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Caractérisation des sondes pyrène-cholestérol

3.1 Études préliminaires des potentialités des sondes

3.1.1 Rappels sur la spectroscopie d’absorption et d’émission du pyrène

Globalement les spectres d’absorption et d’émission de fluorescence du pyrène monosubstitué (cas du Py-céto-chol et du Py-met-chol) sont comparables à ceux du pyrène (fig. 3.1). Cependant, comme cela a été observé pour le 1-méthyl-pyrène (Lianos et Georghiou 1979) ou pour diverses autres substitutions en position 1 (Yao et al. 2005), ils subissent un léger décalage de longueur d’onde vers le rouge (effet bathochrome). Ce phénomène est exacerbé lors d’une double substitution avec, par

exemple, deux chaînes aliphatiques -C21H43 en positions 1/6 ou 3/8 (Brown et al. 2003). D’autre part le

spectre d’émission de fluorescence de ces dérivés pyréniques a une structure vibronique moins fine que celle du pyrène. Les spectres d’absorption et d’émission de fluorescence de la sonde Py-met-chol dans du dioxane sont illustrés dans la figure 3.2 A. Les bandes vibroniques des trois transitions électroniques des états singulets excités (S0->S1, S0->S2 et S0->S3) sont représentées, toutefois l’échelle

d’intensité de la transition S0->S1 est multipliée par 10 afin de la mettre en évidence. En effet cette

transition électronique est interdite pour des raisons de symétrie moléculaire, mais est néanmoins observable car les vibrations moléculaires provoquent des écarts par rapport à la symétrie parfaite. L’intensité des bandes vibroniques de cette transition est d’ailleurs augmentée par les évènements perturbant la symétrie du pyrène, telles les interactions avec des solvants polaires (effet Ham) ou la

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substitution d’un groupe fonctionnel (Lianos et Georghiou 1979). Par conséquent le pyrène et ses dérivés sont généralement excités au niveau d’une des bandes vibroniques de la transition S0->S2, ce

qui donne un déplacement de Stokes d’au moins 30 nm.

250 300 350 400 450 500 550 600 Longueur d'onde (nm) In te n s it é a rb it ra ir e Figure 3.2 A. S0->S3 S0->S2 S0->S1 I1 I3 IE I2 I5 I4 A S0 S1 Sn 0 1 2 3 n

νννν

États singulets

Absorption (10-15 s) Fluorescence (10-10 – 10-7 s) Relaxation vibrationnelle (10-12 – 10-10 s) Conversion interne (10-11 – 10-9 s)

Figure 3.2. (A) Allure des spectres d’absorption (noir) et d’émission de fluorescence (gris) du Py-met-chol à 1 mM dans du dioxane et à température ambiante. Le spectre d’absorption entre 353-389 nm (pointillé) est amplifié 10 fois. (B) Diagramme de Jablonski des états électroniques singulets à l’état fondamental (S0) et

excités (S1 à Sn). Les différents niveaux d’énergie

vibrationnels sont notés ν0 à νn.

Temps caractéristiques B

Le spectre d’émission de fluorescence des sondes Pyrène-cholestérol, au même titre que celui du pyrène, consiste en différentes bandes vibroniques correspondant aux désexcitations radiatives entre le premier état singulet excité et l’état fondamental du monomère de pyrène (S1->S0) et ses niveaux

d’énergie vibrationnels ν (fig. 3.2 A et B). Plus de 16 bandes ont été recensées dans ce spectres du monomère mais seules quelques unes sont suffisamment résolues et ont été notées de I à V (Kalyanasundaram et Thomas 1976). Dans le cas des sondes Pyrène-cholestérol je parlerai des bandes I1 (~376 nm), I2 (~384 nm), I3 (~388 nm), I4 (~393 nm) et I5 (~399 nm). On remarquera que les spectres d’excitation et d’émission ne sont pas l’image miroir l’un de l’autre comme le prévoit le principe de Franck-Condon, selon lequel une transition électronique se produit sans changement des positions des noyaux dans la molécule et son environnement (une transition électronique est un évènement qui prend 10-15 s alors que les vibrations moléculaires se font sur des temps plus longs de l’ordre de 10-10 à 10-12 s). Cette exception est due à la longue durée de vie de l’état excité du monomère de pyrène (plusieurs centaines de nanosecondes), ce qui permet des réarrangements géométriques des noyaux pendant l’état excité du pyrène (Lakowicz 1999).

L’intensité de la bande de plus haute énergie en fluorescence I1 (transition radiative S1ν=0->S0ν=0 ou 0-0) qui coïncide avec la bande de la plus basse énergie en absorption (Bree et Vilkos 1964), est également sensible à la polarité du microenvironnement (Nakajima 1974, 1976). Kalyanasundaram et al. ont montré que la structure vibronique du spectre de fluorescence subissait des perturbations d’autant plus significatives que le solvant utilisé était polaire (moment dipolaire µ grand). Ils ont noté que la bande I1 subissait la plus grande variation d’intensité alors que la bande I3 (transition radiative S1ν=0->S0ν=2 ou 0-2) était relativement insensible à la nature des 39 solvants utilisés. Pour ces auteurs, l’effet dominant ces variations sont les interactions soluté-solvant de type dipôle-dipôle à l’état excité qui perturbent la symétrie de la molécule et donc accroissent l’intensité de la bande I1. Les mêmes comportement spectraux ont été rapportés pour des dérivés du pyrène, tel le 1-méthylpyrène (Lianos et Georghiou 1979a). Depuis il a été montré que ces accroissements d’intensité de la bande I1 étaient la conséquence d’un couplage vibronique entre l’état excité faiblement autorisé S1 et l’état excité fortement permis S2 (Karpovitch et Blanchard 1995). Ainsi la mesure du ratio d’intensité I1/I3 est

utilisée dans de nombreuses études pour rendre compte de la polarité de l’environnement du pyrène ou de ses dérivés dans des solvants ou des membranes biologiques.

Certains fluorophores peuvent s’auto-associer à l’état excité pour former une nouvelle entité, et le pyrène en est un bon exemple. À forte concentration volumique ou surfacique (respectivement en solution ou dans une bicouche lipidique) le pyrène et ses dérivés émettent de la fluorescence aux alentours de 475 nm (fig. 3.2 et 3.3 B). Cette nouvelle bande mal résolue, notée IE, est due à la désexcitation radiative d’un dimère excité. Plus précisément, l’association de deux monomères de pyrène, l’un à l’état excité et l’autre à l’état fondamental forment ce que l’on appelle un excimère (excimère dynamique) : ce terme est l’abréviation de dimère à l’état excité (excited-state dimer) (Birks 1970). L’analyse poussée des durées de vie de fluorescence de l’excimère dans des liposomes de DODAC (chlorure de distearyldimethylammonium) a montré que le processus de formation était assimilable à un phénomène en deux dimensions diffusionnellement contrôlé (Pansu et al. 1993): plus la concentration locale en pyrène augmente, plus la probabilité de former des excimères est grande et plus l’intensité de la bande IE est importante. La mesure du ratio IE/I3 dans des membranes permet donc d’accéder à une information diffusionnelle du pyrène (la bande I3 est uniquement proportionnelle à la concentration en sonde, dans la limite des problèmes de filtre interne). Pour que ce processus ait lieu il faut que les deux molécules de pyrène soient parallèles et à une distance d’environ 0.4 nm l’une de l’autre (Winnik 1993), ce qui explique que les membranes soient un environnement favorisant la formation d’excimères. Par exemple cette propriété a permis de mesurer la diffusion latérale et transversale du 1-palmitoyl-2-pyrènedécanoyl-phosphatidylcholine et de l’acide pyrène- décanoique dans des liposomes de phospholipides ainsi que les températures de transition de phase gel->fluide de ceux-ci (Galla et Hartmann 1980). D’autre part l’excimère montre une certaine sensibilité à la polarité de son environnement, avec un déplacement vers le rouge du spectre d’émission de fluorescence. Ce solvatochromisme évolue linéairement en fonction de la polarité du solvant, mais reste trop faible pour pouvoir travailler dans des environnements plus complexes telles que les membranes biologiques (~7 nm au maximum entre le n-heptane et le diméthylsulfoxide (DMSO)) (Castanheira et Martinho 1994).