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Après le rapport du Conseil National des Sciences 1 La dissolution de l’IA

Annexe V. Code de procédure de l’International Association for Forensic Phonetics (IAFP)

V. A PPROCHE SPECTROGRAPHIQUE

5.4. Après le rapport du Conseil National des Sciences 1 La dissolution de l’IA

En 1980, l’IAVI est dissoute et ses membres ont pu rejoindre individuellement l’International

Association for Identification (IAI). Suite à l’adhésion d’un nombre suffisant de membres, l’IAI a créé

un sous-comité concernant l’identification de la voix, le Voice Identification and Acoustic Analysis

Subcommittee (VIAAS). Le fonctionnement de cette société permet de l’assimiler plus à une

confrérie qu’à une société savante, car elle est formée en majorité de non-scientifiques et son accès a été refusé à des scientifiques renommés sous prétexte qu’ils avaient témoigné en cour contre la méthode spectrographique [HOLLIEN, 1990]. Dès lors, les directives données par l’IAI dans ce domaine, ainsi que son programme de certification établi sur le modèle de celui de l’IAVI, sont sujets à caution [MOENSSENS ET AL.,1986].

5.4.2. L’étude du FBI

En 1986, le FBI a mené une étude sur 2000 cas d’identification de la voix répartis sur une période d’une quinzaine d’année dans le but de déterminer le taux d’erreur de la méthode dans des conditions forensiques réelles. Dans 1304 cas (65.2 %), soit aucune décision, soit une décision associée à un faible degré de confiance a été rendue, en majorité à cause de la faible qualité des enregistrements, plus rarement à cause de voix féminines à fréquence fondamentale élevée ou en présence de certains déguisements. 378 (18.9 %) décisions d’élimination et 318 (15.9 %) décisions d’identification ont été reportées alors que seulement deux (0.1 %) fausses éliminations et une (0.05 %) seule fausse identification ont été comptabilisées [KOENIG, 1986A]. L’auteur présente aussi la procédure d’analyse du FBI, qu’il compare ensuite à celle préconisée par l’IAI ; il montre que les exigences du FBI sont au moins équivalentes à celles de l’IAI, mais supérieures au niveau du nombre de mots comparés, de la qualité minimale de l’enregistrement de question et de la formation des examinateurs [KOENIG, 1986B].

GRUBER ET POZA soulignent que l’étude de KOENIG a été publiée sous forme de lettre à

l’éditeur et n’a de ce fait pas été soumise à une revue par les pairs [GRUBER ET POZA, 1995]. Sa

méthodologie est aussi sévèrement critiquée par SHIPP, qui relève principalement que la

65 [Cornett v United States, (1983) 450 N.E.2d 498, Ind.] 66 [United States v Smith, (1989) 869 F.2d 348, 7th Cir.]

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supposition qu’une décision d’identification est correcte lorsqu’elle est compatible avec l’issue du cas est fausse [SHIPP ET AL.,1987]. Ces auteurs affirment avec raison qu’un critère tel qu’une décision de culpabilité ou d’innocence n’est pas suffisant pour établir la rectitude des décisions d’identification.

Cette étude illustre aussi l’influence prépondérante des résultats de la méthode spectrographique sur l’issue de nombreux cas, alors qu’elle est officiellement utilisée uniquement à des fins d’enquête. Cette analyse laisse à penser que la position officielle du FBI permet à l’agence d’utiliser la méthode en évitant soigneusement toute polémique concernant la recevabilité, plutôt qu’à garantir au justiciable une investigation sur la base de méthodes acceptables.

Dans une première réponse, KOENIG ET AL. ne se défendent pas sur le fond, mais affirment

qu’ils ne considèrent pas une méthode entachée d’un taux d’erreur supérieur à 0.5% au même titre que les empreintes digitales, qu’ils considèrent comme exactes à 100%. Cette raison motive, selon eux, le fait que la méthode spectrographique n’est utilisée que pour l’investigation [KOENIG ET AL.,

1987].

Dans une seconde réponse, MELVIN explique qu’une probabilité plus grande que 95% est

considérée comme une certitude dans toute science expérimentale [MELVIN ET AL.,1988]. Cet argument illustre la confusion faite entre degré de signification associé à une observation statistique et degré de certitude associé à une décision. De plus, la démarche utilisée pour la confirmation des hypothèses va à l’encontre de la règle de falsifiabilité énoncée par POPPER, qui vise à évaluer la validité scientifique d’une hypothèse en définissant les conditions qui permettent de la réfuter [POPPER, 1973]. Cette polémique est encore alimentée par TOSI dans un éditorial du

Journal of Forensic Identification, mais n’aborde malheureusement jamais les problèmes de fond

[TOSI, 1990].

5.4.3. Les standards de l’IAI

En 1991, le sous-comité VIAAS de l’IAI publie des standards pour la comparaison des voix [VIAAS, 1992]. Ils n’ont pas de valeur légale, car ils ne lient que les examinateurs certifiés officiellement par l’IAI, mais ont l’avantage d’expliciter la méthodologie et de mettre à jour ses faiblesses intrinsèques, potentiellement impossibles à résoudre.

En résumé, l’examinateur doit être adéquatement formé, entraîné et qualifié (1), l’élément de preuve doit être manipulé avec précaution (2), les échantillons doivent être soigneusement choisis en vue de la comparaison (3), des échantillons de comparaison doivent être soigneusement préparés (4). Un examen préliminaire (5) doit permettre d’évaluer la qualité des éléments de preuve et de déterminer si l’analyse peut être effectuée, par méthode auditive et spectrographique (6). L’examinateur doit aboutir à l’une des sept conclusions possibles : identification, identification probable, identification possible, résultat inconcluant, exclusion possible, exclusion probable, exclusion, (7) et peut parfois demander un second avis. Le travail doit être soigneusement documenté et le rapport rédigé sous une forme standardisée. Finalement, l’IAI précise encore

qu’elle n’approuve l’usage d’aucune autre méthode d’identification de voix que celle stipulée dans ses standards.

Durant l’examen préliminaire, l’examinateur doit s’assurer que les enregistrements inconnus et de comparaison sont originaux. Comme la méthode est dépendante du texte, les enregistrements de parole inconnue et de comparaison doivent comprendre au moins dix mots correspondants et des passages contenant au moins trois mots correspondants consécutifs. Les échantillons doivent être de haute qualité, sans déguisement, sans excès de distorsion, sans interférences causées par de la parole ou du bruit et sans excès de variation des systèmes de transmission, d’enregistrement ou d’autres différences pouvant détériorer notablement les caractéristiques auditives et spectrales. Finalement le signal doit posséder une bande passante et un rapport signal sur bruit suffisants.

Ces critères découlent directement des remarques formulées par TURNER dans la conclusion

de l’étude de TOSI [TURNER ET AL., 1972]. Leur faiblesse résulte du fait que leur évaluation est principalement subjective et que certains sont intrinsèquement incontrôlables, comme le déguisement. D’autres ne sont pas maîtrisés par l’examinateur de spectrogrammes, comme la qualité d’enregistrement. La définition de tels critères va à l’encontre de la réalité forensique, puisque dans l’étude de TOSI elle-même, on a dû renoncer à toute analyse dans 57% des cas, pour cause de qualité insuffisante des échantillons.

5.4.4. L’arrêt Daubert

Selon la Federal Rule of Evidence 901(b)(5) 68, un témoignage reposant sur l’identification d’un

locuteur est admissible. Par contre, en tant que preuve scientifique, la reconnaissance de locuteurs par comparaison visuelle de spectrogrammes est soumise au nouveau standard dit « de validité », énoncé par la cour Suprême des États-Unis dans l’arrêt Daubert 69. Cette décision représente un

tournant dans la manière d’aborder un moyen de preuve scientifique nouveau ou controversé. Si l’acceptation générale par la communauté scientifique pertinente demeure un facteur important, ce n’est plus une considération fondamentale ni un motif de rejet. Par contre, selon l’interprétation de la Federal Rule of Evidence 104(a) dans l’arrêt Daubert, la cour doit partir du principe que le raisonnement et la méthodologie qui sous-tendent le témoignage sont scientifiquement valides et peuvent être appliqués intégralement dans le cas d’espèce. Ensuite la cour doit évaluer dans quelle mesure la preuve scientifique présentée satisfait aux critères énoncés dans la Federal Rule of Evidence 702 [BLACK ET AL.,1994].

Une exigence préliminaire stipule que le témoignage doit être prononcé par un expert en sciences forensiques. Cependant, l’absence de définition de cette notion laisse ouvertes tant la question des qualifications requises pour témoigner que la possibilité pour la cour de récuser l’expert, comme dans l’affaire People v Kelly 70, régie par l’ancien standard de recevabilité.

68 supra : 3.3. Exigences légales en matière de preuve scientifique 69 [Daubert v Merell Dow Pharmaceuticals, (1993) US, 125 L Ed 2, 469] 70 [People v Kelly, (1976) 17 Cal. 3d 24, 549 P.2d 1248-1249, Cal Rptr. at 152-153]

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Le premier critère concerne la falsifiabilité de la méthode, sa capacité à être testée et le fait d’avoir été testée dans des conditions forensiques réalistes. Manifestement, la méthode spectrographique ne satisfait pas à ce critère. Bien que la méthode puisse être testée et qu'elle ait été abondamment testée, les résultats obtenus dans des conditions forensiques montrent qu’elle n’est guère utilisable dans ces cas-là. D’autre part, s’il est possible de tester la perception sensorielle humaine dans des conditions définies, le fait que l’examinateur connaisse les circonstances de l’affaire, analyse les conséquences de sa décision, voire subisse l’influence de son jugement personnel ou celui de son entourage, rend la méthode difficilement falsifiable.

Le deuxième critère exige que la méthode ait fait l’objet d’un examen attentif et de publications, alors que le quatrième exige qu’elle soit généralement acceptée dans la communauté scientifique pertinente. La controverse qui a existé et qui se perpétue autour de cette méthode ne lui permet certainement pas de satisfaire à ces deux critères [GRUBER ET POZA, 1995].

Le troisième critère mentionne que la méthode doit avoir un taux d’erreur connu ou potentiel dans l’application. Bien que la Cour Suprême des États-Unis mentionne la comparaison visuelle de spectrogrammes comme méthode dont le taux d’erreur est connu dans l’arrêt Daubert, la controverse reste vive sur le fait que les taux d'erreur lors des expérimentations sont considérablement réduits par rapport aux taux d'erreur existant dans des conditions forensiques réelles [BLACK ET AL.,1994]. Dans United States v Smith 71, la cour mentionne d’ailleurs que les taux

d’erreur varient de 0 à 83 % selon les évaluations.

Le cinquième critère indique que le témoignage doit être basé sur des faits ou des données dignes de confiance pour les experts du domaine. Le fait que les tentatives de démonstration de la méthode spectrographique reposent essentiellement sur des données souvent considérées comme incomplètes et sur des faits discutables et critiqués par nombres d’experts reconnus dans leurs domaines tels les scientifiques de BOLT I et II, HECKER ou les juristes THOMAS ou BLACK, pour ne citer qu’eux, montre clairement que la méthode spectrographique ne satisfait pas à ce critère non plus.

Le dernier critère exige que la valeur probante de la méthode ne soit pas supplantée par les dangers d’un préjudice injuste, la confusion des conclusions ou l’induction en erreur du jury. Or, l’argument développé par les défenseurs de la méthode spectrographique allègue que seuls les praticiens de la comparaison visuelle de spectrogrammes sont à même d’en comprendre précisément le fonctionnement, alors que des scientifiques reconnus ne le peuvent pas, malgré un bagage théorique plus important. Selon TRUBY, l’impossibilité pour quiconque de définir, de décrire et d’évaluer le processus de reconnaissance de formes utilisé dans cette technique ou encore les dépositions de NASH dans People v Jackson 72, qualifiées de « verbiage pseudo-scientifique propre

à tromper le jury et le profane » parTH O M A S, ne plaide pas en faveur de sa clarté et de sa

71 [United States v Smith, (1989) 869 F.2d 348, 7th Cir.]

compréhension par le profane, mais témoigne plutôt de la part d’obscurantisme qui l’entoure

[THOMAS, 1981 ; GIANELLI ET IMWINKELRIED, 1986 ; TRUBY, 1976 IN :HOLLIEN, 1990].

5.5. La méthode spectrographique dans le reste du