3. Reconstruction des images 27
3.2. Recalage d’images
Recaler deux images consiste à calculer la transformation qui superpose au mieux ces
deux images. Plus précisément, étant donné 2 images, une image dite de référence Iref
et une image dite flottanteIf lo, on cherche à calculer la transformation Tˆ qui superpose
au mieux, au sens d’une mesure de similarité S, les images I
f lo◦T (c’est-à-dire I
f lorééchantillonnée par la transformationT) etI
ref. Si la mesureS doit être maximisée, ce
calcul peut être formalisé par [Brown, 1992] :
ˆ
T = arg max
T
S(I
f lo◦T, I
ref)
Le recalage d’image est un domaine de recherche très actif [Zitová and Flusser, 2003],
en particulier en imagerie médicale [Maintz and Viergever, 1998, Malandain, 2006]. La
formule précédente met en évidence les différents composants nécessaires : le type de
transformation recherché, la mesure de similarité à optimiser et l’algorithme
d’optimisa-tion. Nous allons aborder rapidement les 2 premiers composants.
3.2.1. Types de transformation géométrique
On définira tout d’abord une transformation de l’espace tridimensionnel comme
l’ap-plication qui associe à tout point deR³ son transformé :
T :R³−→R³
v = (x, y, z)−→v
′= (x
′, y
′, z
′)
On pourra alors associer à une image tridimensionnelleIl’image transforméeI
′=I◦T,
qui associera à chaque pointv l’intensité I◦T(v) =I(T(v)).
Cette définition simplifiée occulte un problème pratique, lié au domaine de définition
des images. Les images ne sont généralement définies que sur un sous-ensemble de R³,
et cette limite devra être prise en compte lors de l’utilisation des transformations pour
le rééchantillonnage des images, ce qui pourra engendrer des difficultés supplémentaires,
par exemple au moment de la fusion d’images, comme nous le verrons plus bas.
3.2.1.1. Transformations linéaires
L’espace des transformations linéaires inclut les transformations rigides, les similitudes,
les transformations affines et les transformations projectives. Comme leur nom l’indique,
les transformations linéaires sont associées à une représentation matricielle qui permet
de déterminer les nouvelles coordonnées de chaque point (représenté en coordonnées
homogènes) transformé par un simple produit matriciel.
Nous utiliserons particulièrement dans ce manuscrit les transformations rigides, qui
sont exactement les transformations que l’on peut obtenir en composant une rotation
et une translation. Elles peuvent avoir une grande utilité pour superposer deux objets
identiques à une rotation et une translation près, comme c’est le cas par exemple pour le
recalage de deux observations supposées simultanées d’un même tissu sous deux
orienta-tions différentes, c’est-à-dire lorsque l’on prend pour hypothèse que l’objet n’a pas subi de
déformations ou de modifications de sa structure. Même si, dans la pratique, la
manipu-lation et le temps écoulé entre les deux observations peut induire de légères déformations
(croissance des cellules) et modifications de la structure du tissu (divisions cellulaires),
une transformation rigide constitue généralement une première bonne approximation de
la transformation réelle.
3.2.1.2. Transformations non-linéaires
Dans de nombreux cas, les transformations linéaires ne suffisent pas à représenter la
transformation réelle. Pour le méristème, c’est le cas lors du recalage de plusieurs
acquisi-tions, lorsque l’on veut prendre en compte les petites déformations dues à la manipulation,
ou lors du recalage de différentes acquisitions successives et espacées de plusieurs heures,
pour rendre compte de la croissance.
Lorsque les transformations linéaires ne suffisent plus, nous utilisons alors des
trans-formations non-linéaires. Ces transtrans-formations possèdent un grand nombre de degrés de
liberté, ce nombre étant dépendant de la paramétrisation choisie pour définir la
trans-formation. Il est possible par exemple de décomposer une transformation sur une base
de fonctions, comme des fonctions splines [Rueckert et al., 1999], ce qui permet la
repré-sentation d’une transformation non-linéaire par un nombre de paramètres qui peut être
relativement faible. A l’opposé, on peut choisir la classe de transformations la plus large
possible, en définissant une transformation par un ensemble de vecteurs indépendants,
un pour chaque point de la grille de l’image.
Mais cette liberté
1a un coût. La représentation des transformations linéaires par un
champ dense de vecteurs permet « de représenter des transformations très variées, mais
risque de faire surgir des optima locaux lors de l’optimisation »[Malandain, 2006] lors du
recalage de deux images. On contraint alors le processus de mise en correspondance des
images de deux manières : d’une part en initialisant la procédure d’optimisation à partir
d’une bonne configuration initiale, proche de la solution recherchée, avec une
transforma-tion ayant moins de degrés de liberté, par exemple rigide ou affine (cf paragraphe 3.3.1),
ou d’autre part en ajoutant des contraintes de régularité à la transformation recherchée,
par exemple en recherchant un difféomorphisme [Vercauteren et al., 2009], c’est-à-dire
une transformation dont l’inversibilité est assurée.
3.2.2. Types de méthode de recalage
On distingue généralement deux familles de techniques de recalage d’images.
1. Le nombre de degrés de liberté d’un champ dense de vecteurs est de 3 fois le nombre de voxels soit une centaine de millions de degrés de liberté pour les images que nous manipulons.
– Les techniques de recalage dites géométriques, qui s’appuient sur l’appariement de
primitives géométriques extraites des images à recaler.
– Les techniques de recalage dites iconiques, qui ne requièrent aucune segmentation
et s’appuient directement sur les intensités des images à recaler.
Il y a évidemment des techniques de recalage qui peuvent être considérées comme hybrides
entre ces deux familles.
3.2.3. Méthodes géométriques
Comme son nom l’indique, le recalage géométrique s’appuie sur des primitives
géomé-triques extraites des images à recaler. Il y a en fait deux étapes importantes :
– l’étape d’extraction des primitives à recaler (ou segmentation) et
– l’étape d’appariement des primitives extraites dans les deux images à recaler.
L’extraction automatique des primitives géométriques, par exemple des points d’intérêt,
est une étape cruciale. Si elle échoue, le recalage ne sera possible. Un moyen de garantir
une bonne segmentation des primitives géométriques est d’ajouter des marqueurs dans
l’image, marqueurs faciles à détecter et qui guideront le recalage. C’est par exemple
le cas en imagerie cérébrale, où l’on peut utiliser un cadre stéréotaxique, qui est vissé
dans le crâne du patient, afin de faciliter le recalage des images préopératoires avec
les outils opératoires en neurochirurgie. Les grains ajoutés dans le gel d’agarose dans
[Preibisch et al., 2010] obéissent à cette même logique. Dans le même esprit, nous avons
essayé de positionner des grains de charbon sur la surface des racines de riz imagées,
pour marquer quelques positions et faciliter le recalage, mais cela s’est révélé difficile
sans endommager le tissu.
La seconde étape consiste à apparier les primitives extraites dans les 2 images.
Typi-quement et si l’on considère des points, on forme des couplesM
if lo