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Rappels sur les travaux antérieurs .1 Une actualisation nécessaire

d’expertise collective

2 Population générale adulte

2.1.1 Rappels sur les travaux antérieurs .1 Une actualisation nécessaire

Les apports nutritionnels conseillés (ANC) pour les lipides et les acides gras avaient été définis en 2001 à l’issue d’un travail bibliographique collectif (Afssa, 2001). Pour les adultes, une fourchette d’apport en lipides totaux avait été proposée. Les données expérimentales étaient rares et « ne permettaient pas vraiment de dissocier d’une part les effets d’une réduction quantitative du pourcentage de lipides, d’autre part les effets de la composition en acides gras et enfin les effets d’une diminution totale des apports énergétiques ». Compte tenu de l’incidence croissante de l’obésité, le groupe d’experts avait choisi de limiter pour la population générale adulte l’apport lipidique à 30-35 % de l’AET. En-deçà de 30 %, l’apport équilibré en acides gras (précisément en polyinsaturés) est plus difficile à mettre en pratique compte tenu de la composition en aliments usuels.

Depuis la publication de ce rapport en 2001, de nouvelles données scientifiques ont amené l’ANSES à actualiser ce travail, en tentant de répondre aux principales questions suivantes : part des lipides totaux dans l’apport énergétique, recommandation augmentée pour l’acide docosahexaénoïque (DHA), recommandation pour l’acide eicosapentaénoïque (EPA), réévaluation de l’ANC pour l’acide linoléique (LA) et l’acide -linolénique (ALA), distinction de certains acides gras saturés, part des acides gras saturés totaux, identification et recommandation pour l’acide oléique, etc.

En 2005, l’IOM a proposé un intervalle de référence (AMDR) pour les lipides de 20-35 % de l’AET, intervalle en partie basé sur les données sur le risque de prise de poids. En effet, bien que les données épidémiologiques sur les apports élevés en lipides et le risque d’obésité présentent des résultats divergents, l’IOM note que les études d’intervention sur le court et le moyen terme indiquent qu’une réduction de l’apport lipidique est associée à une réduction de l’apport énergétique et à une perte de poids. Etant donnée l’existence de nombreuses données mécanistiques suggérant que des apports élevés en lipides peuvent favoriser la prise de poids sur le long terme, l’IOM conclut que des apports lipidiques élevés entraînent une augmentation des apports énergétiques totaux augmentant ainsi le risque de prise de poids et d’obésité (IOM, 2005).

2.1.1.2 Une méthodologie novatrice pour replacer la nutrition au centre de ce type d’expertise

Afin de déterminer les ANC en lipides totaux et en acides gras, le groupe de travail de 2010 a considéré le besoin puis la prévention des pathologies. Les valeurs de référence ont été fixées à l’issue de ces deux étapes. Ainsi, les ANC pour les lipides totaux et les acides gras n’ont pas été fixés sur la seule base d’évaluations expérimentales du besoin nutritionnel et de sa distribution dans la population (comme pour certaines vitamines, minéraux et acides aminés) mais en prenant également en compte des données épidémiologiques. Il s’agit d’« apports satisfaisants » basés sur des considérations épidémiologiques (Anses, 2011). La terminologie « ANC » adoptée en 1981 lors de la première édition des références nutritionnelles françaises avait été néanmoins conservée.

2.1.2.1 Limite basse

L’établissement du besoin physiologique minimal de consommation de lipides à 30 % de l’AET est justifié par la présence requise des acides gras indispensables. En effet, pour le DHA, le plus limitant des acides gras polyinsaturés (AGPI) indispensables, la réduction des apports lipidiques à 30 % abaisse son niveau d’apport à 0,03 % de l’AET, alors que l’ANC est de l’ordre de 0,1 % de l’AET, d’après SU.VI.MAX, (Astorg et al., 2004). La limite basse de l’intervalle de référence (35 % de l’AET) proposée dans le rapport Actualisation des apports nutritionnels conseillés pour les acides gras (Anses, 2011) vise d’une part à couvrir l’ANC en acides gras indispensables et correspond d’autre part au niveau bas de l’intervalle de moindre risque des pathologies étudiées (syndrome métabolique, obésité, diabète, maladies cardio-vasculaires). En effet, en prévention primaire, les données disponibles indiquent clairement que la quantité d’énergie totale et non la part des lipides dans cette énergie totale est très généralement corrélée au risque des maladies citées. Les données de la littérature disponibles pour ce même rapport (Anses, 2011) indiquaient également que la diminution de la part des lipides en deçà de 35 % de l’AET au profit des glucides n’induit aucun bénéfice en termes de réduction du risque des maladies évoquées. La littérature récente apporte quelques arguments complémentaires pour soutenir cette conclusion.

 Données récentes de la littérature Analyse des études d’observation :

L’étude prospective the Nurses’ Health Study (Etats-Unis) a suivi 121 700 femmes en bonne santé sur 20 ans. Les données recueillies sur 85 059 femmes jusqu’en 1998 ont montré que, contrairement à une alimentation restreinte en lipides (30 % de l’AET, protéines 14 %, glucides 55-59 %), une alimentation apportant 40 % de son énergie par des lipides (protéines 20-24 %, glucides 30-35 %) n’est pas significativement associée à une augmentation du risque de diabète de type 2 (Halton et al., 2008) ou de maladie cardiovasculaire (Halton et al., 2006).

Ces conclusions s’opposent à l’étude prospective the Cardiovascular Health Study basée sur 5 888 adultes âgés de plus de 65 ans suivis sur 7 à 10 ans. Celle-ci conclut que les personnes ayant une alimentation dite « déséquilibrée » apportant 41 % de l’énergie par des lipides et pauvre en fibres (glucides 38 % de l’AET, protéines 20 %) ont une espérance de vie plus courte que celles ayant une alimentation dite « saine » apportant 27 % de l’énergie par des lipides et riche en fibres (glucides 56 % de l’AET, protéines 17 %) (Diehr et Beresford, 2003).

Analyse des études d’intervention :

Une étude clinique d’intervention chez 322 sujets obèses montre qu’une alimentation ad libitum apportant 39,1 % de l’énergie par les lipides (glucides 40,4 % de l’AET, protéines 21,8 %) induit une perte de poids plus forte à deux ans qu’un régime hypocalorique pauvre en lipides (30,0 % de l’AET, glucides 50,7 %, protéines 19,0 %) (Shai et al., 2008). Par ailleurs, contrairement au régime pauvre en lipides, l’alimentation maintenant un apport en lipides à plus de 35 % de l’énergie est associée à une moindre prise de poids après 6 ans (Schwarzfuchs et al., 2012) et à une amélioration du bilan plasmatique en lipides : augmentation du HDL-cholestérol et diminution des triglycérides et du cholestérol total (Shai et al., 2008, Schwarzfuchs et al., 2012).

Il faut cependant souligner que cette étude d’intervention avait pour objectif d’induire une perte de poids puis de stabiliser au mieux cette perte de poids. Or le risque de l’utilisation de tel régime à plus long terme n’est pas connu. Par ailleurs, l’AET moyen estimé après 2 ans d’intervention montre une forte disparité entre les deux groupes. L’AET moyen de

bénéfices observés avec le régime riche en lipides pourraient être dus au plus faible apport énergétique plutôt qu’à la répartition en macronutriments. Bien que cette étude soit importante dans le domaine et largement citée, le groupe considère que les conditions expérimentales ne permettent pas d’utiliser ces données pour soutenir ses conclusions (Shai et al., 2008, Schwarzfuchs et al., 2012).

Dans une étude d’intervention de 12 mois chez 23 jeunes adultes obèses, une alimentation apportant 35,4 % de l’énergie par les lipides (glucides 45,5 % de l’AET, protéines 20,5 %) comparée à une alimentation isocalorique pauvre en lipides (24,3 % de l’AET, glucides 58,3 %, protéines 18,1 %) diminue les concentrations plasmatiques en triglycérides et en PAI1 (inhibiteur de l'activateur du plasminogène 1), mais n’affecte pas le cholestérol total, la pression artérielle et la sensibilité à l’insuline (Ebbeling et al., 2005).

Chez 100 adultes obèses suivis sur 5 mois, une alimentation apportant 33 % de l’AET en lipides (glucides 48 % de l’AET, protéines 19 %) diminue la pression artérielle et la triglycéridémie en comparaison avec une alimentation isocalorique pauvre en lipides (22,1 % de l’AET, glucides 65,2 %, protéines 12,9 %) (Muzio et al., 2007).

Sur 8 semaines d’intervention, une alimentation apportant 39 % de l’énergie par des lipides (glucides 43 % de l’AET, protéines 18 %) à même apport calorique qu’une alimentation pauvre en lipides (27 % de l’AET, glucides 55 %, protéines 18 %) améliore la sensibilité à l’insuline d’adultes obèses tolérants au glucose et régularise la glycémie en augmentant la sécrétion d’insuline par les cellules béta du pancréas (Gower et al., 2012, Goree et al., 2011).

L’effet de plusieurs régimes alimentaires a été étudié durant 6 mois chez 131 adultes obèses ayant perdu au préalable plus de 8 % de leur poids (Due et al., 2008). Trois régimes alimentaires ad libitum étaient proposés : restreint en glucides et riche en lipides monoinsaturés (glucides 43,3 % de l’AET, lipides 38,4 %, protéines 15,3 %, 2750 kcal/jour), riches en glucides (57,6 % de l’AET, lipides 23,6 %, protéines 15,8 %, 2510 kcal/jour) et témoin (glucides 49,8 % de l’AET, lipides 32,1 %, protéines 15,9 %, 2600 kcal/jour). Aucun régime n’a permis d’éviter la reprise de poids. Cependant les régimes extrêmes, pauvres et riches en lipides, ont limité la reprise de masse grasse par rapport au régime témoin. Le bilan plasmatique (insulinémie à jeun, score HOMA (Homeostasis Model Assessment of Insulin Resistance) qui permet d’évaluer la résistance à l’insuline), rapport LDL/HDL) était amélioré dans le groupe recevant le régime apportant 38,4 % de l’énergie sous forme de lipides mais détérioré dans les deux autres groupes (Due et al., 2008).

Dans l’essai d'intervention de conseil alimentaire the Women’s Health Initiative Dietary Modification Trial (Etats-Unis), 48 835 femmes ménopausées ont été suivies sur 7,5 ans.

Réduire la part des lipides dans l’alimentation de 38,1 à 29,8 % de l’AET et augmenter les apports en fibres a été corrélé à une moindre prise de poids sur la durée du suivi (Howard, Manson, et al., 2006). Par contre, les deux régimes n’ont pas d’effet sur la glycémie et l’insulinémie à jeun, ni sur le risque de maladies coronariennes, d’infarctus ou de maladies cardiovasculaires (Howard, Van Horn, et al., 2006).

 Conclusion

En accord avec les ANC pour les lipides (Anses, 2011), chez les personnes à dépense énergétique faible à modérée, une alimentation apportant plus de 35 % de l’énergie sous forme de lipides permet de maintenir voire d’améliorer les paramètres lipidiques sanguins en comparaison avec une alimentation en apportant moins de 30 %. Par ailleurs, une telle alimentation ne semble pas augmenter le risque de prise de poids, de diabète de type 2 ou de maladies cardiovasculaires, pour autant que le bilan énergétique soit à l’équilibre.

La limite haute de l’intervalle conseillé a été établie comme valeur prudente sur la base de l’intervalle de moindre risque. En effet, lorsque l’on considère la prévention de l’obésité, du syndrome métabolique et du diabète de type 2, les études disponibles ne montrent pas de contribution de la part énergétique des lipides dès lors qu’elle est inférieure à 40 % de l’AET et que le bilan énergétique est équilibré. En ce qui concerne les maladies cardiovasculaires, des apports lipidiques compris entre 27 et 40 % n’influencent pas le risque cardiovasculaire (Halton et al., 2006). Une autre étude montre même une augmentation du risque liée à la baisse des apports lipidiques de 38 % à 29 % de l’AET chez les femmes ayant des antécédents cardiovasculaires (Howard, Van Horn, et al., 2006, Howard, 2007). Ces résultats sont confortés par les études portant sur des facteurs de risque qui montrent que les régimes à plus de 35 % de lipides sont plus favorables en termes de triglycéridémie, de teneur en HDL-cholestérol, de ratio ApolipoprotéineB/ ApolipoprotéineA1 et de LDL petites et denses (Ebbeling et al., 2007, Gardner et al., 2007, Volek et al., 2009). Certaines données ont même suggéré que la part des lipides pouvait s’élever au-delà de 45 % de l’AET sans effet délétère sur les marqueurs de risque étudiés (Volek et al., 2009, Krauss et al., 2006).

Le consensus prudent du GT sur les ANC a retenu la valeur haute de 40 % en considérant que la surconsommation d’énergie totale est souvent concomitante (mais pas systématiquement), chez l’adulte, d’une surconsommation de lipides. Cette valeur s’applique principalement pour des sujets ayant un NAP modéré et un bilan énergétique équilibré dans le respect des apports conseillés pour les différents acides gras.

Intervalle de référence pour les lipides pour la population générale adulte

Les connaissances et données sur la nutrition lipidique ont beaucoup évolué au cours des quinze dernières années. Les apports recommandés en lipides totaux doivent favoriser à la fois la couverture du besoin en acides gras indispensables et d’une part des besoins énergétiques, et la réduction du risque de maladies chroniques d’origine nutritionnelle. Dans ce cadre, l’optimisation des apports et la réduction des risques conduit à recommander un intervalle de 35 à 40 % de l’énergie totale sous forme de lipides.