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Rapport du Conseil National des Sciences

Annexe V. Code de procédure de l’International Association for Forensic Phonetics (IAFP)

V. A PPROCHE SPECTROGRAPHIQUE

5.3. Rapport du Conseil National des Sciences

En mars 1976, le FBI demande à l’Académie Nationale des Sciences des États-Unis (NAS) d’entreprendre une évaluation de la méthode d’identification de locuteurs par comparaison visuelle de spectrogrammes. Un comité de huit experts indépendants est formé. Il est composé de trois des auteurs de « BOLT I et II », BOLT, COOPER et PICKETT, de TOSI et de quatre autres

scientifiques actifs dans le domaine de la parole ou de la physique, GREEN, HAMLET, MCKNIGHT et

UNDERWOOD. GIANELLI et IMWINKELRIED remarquent à juste titre que, contrairement aux autres,

TOSI ne doit pas être considéré comme impartial et indépendant [GIANELLI ET IMWINKELRIED 1986]. Ce comité reçoit pour mission de déterminer la validité de la technologie et sa recevabilité en cour, afin d’annihiler une controverse vieille de quinze ans qui a abouti à une position contradictoire des cours de justice de tous niveaux vis-à-vis de cette méthode. Après avoir procédé à une revue bibliographique extensive du domaine, le comité synthétise l’information sous forme d’un rapport final, comportant toutefois de nombreuses définitions et analyses nouvelles [BOLT ET

AL., 1979].

5.3.1. Position du rapport sur les différents éléments de controverse

5.3.1.1. Qualité de l’information

L’existence d’une variabilité intralocuteur et interlocuteur rend l’analyse de la voix beaucoup plus proche de celle des écritures que de celle des empreintes digitales. Pour cette raison, le terme voicegram, vocogramme, doit être préféré à celui de « voiceprint », « empreinte vocale ». Il

61 [Reed v State, (1978) 391 A.2d 364, Md.]

est possible que deux personnes puissent posséder des voix qui ne peuvent être discriminées dans les limites de précision à disposition. Lorsqu'un même locuteur prononce deux fois le même énoncé, les deux spectrogrammes qui en résultent ne sont jamais identiques, mais se ressemblent dès lors que les mots prononcés sont les mêmes et dans le même ordre.

5.3.1.2. Technique

Les spectrogrammes permettent d’examiner les caractéristiques suivantes : fréquences moyennes des formants des voyelles, largeur de bande des formants, périodes et striations verticales, pente des formants, durées, formes caractéristiques des fricatives et énergie entre les formants. Aucune méthode ne permet d'isoler les caractéristiques dépendantes du locuteur des caractéristiques dépendantes du contenu.

5.3.1.3. Conditions forensiques

Le recours à une analyse a lieu le plus souvent lorsqu'une ressemblance auditive frappante est constatée entre la voix d’une personne et celle constitutive de l’énoncé contesté ou lorsque la présomption de déguisement existe sur la base de cette écoute. L'examinateur est donc prioritairement confronté aux cas difficiles plutôt qu'aux cas faciles. Dans les conditions forensiques, des variations peuvent être introduites par les circonstances, l'état émotionnel particulier, une façon de parler formelle ou informelle. Une classe spéciale de variation est introduite lorsqu'une personne déguise sa voix ou tente d'en imiter une autre. La détection de l'imitation est plus facile par l'observation de spectrogrammes que par l'écoute. Les échantillons de parole inconnue sont généralement obtenus lors d'enregistrements téléphoniques. La voix du locuteur peut être dégradée de multiples façons, distordue ou contaminée par du bruit dans la transmission téléphonique et lors de l'enregistrement par le système d'enregistrement.

5.3.1.4. Tâche de l’examinateur

5.3.1.4.1. Analyse

La tâche d’identification de locuteurs par comparaison visuelle de spectrogrammes est pratiquée comme un art par des examinateurs, dont la qualification principale est l'expérience. Elle consiste à observer et à interpréter des différences et des ressemblances. D’une certaine manière, cette tâche est analogue à la tâche de reconnaissance du scripteur par l'analyse de son écriture manuscrite. Sur la base de ces critères d’évaluation, l’examinateur doit premièrement estimer un rapport de vraisemblance de l’identification par rapport à la non-identification et deuxièmement déterminer son seuil de décision.

Toutefois, selon THOMAS, les partisans de la méthode spectrographique ont admis que le processus est un art analogue à l’expertise de l’écriture manuscrite après avoir longtemps prétendu qu’il s’agissait d’une science et proposent sa recevabilité par analogie à l’expertise de l’écriture manuscrite [THOMAS, 1981]. Or cette analogie est fallacieuse, car l’expertise d’écriture peut être

démontrée par l’expert et comprise par le profane, qui peut évaluer la validité des conclusions sur la base de l’interprétation des ressemblances et des divergences mises en évidence par l’expert sur les manuscrits. Par contre, la méthode spectrographique est accompagnée d’un verbiage pseudo-

PARTIE II: RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE CHAPITRE V : APPROCHE SPECTROGRAPHIQUE 105

scientifique propre à tromper le jury et le profane, qui ne peuvent ni discerner les ressemblances et les divergences sur les spectrogrammes, ni évaluer l’interprétation de l’expert et ses conclusions, à l’image de la réponse de NASH dans People v Jackson 63 :

« Je ne peux pas vous dire à la barre quels points de ressemblance m’ont en fait permis de conclure que c’était la même voix. Je ne sais pas ce que sont ces points de ressemblance, mais, par exemple, ici il y a un spot d’énergie qui est spécifique sur l’enregistrement de question ; il apparaît sur l’échantillon de comparaison. Il peut ne pas vous sembler le même à vous profanes non entraînés, mais pour mon œil entraîné, c’est le même. Ici il y a un spot d’énergie sur l’enregistrement de question qui est une autre particularité, qui devrait être ici sur l’enregistrement de comparaison. Ce peut ne pas être visible pour votre œil non entraîné, mais

pour mon œil entraîné je sais qu’il est ici » [GRUBER ET POZA, 1995].

5.3.1.4.2. Décision

La décision d’identification est subjective, car elle est prise par l'examinateur et non par le spectrographe. L'interprétation des différentes ressemblances et différences dépend de l'expérience et de l'entraînement. Elle peut provenir d'une transcription phonétique particulière qui met l'accent sur certaines ressemblances ou différences. Les différences dans la familiarité avec les distorsions provoquées par les technologies de communication et d'enregistrement font que certains examinateurs sont plus habiles que d'autres dans l'interprétation des distorsions présentes dans les échantillons.

Des différences existent aussi dans l'assurance avec laquelle l'examinateur approche les différentes tâches. Certains examinateurs peuvent être plus réservés quant à une décision positive d'identification dans un cas de crime sérieux que dans un cas de crime mineur. Dans de nombreux cas, l'identification par la voix correspond à une partie de la preuve totale et la connaissance des autres preuves peut influencer, même inconsciemment, le point de vue de l'examinateur.

5.3.2. Conclusion du rapport du Conseil National des Sciences

« Le principe de l’identification par la voix repose sur l’hypothèse que la variabilité intralocuteur est inférieure à la variabilité interlocuteur. Cependant, pour l’instant, cette hypothèse n’est confirmée ni par une théorie ni par des données scientifiques… Le comité conclut que les incertitudes techniques de la présente méthode d’identification par la voix sont si grandes que son application forensique ne doit être approchée qu’avec grande prudence. Le comité ne prend pas position pour ou contre l’utilisation forensique auditive et visuelle d’identification par la voix, mais recommande que s’il en est fait usage en cour, les limitations

de la méthode soient clairement et entièrement expliquées au juge ou aux jurés » [BOLT ET AL.,

1979].

Suivant les résultats de l’étude qu’il avait commandée, le FBI a confirmé sa position, prise au début des années septante 64, de ne pas proposer en cour de témoignages d’experts basés sur la

63 [People v Jackson (1973) No. CR 9138, Vol. 40, Super. Ct., Riverside County, Cal.] 64 supra : 5.2.1.5. Prise de position du Federal Bureau of Investigations (FBI)

méthode spectrographique. Par contre, la méthode a continué à être utilisée comme moyen d’investigation [KOENIG, 1980].

Ce rapport n’a malheureusement pas eu le même impact sur toutes les cours. Si certaines ont utilisé ses conclusions pour motiver un rejet de la méthode spectrographique 65, d’autres ont

continué à l’accepter 66, en ignorant parfois jusqu’à l’existence de ce rapport 67 [BLACK ET AL.,1994].

5.4. Après le rapport du Conseil National des Sciences