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Rapprochement entre analyse stratégique des organisations et New Public

Section 1 : L’analyse stratégique des organisations, un retournement de tendance pour

4- Rapprochement entre analyse stratégique des organisations et New Public

L’analyse stratégique et le NPM se partagent certains points communs. Tout d’abord, tous deux considèrent l’orientation client comme un élément clé de la réforme publique, même s’ils l’envisagent différemment. Le NPM attribue l’orientation client à une cause commerciale soit l’insatisfaction des clients avec les services de l’Etat (Finger et Ruchat, 1997). Crozier pour sa part dans son ouvrage « le phénomène bureaucratique », justifie cette orientation client par le décalage entre l’Etat et la société. L’Etat pour combler ce gap doit se rapprocher des citoyens. Le deuxième point de convergence est la « dynamisation interne de l’administration » (Saoud, 2005). Crozier dans l’ensemble de son œuvre et à l’image du NPM appelle à la nécessité de transformer les appareils de l’Etat pour pouvoir échapper aux cercles vicieux bureaucratiques.

Cet appel au changement utilise des modalités différentes. Crozier, envisage le changement sous un angle sociologique. L’acteur est en fait situé au cœur de la réforme publique, le changement doit impérativement passer par les élites. Changer l’administration consiste à changer l’état d’esprit des fonctionnaires. «Une stratégie de modernisation de la société française doit d’abord porter sur le développement de ces ressources indispensables que constituent pour elle ses fonctionnaires. Ce qui paraît d’emblée le plus décisif, c’est de parvenir à changer le mode de raisonnement des élites administratives» (Crozier, 1987). Pour sa part, le NPM se place à l’encontre de l’analyse stratégique des organisations dans sa conception du changement, attribuant une plus grande importance aux outils et instruments ayant fait leur preuve dans le monde marchand.

La réflexion « Crozierienne » en introduisant une analyse sociologique du changement participe à une consolidation théorique du NPM. Il contribue à se détacher de la vision instrumentale du NPM pour s’inscrire dans une nouvelle plus volontariste. « The management concepts behind NPM are too instrumental or used in a too instrumental way… The experience with Baldridge and EFQM award show that is great leadership and people skills that make the difference» (Noordhoek et Saner, 2005).

L’intrusion marquée de l’analyse sociologique de Crozier et Friedberg (1977) dans le domaine des politiques publiques est observable dans les travaux de Muller (2005) et de Musselin (2005). Ces derniers pour étudier le changement des politiques publiques de protection sociale introduisent une « analyse cognitive des politiques publiques » directement inspirée de l’analyse stratégique des organisations de Crozier et Friedberg (1977). A travers, cette analyse, Musselin (2005) et Muller (2005) tentent de dessiner les schémas cognitifs des acteurs. Selon Muller (2000), « l’acteur est à la fois contraint par le global tout en étant acteur de ce global, ce qui signifie que, dans le global, il y a « quelque chose » de plus qui transcende en quelque sorte les stratégies des acteurs individuels ou collectifs en ne se réduisant pas à la somme des comportements individuels » (Hassenteufel et Smith, 2002). Cette analyse cognitive repose sur trois hypothèses de base :

- L’étude du changement des politiques publiques doit articuler les deux approches structure-acteur. Le changement est le résultat d’une tension entre une dimension structurelle qui se traduit sur le long terme dans les institutions et une dimension de l’action qui exprime les jeux des acteurs publics

- Le concept de référentiel reflète et traduit cette tension entre structure et acteur dans la mesure où il met en évidence les contraintes normatives et cognitives auxquelles sont soumis les acteurs. Par ailleurs, il exprime la marge de manœuvre dont ils disposent pour agir dessus. La notion de « référentiel », propre au domaine des politiques publiques a été forgée par l’approche cognitive des politiques publiques (Hall, 1993, Muller, 2000, Surel, 2000, Jobert, 2003…). En insistant sur le poids des idées dans les politiques publiques, la notion de « référentiel » offre donc un « cadre d’interprétation du monde », « une représentation, une image de la réalité sur laquelle on veut intervenir » (Muller, 1990, p.43).

- La possibilité d’identification des agents qui vont gérer de différentes manières cet écart entre le global et le sectoriel, en développant de nouvelles pratiques et en définissant un nouveau référentiel.

L’étude du transfert des politiques publiques combine à la fois des approches microsociologiques mettant l’accent sur les stratégies des acteurs et des approches macrosociologiques plus tournées vers des facteurs politiques, idéologiques, institutionnels, culturels et socio-économiques. Elle doit de ce fait articuler les perspectives institutionnalistes d’ordre macrosociologique à celle de la sociologie de l’action plus micro. L’analyse cognitive

des politiques publiques est le signe fort d’une ouverture croissante de la science politique à la sociologie.

L’organisation est bien loin de la vision mécaniste que l’approche fonctionnaliste veut lui coller. Il convient d’associer à cette perspective, une autre perspective politique qui puisse dévoiler ses aspects cachés. La rationalité du fonctionnement des organisations largement prônée par le paradigme déterministe se trouve ébranlée. L’organisation dans le prisme de l’analyse stratégique de Crozier et Friedberg (1977) est bien loin d’être une simple « horlogerie » comme c’est dans le cas pour la pensée classique. « L’organisation évoque avant tout un ensemble de rouages compliqués, mais parfaitement agencés. Cette horlogerie semble admirable tant qu’on l’examine seulement sous l’angle du résultat à obtenir : le produit qui tombe en bout de chaîne. Elle change en revanche radicalement de signification si on découvre que ces rouages sont constitués par des hommes» Crozier et Friedberg (1977). Il convient de juxtaposer et de conjuguer à l’approche fonctionnaliste fortement prégnante dans les outils de gestion amenés par le NPM, une approche politique qui reconnait le rôle des acteurs.