Le problème du recalage (ou de la synchronisation) d’un ensemble de signaux
apparaît dans de nombreux domaines tels que la biologie, la météorologie, la
recon-naissance de formes... (Ramsay et Li [134], Bigot [20]). En effet, lorsque l’on compare
un ensemble de signaux, on observe deux types de variation : la variation
d’ampli-tude ("amplitude variation") correspondant à la variation verticale, et la variation
de phase ("phase variation") correspondant à la variation horizontale (Ramsay et
Silverman [130], Ramsay et Silverman [128]). Afin de construire un signal
représen-tatif de cet ensemble et présentant des caractéristiques similaires à cet ensemble de
signaux, il est alors nécessaire de supprimer ces différences de phase entre les signaux
en les déformant. Ce problème de recalage ou d’alignement de signaux (appelé "curve
registration" en anglais) est un sujet sur lequel la littérature est relativement vaste.
On citera notamment les articles de Sakoe et Chiba [142], Kneip et Gasser [90],
Ramsay et Li [134] et Wang et Gasser [179].
Dans le cadre de l’étude des profils de vitesse, le problème du recalage apparaît
notamment dans Violette et al. [170] et Kerper et al. [84]. Dans les deux cas, les
auteurs proposent de translater les profils initiaux afin de les aligner ("shift
registra-tion"). Ainsi, si on note v1, . . . , vm un ensemble de m profils de vitesse, les profils
obtenus après recalage sont de la forme :
e
vi(x) =vi(x+δi), i= 1, . . . , m, (5.1)
où δi est le paramètre de translation ("shift parameter"). Cependant si une simple
translation est adéquat pour aligner des signaux en un point, celle-ci n’est pas
adap-tée dès que l’on cherche à aligner plusieurs points caractéristiques. Il est alors
néces-saire de construire des fonctions de déformations hi plus complexes (fonctions non
linéaires), afin que les points caractéristiques des courbes déformées
e
vi(x) =vi[hi(x)], i= 1, . . . , m, (5.2)
soient alignés. La méthode d’alignement dite par landmarks permet de traiter ce
type de problème et est l’objet de la section suivante.
5.3.1 Principe de l’alignement à partir de landmarks
Le principe de l’alignement par landmarks consiste à déterminer des
transfor-mations qui mettent en correspondance un ensemble de points caractéristiques,
ap-pelés landmarks, qui sont communs à l’ensemble des signaux devant être recalés.
Les points désignés comme landmarks sont généralement les positions des maximas,
des minimas, des points d’inflexion, ou les passages par zéro. Après déformation, les
landmarks des signaux se trouvent ainsi à la même position.
La méthode d’alignement par landmarks demsignauxf1, . . . , fmdéfinis sur [0,X]
se décompose en plusieurs étapes :
1. Définition des points caractéristiques qui seront utilisés comme landmarks (ex :
minima, maxima, passages par zéro...).
2. Extraction des landmarks xi,1, . . . , xi,K à partir d’une série d’observations de
chaque signalfi,i= 1. . . , m. Les signaux observés étant bruités, les landmarks
xi,1, . . . , xi,K sont généralement extraits à partir d’un estimateur fbi de fi.
3. Détermination des landmarks de référencex0,1, . . . , x0,K, i.e. les points en
les-quels les courbes doivent se correspondre.
4. Calcul des transformations h1, . . . , hm qui alignent les landmarks devant être
mis en correspondance, i.e. pour tout i = 1, . . . , m, hi(x0,j) = xi,j, j =
1, . . . , K.
5. Déformation des signaux à l’aide des transformations obtenues à l’étape
précé-dente. Les signaux déformésfei(x) =fi[h−i 1(x)],i= 1, . . . , m, sont alors alignés
aux points x0,1, . . . , x0,K.
Les fonctions de déformations hi(x),i = 1. . . , m, appelées "warping functions" en
anglais, doivent vérifier les propriétés suivantes :
– Conditions aux bornes : hi(0) = 0,hi(X) =X.
– Alignement des landmarks :hi(x0,j) =xi,j.
– Stricte monotonie :x1< x2 implique hi(x1)< hi(x2).
La condition de monotonie permet de respecter le séquencement des points.
Notons que la méthode d’alignement par landmarks peut être étendue à
l’en-semble des points du signal. Ces méthodes d’alignement, dit global, consistent à
déterminer des transformations suffisamment régulières qui alignent l’ensemble des
points d’un signal au sens d’une certaine distance entre les signaux à aligner. Si l’on
souhaite aligner deux signaux f1 etf2 définis sur l’ensembleΩ, le principe consiste
alors à trouver une transformationutelle que :
– f1(x)≈f2(u(x)), pour toutx∈Ω,
– u soit suffisamment lisse (afin de ne pas trop déformer le signal f2).
Nous renvoyons le lecteur à Ramsay et Li [134] et Wang et Gasser [179] pour plus
de détails sur ces méthodes.
Remarque 5.1.
Si la détermination des landmarks devant être mis en correspondance se fait
géné-ralement manuellement, en essayant de repérer le nombre de landmarks communs
à tous les signaux, cette étape peut être rendue difficile par la présence de
land-marks erronés ou l’absence de landland-marks sur certains des signaux. Afin de pallier ce
problème, des méthodes automatiques de détermination des points caractéristiques
communs à un ensemble de signaux ont été développées. On citera notamment les
travaux de Gasser et Kneip [67] et la méthode développée par Bigot [20] basée sur
la notion d’intensité structurelle.
Application à l’éco-conduite
5.3.2 Calcul de profils moyens après recalage
On considère l’ensemble des 78 profils spatiaux de vitesse lissés obtenus à la
fi-gure 5.4.c et l’on cherche à construire un profil moyen qui soit représentatif de cet
ensemble et qui ne tienne pas compte des variations de phase locales. Notons que le
fait de s’être ramené à un cadre fonctionnel lors de l’étape de lissage nous permet de
tenir compte de ce type de caractéristique fonctionnelle liée au déphasage de courbes
et donc d’utiliser des méthodes de recalage de signaux. S’il est possible de procéder à
un alignement global, la difficulté consiste à déterminer le profil de référence servant
de profil cible pour l’alignement de l’ensemble des profils. Nous avons donc choisi
d’utiliser un alignement par landmarks qui nécessite uniquement la détermination
de points de référence. La difficulté consiste alors à déterminer l’ensemble des
land-marks qui doivent être mis en correspondance.
Comme nous l’avons vu à la section précédente, la première étape de la méthode
d’alignement par landmarks consiste à définir les points caractéristiques qui seront
utilisés comme landmarks. Dans notre étude, plusieurs choix peuvent être faits : les
positions des deux minima locaux correspondants au franchissement des deux
rond-points, les passages à zéro correspondants aux arrêts du véhicule... Nous avons choisi
de définir comme landmarks les positions des deux éléments de l’infrastructure
im-posant un arrêt du véhicule, à savoir le stop et le feu de signalisation lorsque celui-ci
est rouge.
La seconde étape consiste alors à extraire ces landmarks de notre jeu de données.
Pour chacun des profils estimés bvS,i(x), i= 1, . . . ,78, nous avons déterminé le
pas-sage par zéroxi,stop(i= 1, . . . ,78) au niveau du stop, et pour les 36 véhicules qui se
sont arrêtés au feu, nous avons déterminé le passage par zéroxj,f eu au niveau du feu
où j∈ Ered. Notons que si le stop impose normalement un arrêt du véhicule et donc
un passage par zéro du profil de vitesse, dans cette étude la plupart des véhicules ne
se sont pas arrêtés au stop (voir figure 5.5.a). De plus, l’estimateur proposé ayant
tendance à sur-estimer les vitesses au niveau des arrêts, nous avons caractérisé les
landmarksxi,stop (i= 1, . . . ,78) etxj,f eu (j∈ Ered) par les minima locaux au niveau
du stop et du feu de signalisation.
La troisième étape de l’alignement par landmarks consiste à déterminer les
land-marks de référence en lesquels les profils seront alignés. Nous avons choisi de définir
comme landmarks de référence la position moyenne des arrêts au stop et au feu, i.e.
x0,stop= 1
78
78
X
i=1
xi,stop= 129 m et x0,f eu= 1
36
X
j∈Ered
xj,f eu= 656m.
La quatrième étape consiste à déterminer les transformations h1, . . . , h78 qui
alignent les landmarks devant être mis en correspondance. Nous avons choisi de
prendre une spline cubique d’interpolation monotonehi vérifiant les propriétés
sui-vantes :
– Conditions aux bornes : pouri= 1, . . . ,78,hi(0) = 0ethi(1100) = 1100.
– Alignement des landmarks : pour i = 1, . . . ,78, hi(x0,stop) = xi,stop, et pour
j ∈ Ered,hj(x0,f eu) =xj,f eu.
Cependant, afin de ne pas trop déformer les profils dans le voisinage des arrêts
et afin que les profils déformés soient de vrais profils (i.e. appartiennent à l’espace
ESSP défini en2.1), nous avons choisi d’imposer une condition supplémentaire sur les
transformationshi, à savoir d’appliquer une transformation linéaire de pente égale à
1 au voisinage des arrêts au stop et au feu. Nous avons choisi de prendre un voisinage
de longueur 100 m afin de conserver la forme des profils sur les 50 m précédant l’arrêt
(phase de décélération) et les 50 m suivant l’arrêt (phase d’accélération). On ajoute
ainsi les landmarks suivants :
xi,stop−detxi,stop+dpour i= 1, . . . ,78, etxj,f eu−detxj,f eu+dpour j∈ Ered,
et les landmarks de référence associés :
x0,stop−d, x0,stop+d, x0,f eu−d, x0,f eu+d,
oùd= 50 correspond à la moitié de la longueur du voisinage autour de chacun des
arrêts. Cette contrainte supplémentaire se traduit alors par les propriétés suivantes
sur les fonctions de transformation :
– hi(x) = x+|xi,stop−x0,stop| sur l’intervalle [x0,stop−d, x0,stop+d] pour i =
1, . . . ,78,
– hj(x) =x+|xj,f eu−x0,f eu|sur l’intervalle[x0,f eu−d, x0,f eu+d]pourj∈ Ered.
Enfin les profils de vitessevbS,i(x) (i= 1, . . . ,78) sont déformés à l’aide de ces
trans-formations. Les profils déformés veS,i(x) = bvS,i[h−i 1(x)] sont alors alignés au point
x0,stop uniquement dans le cas où le feu est vert, et aux points x0,stop etx0,f eu dans
le cas où le feu est rouge.
Les fonctions de transformation hi(x) sont représentées à la figure 5.8 en
dis-tinguant les cas feu rouge/feu vert. Pour simplifier la mise en oeuvre numérique,
nous avons utilisé la fonction splinefun du logiciel R avec l’option "monoH.FC"
qui permet de construire une fonction cubique C1 monotone d’interpolation
utili-sant les polynômes d’Hermite et basée sur une méthode développée par Fritsch et
Carlson [64]. Cette fonction présente l’avantage d’être disponible immédiatement et
de construire une bonne approximation des fonctions de transformation hi(x) au
voisinage des arrêts.
Les profils de vitesse obtenus après recalage sont représentés à la figure 5.9. Les
profils moyens (en noir) ont été calculés à partir de ces nouveaux profils déformés
avec un pas d’échantillonnage de 1 m. On constate que le calcul de ces profils agrégés
Application à l’éco-conduite
a) Cas où le feu est rouge (36 courbes).
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0 200 400 600 800 1000
0
200
400
600
800
1000
x
h(x)
b) Cas où le feu est vert (42 courbes).
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