus du myocarde avant 60 ans, la consommation d‟alcool, le statut pré ou post-ménopause, l‟utilisation d‟hormonothérapie de substitution, la consommation de gras saturés, l‟apport de fruits et légumes, l‟apport de fibres alimentaires. Ils ont évalué leur IMC, leur hémoglobine glyquée, leur bilan lipidique traditionnel (cholestérol total, HDL et LDL), leurs niveaux sanguins de lipoprotéine (a), d‟apolipoprotéine-A1 et B-100, leur créatininémie, leur homocystéinémie, leur niveau sanguin de protéine C-réactive (haute sensibilité), de fibrinogène et d‟ICAM-1. Ces participants étaient divisées en quatre groupes d‟activité physique (évaluée par questionnaire) : dépense énergétique de moins de 200, entre 200 et 599, entre 600 et 1499 et plus de 1500 kilocalories par semaine. Les participantes ont été suivies pendant une

enregistrés (AVC, infarctus du myocarde, pontages aorto-coronariens, interventions coronaires percutanées). En comparaison au groupe le plus sédentaire (moins de 200 kilocalories par semaine), les groupes plus actifs démontraient une incidence d‟évènements cardiovasculaires et cérébrovasculaires réduite de 27% (200 à 599 kilocalories/semaines), 32% (600 à 1499 kilocalories/semaine) et 41% (plus de 1500 kilocalories/semaine). Les contributions respectives des divers paramètres cardiométaboliques à la diminution du risque cardiovasculaire selon le niveau d‟activité physique sont illustrées dans la figure 7. On y remarque que 41% de cette réduction du risque d‟évènements cardiovasculaires demeurent inexpliquée par les facteurs de risque connus. Dans un article de synthèse, Green et al. ont proposé que ce 41% restant pourrait s‟expliquer en partie par des effets directs sur les vaisseaux 94.

Figure 7: Facteurs médiant l'effet de l'activité physique sur le risque cardiovasculaire. Tiré de Mora et al. Circulation (2007)93

D‟un point de vue chronologique, les premiers changements mesurables induits par l‟activité physique sont des changements fonctionnels, suivis par les changements

Facteurs inconnus Diabète Lipides nouveaux Lipides traditionnels Facteurs hémostatiques IMC

et la structure artérielle implique plusieurs mécanismes physiopathologiques différents. Il a été postulé que l‟activité physique induirait d‟abord une amélioration de la fonction vasculaire (capacité de vasodilatation), puis qu‟à l‟obtention d‟un effet d‟entrainement, la structure vasculaire se modifiait (augmentation du calibre artériel) avec un retour de la capacité de vasodilatation à l‟état de base48,96.

1.3.1 Hémodynamie, tension artérielle et oxydation

Il a été démontré in vitro qu‟une augmentation chronique de la tension artérielle (en hypertension artérielle) a un effet pro-athérogénique sur l‟endothélium en diminuant l‟expression d‟eNOS et en augmentant la libération de VCAM-1, d‟ICAM-1, d‟ET-1 et d‟espèces réactives de l‟oxygène.97 Il a été postulé que l‟exercice, produisant des augmentations transitoires de la tension artérielle, aurait un effet différent sur les facteurs d‟adhésion cellulaire, d‟inflammation et d‟oxydation48. Cet effet est encore controversé et a été peu exploré.

L‟exercice, surtout vigoureux (et particulièrement l‟effort vigoureux pratiqué de façon sporadique), occasionne un stress oxydatif; à l‟effort, le muscle qui se contracte produit des espèces réactives de l‟oxygène98. Cependant, la production d‟espèces réactives de l‟oxygène à l‟effort aurait pour effet une activation des enzymes anti-oxydantes endogènes : augmentation de la superoxide dismutase99 et de la glutathione peroxidase100 via l‟activation du facteur de transcription du facteur nucléaire κB101. Ainsi, l‟adaptation à l‟exercice produirait une augmentation des défenses anti-oxydantes du corps102 et aurait un effet anti-athérogène103.

1.3.2 Inflammation

Puisque l‟athérosclérose est une réaction inflammatoire complexe à différents stimuli, les médiateurs de l‟inflammation jouent un rôle déterminant dans le développement de la pathologie. L‟équilibre dans l‟activation et la polarisation des macrophages agit sur le métabolisme des lipides, la réponse inflammatoire, l‟apoptose endothéliale, le stress oxydatif, biodisponibilité du NO, le remodelage vasculaire et l‟athérogénèse104,105. Alors

que les macrophages M1 produisent des cytokines inflammatoires, les macrophages potentiellement M2 produiraient des cytokines ayant un effet opposé105. L‟activité physique favoriserait l‟activité des macrophages M2 (antiathérogènes) par rapport aux M1 (pro- athérogènes)106.

Figure 8. L’équilibre de l’activation et la polarisation des macrophages. Tiré de Mantovani, Arterioscl Thromb Vasc Biol (2009)105

À gauche le phénotype M1 et à droite le phénotype M2. oxLDL: LDL oxydés; ROI: intermédiaires oxygénés réactifs; MMPs: métalloprotéases; ARG1: arginase 1; PTX3: pentraxine 3; LXR: Récepteur X du foie; TLR: Récepteur de type Toll.

1.3.3 Vasoconstriction et vasodilatation

Maiorana et al. ont démontré que, chez des individus atteints de maladie cardiovasculaire, l‟activité physique améliore la fonction de vasodilatation107. Cette équipe a étudié la capacité de vasodilatation artérielle en mesurant les débits sanguins à travers au niveau de l‟avant-bras suite à une compression mécanique et suite à une perfusion d‟acétylcholine chez 12 hommes insuffisants cardiaques qui ont été soumis à un programme d‟exercice de huit semaines incluant trois séances de 1h d‟exercice aérobique et de résistance excluant spécifiquement tout exercice impliquant une contraction de l‟avant-bras. Ils ont observé une

Libération du cholestérol Absoption du cholestérol

amélioration de la fonction de vasodilatation suite au programme d‟exercice. Par ailleurs, il semble plus difficile d‟améliorer une fonction vasculaire (capacité de vasodilatation) normale chez une population en santé, puisque le même programme d‟activité physique n‟a pas modifié la capacité de vasodilatation chez 19 sujets en santé107. Analogiquement, Meyer et al108 ont démontré qu‟un programme d‟exercice de six mois, à raison de trois séances de 1h par semaine, peut améliorer la capacité de vasodilatation (évaluée par la dilatation médiée par le débit (FMD)) chez des enfants obèses ayant une capacité de vasodilatation altérée. Similairement, Watts et al109 ont prouvé qu‟un programme d‟exercice de huit semaines pouvait augmenter le FMD chez de jeunes obèses ayant un FMD diminué. Il est possible qu‟une intensité plus importante soit nécessaire pour qu‟un bénéfice soit ressenti dans une population en santé. Kozakova et al. 112 ont évalué l‟activité physique par accéléromètre et ont mesuré la rigité artérielle carotidienne (établie par la distension de l‟artère carotidienne au cours du cycle cardiaque, ajustée selon la variation de tension artérielle) chez 432 individus ne présentant pas de facteur de risque cardiovasculaire. Ils ont observé une association négative entre le niveau d‟activité physique total et la rigidité artérielle. Par ailleurs, Ferreira et al. ont établi des associations négatives entre le VO2max et la rigidité artérielle, de même qu‟entre le VO2max et la

compliance artérielle chez 351 sujets en santé de 36 ans110.

Les évidences des modifications de la vasoconstriction sont moins solides. Quelques études se sont intéressées aux facteurs humoraux endothéliaux, notamment l‟ET-1 et l‟angiotensine II; ces dernières suggèrent un effet bénéfique de l‟exercice sur la fonction vasoconstrictrice chez des sujets âgés via l‟ET-1 et des sujets avec maladie cardiovasculaire via l‟angiotensine II111.

D‟un point de vue plus technique, le tonus vasculaire peut modifier les mesures structurelles de la paroi artérielle. Les résultats d‟une étude effectuée sur des sujets chez qui le diamètre artériel et l‟épaisseur de la paroi artérielle ont été mesurés avant et après l‟administration de nitroglycérine (vasodilatateur) suggère que l‟élargissement du calibre artériel résulterait en une mesure de CIMT plus faible112. Il faut tenir compte de ce facteur confondant potentiel en standardisant les protocoles pour que la paroi artérielle soit

examinée dans la même phase du cycle cardiaque, mais surtout le considérer lorsque des données provenant d‟études différentes sont comparées.

1.3.4 Intensité

Il existe peu d‟évidence scientifique démontrant une association entre une intensité d‟activité physique particulière et la structure artérielle. Goto et al96,113 ont tenté de répondre à cette problématique en évaluant l‟effet de trois programmes d‟entrainement sur ergocycle: léger (25% du VO2max), modéré (50% du VO2max) et élevé (75% du VO2max)

sur la fonction artérielle. Les 26 participants ont été soumis à trois mois d‟un programme d‟activité physique à raison de cinq à sept séances de 30 minutes par semaine. Selon leurs résultats, l‟activité physique légère ne serait pas suffisante pour induire des changements dans la fonction de vasodilatation endothélium-dépendante, l‟activité modérée améliorerait cette fonction alors que l‟activité physique intense n‟entrainerait pas d‟amélioration, possiblement en raison d‟un stress oxydatif augmenté. Tel qu‟expliqué dans la section 1.3.1, le muscle squelettique produit des radicaux libres. Lorsque l‟intensité de l‟exercice est modérée, l‟organisme a la capacité de « métaboliser » ces déchets, résultant en l‟absence de stress oxydatif. Lorsque l‟exercice est pratiqué à une intensité plus élevée, la production de radicaux libres peut dépasser la capacité des défenses anti-oxydantes corporelles et induire un stress oxydatif de façon aigüe. Cependant, lorsque l‟activité physique d‟intensité vigoureuse est pratiquée régulièrement, un effet d‟entrainement est obtenu : les défenses anti-oxydantes de l‟organisme sont donc accrues102. Cette hypothèse est supportée par les résultats de l‟étude de Kozakova et al. 111 : en mesurant l‟intensité de l‟activité physique par accélérométrie chez des sujets en santé, ils ont illustré que la pratique d‟activité physique d‟intensité élevée (supérieure à 5724 comptes/minute, ce qui correspond à 8 METs114) dans les loisirs prédisait une diminution de l‟IMT sur 3 ans alors que le niveau d‟activité physique quotidien total (nombre de comptes total dans la journée) n‟avait pas cette capacité prédictive115,116.

1.4 Recension des écrits sur l’association entre l’activité physique et la structure