3.2 Estimateurs splines
3.2.4 Application : estimation de profils temporels de vitesse et d’ac-
Afin, de montrer l’intérêt de l’approche fonctionnelle et plus précisément des
splines de lissage pour l’estimation des profils de vitesse, nous proposons de comparer
plusieurs méthodes de lissage sur un jeu de données réelles issues d’un véhicule équipé
d’un GPS, et d’évaluer les performances de ces méthodes pour l’estimation de profils
temporels de vitesse et d’accélération. En effet, nous avons cité à la section 1.3.4
du chapitre1, les principaux inconvénients des méthodes actuellement utilisées pour
l’estimation des profils de vitesse et d’accélération.
Les données utilisées sont issues d’une expérimentation réalisée sur les pistes de
Satory (Versailles, France) avec un véhicule Renault Clio III équipé d’un boîtier
enregistreur connecté au bus CAN et à deux GPS : un GPS GlobalSat BR-355
intégrant la puce SiRF Star III, et un GPS différentiel RTK ("Real Time Kinematic")
modèle Thalès Sagitta (voir annexeApour plus de détails). Cependant, le GPS RTK
ne fournissant que des mesures de position, nous ne l’utiliserons pas pour cette étude
et nous utiliserons les mesures de vitesse issues du GPS GlobalSat BR-355. Ce GPS
fournit des mesures de position du véhicule avec une fréquence d’échantillonnage de
1 Hz (soit 1 mes/s) et une précision de 10 m, et fournit également des mesures de
vitesse estimées par effet Doppler, et donc indépendantes des mesures de position,
avec une précision de 0.1 m/s. Les mesures de distance parcourue issues de l’odomètre
et les mesures de vitesses qui en dérivent sont collectées sur le bus CAN du véhicule
avec une fréquence d’échantillonnage de 10 Hz. Le trajet réalisé est illustré à la figure
3.5. Ce trajet correspond à la réalisation de deux tours de piste (en bleu sur la figure
3.5) à partir de la position D0, chaque tour ayant une longueur d’environ 2 km.
Figure 3.5 - Trajet réalisé sur les pistes de Versailles-Satory (en bleu). Le point
D0 correspond au point de départ.
On cherche à estimer la vitesse et l’accélération du véhicule sur ce trajet à partir
des mesures de vitesse issues du GPS. Le problème se modélise alors sous la forme
du modèle de régression non paramétrique suivant :
yi=f(ti) +εi, i= 1, . . . , n, (3.27)
où lesyisont les mesures de vitesse issues du GPS et lesεisont des erreurs aléatoires
non corrélées entre elles, de moyenne nulle et de variance σ2, correspondant aux
erreurs de mesures. On cherche alors dans un premier temps un estimateur du profil
de vitesse f(t), puis dans un second temps un estimateur du profil d’accélération
f0(t). Notons que l’on s’intéresse ici aux profils de vitesse en fonction du temps et non
en fonction de la position. L’estimation des profils spatiaux de vitesse sera détaillée
au chapitre suivant. Nous proposons de comparer les trois estimateurs suivants :
l’estimateur de Nadaraya-Watson, l’estimateur par polynômes locaux et l’estimateur
par spline de lissage. Cependant, les mesures de vitesse issues du GPS étant collectées
sur une piste dans des conditions presque idéales (pas de masquage des satellites),
celles-ci ne présentent pas de grosses erreurs de mesures. Nous avons donc ajouté
volontairement deux valeurs aberrantes de vitesse aux temps ti = 187 et ti = 188
afin de tester la robustesse des trois estimateurs étudiés. L’objectif étant d’estimer
à la fois la vitesse et l’accélération du véhicule, nous avons choisi pour chacun des
estimateurs les paramètres suivants :
– Pour l’estimateur à noyau, nous avons choisi un noyau gaussien et une fenêtre
de lissage de largeur 2 s. L’estimation de la dérivée est réalisée par
différen-tiation numérique en utilisant une méthode de type "central-difference", i.e.
f0(ti) = (f(ti+1) − f(ti−1))/(ti+1 −ti−1). La mise en oeuvre numérique
est effectuée avec le logiciel R en utilisant la fonction locpoly du package
KernSmooth.
– Pour l’estimateur par polynômes locaux, nous avons choisi d’utiliser des
poly-nômes de degré 3, un noyau gaussien et une fenêtre de lissage de largeur 3 s. La
mise en oeuvre numérique est effectuée avec la fonction locpoly du package
KernSmooth.
– Pour l’estimateur par spline de lissage, nous avons choisi d’utiliser une spline
d’ordre 6 (spline quintique, i.e. de degré 5), ce qui revient à prendre m = 3
dans le critère 3.14. Le paramètre de lissage λ a été déterminé par le critère
GCV (λ= 3.162). La mise en oeuvre numérique est effectuée avec les fonctions
du packagefda (voir Ramsay et al.[131] pour plus de détails).
La figure 3.6 montre les résultats obtenus pour l’estimation du profil de vitesse
avec les trois estimateurs. Si les trois estimateurs semblent fournir des résultats
si-milaires sur l’ensemble du trajet, le zoom sur la section où sont présents les deux
outliers montre une meilleure robustesse de l’estimateur par spline de lissage. En
ef-fet, on observe que les deux outliers ont tendance à affecter l’estimation des vitesses
obtenues par la méthode du noyau et la méthode des polynômes locaux, ce qui n’est
pas le cas avec la méthode des splines de lissage.
Afin d’avoir une idée de la précision des valeurs estimées obtenues avec les trois
méthodes proposées, nous avons comparé ces valeurs avec les mesures de vitesse
collectées sur le bus CAN du véhicule qui dérivent des mesures de l’odomètre et qui
a) Trajet complet
0 50 100 150 200 250 0 20 40 60 Time (s) Speed (km/h)GPS speed Kernel smoother Local polynomial smoother Spline smoother
b) Zoom sur la section avec outliers
160 170 180 190 200 210 20 30 40 50 60 70 Time (s) Speed (km/h)
GPS speed Kernel smoother Local polynomial smoother Spline smoother
Figure 3.6 -Estimation du profil de vitesse à partir des mesures de vitesse issues
du GPS (en vert). Comparaison entre 3 estimateurs : estimateur à noyau (en orange),
estimateur par polynômes locaux (en bleu) et estimateur par spline de lissage (en
rouge).
GPS speed Kernel
smoother
Local
polynomial
smoother
Spline
smoother
RMSE
speed
(km/h)
3.046 1.412 1.273 1.272
Table 3.1 -RMSE des trois estimateurs par rapport à la vitesse CAN pour
l’esti-mation des vitesses.
sont relativement précises, même si dans l’absolu ces valeurs ne peuvent pas être
considérées comme des valeurs de référence. Nous avons alors calculé sur la section
de 50 s illustré à la figure 3.6.b, la racine carrée de l’erreur quadratique moyenne
définie par :
RM SE =
v
u
u
t
1
n
n
X
i=1
(fb(ti)−vCAN(ti))2. (3.28)
Les résultats obtenus sont résumés dans le tableau 3.1. On observe que, en
moyenne, les estimateurs par polynômes locaux et par spline de lissage donnent
des résultats similaires même si l’estimateur par spline de lissage est plus robuste.
On s’intéresse maintenant à l’estimation du profil d’accélération du véhicule, i.e. à
la dérivée des profils de vitesse estimés obtenus à la figure3.6. La figure3.7montre les
résultats obtenus pour les trois estimateurs. Les mesures d’accélération issues du GPS
ont été obtenues par différentiation numérique comme pour l’estimateur à noyau. On
observe que l’estimateur par polynômes locaux conserve bien les pics d’accélération
mais est fortement influencé par les outliers et présente des problèmes aux bords de
l’intervalle. Les estimateurs à noyau et par splines de lissage ont tendance à aplatir
les pics d’accélération mais sont moins sensibles aux outliers.
Comme pour la vitesse, nous avons également calculé les RMSE des valeurs
es-timées d’accélération en prenant comme valeurs de référence, la dérivée des mesures
de vitesses issues du bus CAN ("central difference approach"). Les résultats figurant
dans le tableau3.2 montrent que l’estimateur par spline de lissage présente l’erreur
d’estimation la plus faible contrairement à l’estimateur par polynômes locaux.
Ce-pendant, pour confirmer ces résultats, il pourrait être intéressant de comparer les
valeurs estimées d’accélération obtenues avec les trois estimateurs, avec les mesures
d’accélération issues d’une centrale inertielle.
Pour conclure, cette étude a montré les bonnes performances de l’estimateur par
spline de lissage pour l’estimation des profils de vitesse et d’accélération. Nous avons
notamment montré sa robustesse aux outliers contrairement à l’estimateur à noyau et
a) Trajet complet
0 50 100 150 200 250 −2 −1 0 1 2 3 Time (s) A c c e le ra ti o n(
m s 2)
Deriv GPS speed Kernel smoother Local polynomial smoother Spline smoother
b) Zoom sur la section avec outliers
160 170 180 190 200 210 −2 −1 0 1 2 3 Time (s) A c c e le ra ti o n
(
m s 2)
Deriv GPS speed Kernel smoother Local polynomial smoother Spline smoother