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Application : détection de l’activation de récepteurs opioïdes

4.1 Études sur des suspensions cellulaires par spectrofluorimétrie

4.1.2 Effet de ligands sur des cellules sur-exprimant le récepteur δδδδ opioïde murin

4.1.2.1 Effet du NaCl sur la liaison d’agonistes

Les mesures préliminaires des ratios de fluorescence au cours du temps ont été effectuées sur des cellules CHO sur-exprimant de manière stable mDOR (CHO-δ) après ajout de Deltorphine II, un agoniste peptidique. Le tampon de mesure est un tampon Hepes classique contenant du sodium. Les résultats sont illustrés dans la figure 4.2. En ce qui concerne le ratio IE/I3 (fig. 4.2 B) on observe une diminution lente et progressive montrant que la sonde Py-met-chol est de plus en plus diluée dans l’échantillon. À moins qu’il ne s’agisse d’un effet spécifique de l’agoniste (cf. conditions contrôles, paragraphe 4.1.2.2), ce phénomène peut s’expliquer par les mécanismes permanents de recyclage de la membrane plasmique qui internalisent des portions de la membrane plasmique et qui provoquent la fusion de nouvelles vésicules lipidiques avec celle-ci. Lors de l’ajout de la solution de Deltorphine II dans la suspension

cellulaire (1µM, conditions saturantes) on n’observe aucune variation significative du ratio I1/I3 dans la fenêtre d’observation (fig. 4.2 A). Le fait de ne pas observer de diminution de I1/I3 laisse supposer que la liaison de l’agoniste sur le récepteur ne perturbe pas la membrane plasmique ou alors que cette

0.15 0.2 0.25 0.3 0.35 0.4 0.45 -2 -1 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Tem ps (m in) IE /I 3

Figure 4.2. Evolution des ratios I1/I3 normalisé (A) et IE/I3 bruts (B) sur des cellules CHO-δ en suspension après l’ajout (flèche) de Deltorphine II (agoniste). Mesures effectuées à 37°C dans du tampon Hepes contenant 13 7 mM de NaCl. Les barres d’erreur correspondent à la SEM. Les ratios I1/I3 sont normalisés par rapport à la valeur avant l’ajout des différentes solutions. La ligne est là pour guider les yeux.

A B -0.03 -0.02 -0.01 0 0.01 I 1 /I 3 n o rm a li s é

perturbation n’est pas détectée par la sonde. Certaines données de la littérature montrent que le sodium peut se comporter comme un inhibiteur compétitif de la liaison d’un agoniste au récepteur hMOR (Yabaluri et Medzihradsky 1997; Lagane 2001) et est capable d’augmenter l’affinité d’agonistes inverses pour les récepteurs κ, δ et µ opioïdes (Statnick et al. 2003). Par conséquent les ratios I1/I3 et IE/I3 ont été suivi sur le même système mais en l’absence de sodium, remplacé par du chlorure de choline (Yabaluri et Medzihradsky 1997) afin d’optimiser l’efficacité de liaison de la Deltorphine II sur mDOR et ainsi d’augmenter l’effet de l’augmentation d’épaisseur de mDOR sur la membrane plasmique.

4.1.2.2 Résultats

L’évolution des ratios I1/I3 et IE/I3 a donc été suivie sur des suspensions de cellules CHO sur-exprimant ou non mDOR. Différentes conditions ont été testées, à savoir l’activation du récepteur par la liaison de la Deltorphine II, et trois contrôles négatifs : l’effet de la Diprénorphine (un antagoniste alcaloïdique) et l’effet d’une solution tampon sur des cellules CHO-δ et l’effet de la Deltorphine II sur des cellules CHO sauvages n’exprimant pas le récepteur mDOR (CHO- wt). Les résultats sont présentés dans la figure 4.3.

En ce qui concerne les rapports IE/I3 (fig. 4.3 A), on mesure des valeurs initiales moyennes de 0.33±0.05 comparables aux valeurs obtenues dans les LUVs contenant 2

-0.03 -0.02 -0.01 0 0.01 0.02 -1 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Temps (min) I 1 /I 3 n o rm a li s é

Figure 4.3. Évolution des ratios de fluorescence IE/I3 bruts (A) et I1/I3 normalisés (B) du Py-met-chol dans la membrane plasmique de cellules CHO-δ et CHO-wt en suspension. La flèche indique l’addition dans les suspensions de CHO-δ d’une solution tampon (n=9), de Diprénorphine (n=10) et de Deltorphine II (n=11) et dans la suspension de CHO-wt d’une solution de Deltorphine II (n=10). Les ratios I1/I3 sont normalisés par rapport à la valeur avant l’ajout des différentes solutions. Les barres d’erreur correspondent aux SEM de n échantillons. Les mesures ont été faites à 37°C. Les lignes sont là p our guider

B 0.15 0.25 0.35 0.45 IE /I 3 CHO-δ + tampon CHO-wt + agoniste CHO-δ + antagoniste CHO-δ + agoniste A

mol% de Py-met-chol, ce qui est en accord avec le critère de marquage fixé. D’autre part on observe que quelles que soient les conditions, les valeurs de IE/I3 diminuent de manière linéaire au cours du temps. Cela montre que cette diminution n’est pas spécifique, mais correspond bien à une dilution membranaire de la sonde Py-met-chol, probablement provoquée par les mécanismes de recyclage de la membrane plasmique (exocytose et endocytose). Une autre explication à cette dilution pourrait être le passage de la sonde sur le feuillet interne de la membrane plasmique, vu que l’utilisation des MβCD permet de marquer uniquement le feuillet externe. Cependant dans le cas de l’ajout de l’agoniste la diminution de IE/I3 est plus prononcée, ce qui montre qu’un processus supplémentaire a lieu au niveau de la membrane plasmique. Ce processus est probablement l’internalisation du récepteur mDOR provoqué par la liaison de la Deltorphine II (Chu et al. 1997). La désensibilisation du récepteur, intervenant dans des temps très court après la liaison d’un agoniste, peut être une autre explication.

En ce qui concerne les ratios I1/I3 (fig. 4.3 B), les valeurs brutes moyennes mesurées sont comprises entre 2.15 et 2.30, ce qui est supérieur aux valeurs obtenues dans les LUVs (typiquement entre 1.75 et 1.95 pour les membranes phospholipidiques contenant 30 mol% de cholestérol). Cela montre que l’environnement à l’intérieur de la membrane plasmique est plus polaire qu’à l’intérieur des LUVs. Cela peut être la conséquence de la présence dans la membrane plasmique d’atomes polaires au niveau des segments transmembranaires des protéines.

La cinétique des ratios I1/I3 révèle des comportements différents en fonction de la stimulation cellulaire (fig. 4.3 B). Lorsque l’on ajoute l’agoniste dans la suspension de CHO-δ, on observe une diminution significative du ratio I1/I3 pendant les quate premières minutes puis un retour progressif pour atteindre les valeurs initiales après sept minutes suivi d’un plateau. On peut déjà conclure sur la base des expériences précédentes qu’en l’absence de sodium dans le tampon de mesure et en présence d’agoniste, on observe une variation du ratio I1/I3. Cela montre l’effet inhibiteur de cet ion sur la famille des récepteurs opioïdes. De plus dans les trois conditions contrôles, aucune variation significative n’est observée, ce qui montre la spécificité de l’effet de la liaison de la Deltorphine II sur mDOR. Ces résultats permettent de conclure que la membrane plasmique, vue par la sonde, devient globalement moins polaire lors de l’activation de mDOR (c'est-à-dire un changement d’épaisseur de la protéine) qui semble être une force suffisante pour induire une variation locale du contenu lipidique

autour des protéines activées, et notamment du cholestérol. L’aspect biphasique de cette cinétique, et en particulier la remontée du ratio est compatible avec les mécanismes de recyclage membranaire de mDOR (Marie et al. 2003) qui vont modifier l’environnement de la sonde, au point de ne plus détecter la liaison de l’agoniste. On note que l’amplitude de la diminution du ratio I1/I3 est inférieure d’un facteur cinq à celle mesurée dans les membranes modèles. Cela peut se comprendre part le fait que les régions de la membrane plasmique qui subissent une réorganisation lipidique ne recouvrent pas la totalité de la surface cellulaire, mais correspondent uniquement aux zones ou mDOR est exprimé. De plus les variations de la concentration locale surfacique en cholestérol dans la membrane plasmique ne sont pas aussi importantes que celles que l’on a générées dans les milieux modèles. On peut ainsi se demander quelle est l’influence du taux d’expression de mDOR sur l’amplitude de la variation du ratio I1/I3.

4.1.2.3 Effet du taux d’expression du récepteur δδδδ sur l’amplitude du signal mesuré

Les ratios I1/I3 et IE/I3 ont alors été mesurés selon le même paradigme, après ajout d’agoniste (Deltorphine II) ou d’antagoniste (Diprénorphine) dans la suspension cellulaire, mais sur des cellules HEK sur-exprimant de manière stable le récepteur mDOR (HEK-δ). Le taux d’expression a été évalué au préalable à ~4 picomoles de récepteurs par mg de protéines. Il était de l’ordre de ~18 picomoles de récepteurs par mg de protéines pour les cellules CHO-δ. Les résultats des mesures sont illustrés dans la figure 4.4. Concernant l’évolution des ratios IE/I3 (fig. 4.4 A), on observe toujours une diminution constante des valeurs, avec une diminution plus prononcée en présence d’agoniste que d’antagoniste montrant que la liaison de l’agoniste déclenche des évènements biologiques particuliers (internalisation). Pour les ratios I1/I3 (fig. 4.4 B), l’ajout d’antagoniste ne provoque aucune variation alors que l’ajout d’agoniste provoque la même variation biphasique que celle observée pour les cellules CHO-δ, avec également un minimum atteint quatre minutes après la stimulation suivie d’un retour vers des valeurs stables proches des valeurs initiales dés la septième minute. L’amplitude de cette variation est 1.8 fois plus faible que pour les CHO-δ. On remarque qu’il n’y a pas de stricte

proportionnalité entre le taux d’expression de mDOR et l’amplitude du signal observé. Cependant, bien que la composition des membranes plasmiques de ces deux types cellulaires soit différente, ces observations laisse penser que la sensibilité de détection de la liaison de l’agoniste au récepteur mDOR est dépendante du taux d’expression de ce dernier. En effet plus il y a de récepteurs potentiellement activables dans la membrane et plus il y a de régions de la membrane plasmique (et donc plus de molécules de Py-met-chol) qui « verront » les effets de la liaison de l’agoniste sur mDOR. Néanmoins, considérant les barres d’erreur sur les ratios I1/I3, on se trouve dans ce cas à la limite de sensibilité de cette approche pour comparer l’effet de l’agoniste par rapport au contrôle. On peut supposer qu’une étude sur des systèmes cellulaires sans sur-expression d’un

récepteur d’intérêt (avec des taux d’expression moyen de récepteurs endogènes de l’ordre de 0.5 pmoles/mg de protéines) nécessiterait une amélioration du protocole.