5. Suivi temporel 87
5.2. Méthode proposée de suivi du méristème
Le but de notre étude est le suivi du méristème. Cela implique évidemment que la
croissance naturelle soit la moins perturbée possible par l’acquisition. Toutefois, pour
une observation limitée dans la durée (de l’ordre de la semaine), nous pouvons isoler le
matériel à observer à la différence de [Roeder, 2009] (cf figure 2.10) où la plante entière
doit être conservée, ce qui induit des conditions expérimentales plus complexes.
Étant donné que nous réalisons des acquisitions en microscopie confocale (ou
bi-photon) sur une grande épaisseur de tissu, et afin de limiter la photo-nocivité, nous
avons choisi d’espacer les acquisitions de 24 heures à peu près. De ce fait, de grandes
déformations géométriques et de grands changements topologiques peut survenir entre
deux acquisitions. Estimer les déformations géométriques sera un problème difficile, plus
complexe sans doute que dans [Liu et al., 2010] où les acquisitions sont faites toutes les
3 heures ou que dans [Melani et al., 2007] où elles sont réalisées toutes les 5 minutes.
De plus, l’objet choisi pour le suivi, à savoir le bouton floral au moment de
l’appa-rition de nouveaux organes, subit des changements géométriques importants, bien plus
importants (cf figure 5.2) par exemple que le méristème apical caulinaire étudié dans
[Grandjean et al., 2004, Barbier de Reuille et al., 2005, Liu et al., 2010].
Figure 5.2.: Comparaison entre la croissance du MAC et la croissance du bouton floral
entre deux acquisitions. A gauche : on voit que le protocole utilisé dans
[Barbier de Reuille et al., 2005] (∆t = 12 heures) mène à la comparaison
de deux ensembles de polygones quasiment identiques, à quelques divisions
près, la plupart de ces divisions ne s’ensuivant pas d’une variation
impor-tante de forme. A droite : dans notre étude, nous allons devoir
automa-tiser l’identification des lignées de cellules-mères subissant d’importantes
déformations, et un grand nombre de divisions (2.1 divisions par cellule
en moyenne durant cette transition et un volume total multiplié par 2.5).
On peut aussi noter qu’il va nous falloir tenir compte de la croissance
dif-férentielle entre les cellules, conséquence de la construction des organes
(flèche noire : émergence des sépales). On voit globalement, en comparant
ces deux études, l’une basée sur les surfaces segmentées manuellement d’un
tissu relativement stable et l’autre basée sur les volumes segmentés
auto-matiquement d’un tissu subissant une forte croissance, que la complexité
des deux problèmes est sans commune mesure.
Enfin, et cela constitue une difficulté importante, nous avons choisi d’étudier notre
objet en 3D, et non seulement selon une coupe 2D [Marcuzzo et al., 2008b], une variété
2D (une surface courbe, ici la surface du méristème) [Barbier de Reuille et al., 2005], ou
quelques coupes seulement [Liu et al., 2010].
Toutes les difficultés mentionnées plus haut rendent notre problématique très
spéci-fique, et il a été nécessaire de développer une approche dédiée.
5.2.1. Principe général
Le suivi du méristème entre deux acquisitions implique l’identification d’une
déforma-tion géométrique d’une part, et de changements topologiques (décrits par la construcdéforma-tion
de lignages) d’autre part, tous deux pouvant être relativement importants (cf figure
[Barbier de Reuille et al., 2005]), la littérature rapportant plutôt des cas où seul l’un des
deux problèmes était difficile. Le principe de notre méthode est une résolution alternée,
à savoir :
– le calcul de la transformation géométrique pour des lignages (et donc des
apparie-ments de cellules) connues,
– le calcul des lignages pour une transformation géométrique, ce calcul de lignages
étant réalisé par une méthode dite simultanée (cf section 5.1.4), l’utilisation a
poste-riori de contraintes supplémentaires permet de sélectionner des lignages
biologique-ment compatibles avec les lignages déjà existants,
l’alternance des deux calculs étant réalisés jusqu’à convergence. Il apparaît donc que,
bien que nous utilisons un algorithme simultané pour le calcul des lignages pour une
transformation fixée, ceux-ci sont quand même construits de manière incrémentale.
5.2.2. Notations et formulation
Nous disposons de deux images, I etI
′, correspondant à des acquisitions aux tempst
et t
′=t+ ∆t, toutes deux segmentées et de segmentations S et S
′. Une segmentation
est une partition en cellules :
– S={ci},i= 1. . . N(S)
– ci∩cj =∅ pouri6=j
La notion d’adjacence entre (groupes de) cellules est définie par
– {ci}
i=1...Iestn-adjacent à{cj}
j=1...Jsi∃(i
′, j
′)∈[1, I]×[1, J]tels que la celluleci
′soitn-adjacente à la cellulecj
′.ndésigne une des relations usuelles de connexité, 6,
18 ou 26 en 3D. Dans la suite, nous n’utiliserons que la 6-connexité, et nous parlerons
de cellules adjacentes sans plus de précisions.
– Par généralisation de la notion de voisinage, noté N, et de manière quelque peu
abusive, nous noterons aussi la notion d’adjacence par :
{ci}
i=1...Iestn-adjacent à{cj}
j=1...J⇐⇒ {ci}
i=1...I∈ N
n{cj}
j=1...J⇐⇒
{cj}
j=1...J∈ N
n({ci}
i=1...I).
La transformation géométrique entre les deux images sera notée parT, et on comparera
donc T(S) avec S
′, tandis que la relation topologique de filiation sera exprimée par un
mapping M des cellules de S vers celles de S
′. On notera la filiation d’une cellule fille
c
′i′∈ S
′vers une cellule mère ci ∈ S par ci, c
′i′∈ M ou (i, i
′) ∈ M pour plus de
concision.
Un lignage consiste à associer à une cellule-mère c
i∈ S toutes ses cellules-filles que
nous noterons
ic′i′, un lignage Lsera donc un ensemble de couples : L=
ci,
ic′i′
.
Si
l’on se donne alors une fonction de coût Γ qui évalue la pertinence du mapping.
Parmi tous les couples (transformation, mapping) possibles, nous cherchons le couple
optimal (T
∗, M
∗) qui vérifie :
(T
∗, M
∗) = arg min
T,M
(Γ(M(S◦T, S
′))
Cette formulation, bien qu’élégante et respectant l’esprit de notre méthode, est
malheu-reusement abusive, car nous n’utiliserons pas les mêmes fonctions de coût pour le calcul
de la transformation et du mapping, bien que toutes deux reviennent à des considérations
de proximité.
5.2.3. Recherches alternées de la transformation et des lignages
Notre méthode repose sur une recherche alternée de la transformation qui superpose
au mieux les deux images I etI
′, et des lignages qui expliquent au mieux les filiations
de S vers S
′. Ce dernier calcul sera résolu par un algorithme de flot, toutefois il ne
ga-rantit pas l’obtention de filiationsbiologiquement plausibles. Aussi, les filiations calculées
seront examinées selon des critères supplémentaires afin de ne sélectionner que les plus
pertinentes. Cette approche conservatrice a pour but d’éviter la conservation d’erreurs
dans les lignages qui se propageront par la suite. La méthode complète est schématisée
dans la figure 5.3 et comporte les étapes suivantes :
– un calcul initial de repositionnement entre les deux images par une transformation
Tr (section 5.3),
puis les 3 étapes suivantes sont itérées jusqu’à convergence :
1. une méthode de calcul d’une transformation non-linéaireT
∗qui superposeI surI
′(section 5.4),
2. une méthode de calcul d’un mapping valide M
∗de coût minimal (section 5.5) au
sens d’une fonction de coût d’appariement des cellules-mères avec cellules-filles,
définie d’après la transformationT
∗,
3. une méthode de sélection des lignagesL
∗⊆M
∗qui préservent des critères
supplé-mentaires (section 5.5.3).
Étant donné que la recherche de la transformationT
∗peut être guidée par la connaissance
d’un ensemble initial de lignages L, on pourra itérer les trois étapes précédentes en
utilisant après chaque itération les nouveaux lignages de L
∗pour initialiser T
∗, et ainsi
de suite jusqu’à convergence.
Figure 5.3.: Diagramme fonctionnel de l’algorithme de calcul des lignées. On initialise
l’algorithme avec un premier ensemble de lignages connusL
0. Ces lignages
nous permettent de calculer une transformationT
0∗pour superposerT
0∗(S)
etS
′. On calcule ensuite le mapping deT
0∗(S)versS
′de moindre coûtM
o∗en fixant en dur tous les lignages déjà connus. On peut ensuite extraire
de M
o∗une sous-partieL
1⊆L
0de lignages qui respectent des contraintes
supplémentaires. Ce nouvel ensemble est alors utilisé pour calculer une
nouvelle transformationT
∗1
, puis un nouveau mapping valideM
∗1