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Caractérisation des sondes pyrène-cholestérol

3.2 Comportement des sondes vis-à-vis du cholestérol dans des milieux modèles

3.2.1 Mesure de la perturbation de phase du DPPC induite par la sonde Py-met-chol

L’influence du cholestérol sur les différents états de phase du DPPC a été intensivement décrite ces vingt-cinq dernières années, c’est la raison pour laquelle ce phospholipide a été utilisé pour l’étude comparative Py-met-chol et du cholestérol en DSC et RMN-²H.

3.2.1.1 Étude par calorimétrie différentielle à balayage

La DSC est une technique thermodynamique non invasive très utilisée dans la détermination des diagrammes de phase des lipides dans les membranes modèles et naturelles. On trouve ainsi beaucoup de données sur des mélanges binaires stérols/phospholipides. D’un point de vue général, la température de transition de phase rend compte de l’énergie qu’il faut fournir pour rompre la cohésion moléculaire caractéristique d’un système membranaire dans un état ordonné tel que la phase lβ (phase gel). Cette cohésion est entre autre assurée par les liaisons de faibles énergies au niveau des chaînes hydrophobes (liaisons de Van der Waals). Brièvement, un échantillon d’une suspension de MLVs d’un phospholipide donné est placé dans une capsule scellée et mise dans un des deux fours du calorimètre. Une capsule de référence contenant de l’air et placée dans l’autre four et les deux fours sont maintenus à la même température. Ainsi lorsque qu’une transformation exothermique ou endothermique (c’est le cas de la transition de phase gel-fluide ou lβ-lα, une transition du premier ordre correspondant à la fusion des phospholipides) se produit dans l’échantillon, la chaleur du four est ajustée afin de

compenser la variation d'énergie. La différence de chaleur apportée (∆T), proportionnelle à l’énergie de fusion des phospholipides (∆Hf), est alors directement recueillie en fonction de la température. On

obtient ainsi des endothermes tels que ceux présentés dans la figure 3.10 pour des MLVs de DPPC contenant différentes fractions molaires de cholestérol ou de Py-met-chol. En ce qui concerne les

suspensions multilamellaires de DPPC et de DPPC/cholestérol, les endothermes enregistrés sont en accord avec ceux trouvés dans la littérature (McMullen et McElhaney 1995; Mannock et al. 2006) et présentent une pré- transition à 36°C et une transition de phase gel- fluide vers 41.7°C pour le DPPC seul. Cependant le manque de sensibilité de l’appareil fait que la transition de phase semble disparaître à 20 mol% en cholestérol alors qu’on devrait encore l’observer. Néanmoins la comparaison relative entre le cholestérol et le Py-met-chol par cette technique reste pertinente.

Les résultats montrent que l’augmentation de la concentration en stérols provoque une diminution de la température de transition et la disparition de la pré-transition (fig. 3.10). Cet effet est plus marqué dans le cas du Py-met-chol, avec une température de transition observée à 39.3°C contre 40.3°C pour le cholestérol (à 10 mol% en stérols). Cela s’explique par le fait que ces deux molécules sont plus miscibles dans la phase fluide que dans la phase gel. D’autre part la transition disparaît plus tôt dans le cas de la sonde Py-met-chol (à 15 mol% contre 20 mol% pour le cholestérol) ce qui montre qu’elle favorise légèrement plus la fusion des chaînes acyles. Enfin les deux stérols diminuent l’enthalpie de la transition de manière similaire bien que la coopérativité soit diminuée plus significativement dans le cas de l’ajout progressif de Py-met-chol (élargissement plus important de la transition).

Ces résultats montrent que la sonde Py-met-chol et le cholestérol ont des effets assez comparables

30 35 40 45 50 Temperature (°C) 30 35 40 45 50 Temperature (°C) 0 2.1 5 10 15 20 Cholestérol Py-met-chol

Figure 3.10. Étude comparative de DSC sur des suspensions de MLVs de DPPC contenant 0, 2.1, 5, 10, 15 et 20 mol% de cholestérol ou de Py-met-chol. En haut : thermogrammes, en bas : évolution de l’enthalpie de la transition gel-fluide du DPPC. 0 2 4 6 8 10 -2 0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20 % molaire de stérols dans les MLVs

E n th a lp ie ( K C a l/ m o l) Cholestérol Py-met-chol

inhibant plus efficacement la transition de phase que ne le fait le cholestérol. Par conséquent on peut dire que la présence de la double liaison en position 20 du cholestérol et du groupement pyrène ne perturbe pas autant qu’on pourrait le penser l’influence du cœur stéroïde sur les bicouches lipidiques. Des résultats similaires ont été trouvés en DSC avec le stigmastérol, un stérol naturel différant du cholestérol de part la présence d’une double liaison dans la queue aliphatique (Wu et al. 2006). On peut ainsi conclure que le cholestérol et le Py-met-chol ont un comportement membranaire très proche pour des concentrations faibles (typiquement en-dessous de 5 mol%).

3.2.1.2 Étude par RMN ²H

Les phospholipides peuvent être sélectivement deutérés sur une ou plusieurs positions le long de l’une ou des deux chaînes hydrocarbonées. La résonance magnétique nucléaire du deutérium (RMN- ²H) de ces lipides marqués fournit des informations sur le degré d’organisation moléculaire des chaînes acyles via les éclatements quadrupolaires et le paramètre d’ordre. Il a été montré que l’introduction de ²H le long des chaînes ne perturbe pas la structure et la dynamique des phospholipides et augmente l’intensité du signal, étant donné la très faible abondance naturelle du ²H (0.016%). B0 0 ∆∆∆∆ννννQ 90° Hz ββββ

Figure 3.11. Principe de l’éclatement quadrupolaire d’atome de spin 1 tel que les ²H incorporés dans des phospholipides organisés en liposomes. B0 représente le champ magnétique de l’aimant du spectromètre, ∆νQ est

DPPCd62 DPPCd62 /cholestérol (95 :5) DPPCd62 /Py-met-chol (95 :5) Figure 3.12. Spectres RMN-²H de MLVs de DPPCd62,

DPPCd62/5 mol% de cholestérol et DPPCd62/5 mol% de

Py-met-chol en phase fluide (50°C). Chaque échantillon contient 10 mg de phospholipides. Les MLVs sont dans du tampon MOPS préparé avec de l’eau déplétée en deutérium.

Hz Le deutérium a un spin nucléaire égal à 1, par conséquent l’application d’un champ magnétique sur celui-ci donne naissance à 3 niveaux énergétiques équidistants non dégénérés (-1, 0, +1), autorisant ainsi 2 transitions (+1 ↔ 0 et 0 ↔ -1). Les atomes de ²H possèdent un moment quadrupolaire dû à la distribution asymétrique (non sphérique) des charges dans le noyau. L’interaction quadrupolaire, qui est prédominante, correspond à l’interaction entre

ce moment et le gradient de champ électrique local au niveau du noyau. Il en résulte que les trois niveaux d’énergie ne sont plus équidistants et on observe ainsi deux raies de résonances dans le spectre RMN. L’écartement de ce doublet est appelé écartement quadrupolaire (∆νQ) (fig. 3.11).

Dans une suspension de liposomes, les noyaux de ²H des phospholipides sont orientés selon une distribution sphérique et leur spectre RMN, dit « spectre de poudre » (fig. 3.12), résulte de la superposition de paires de raies de résonance, chacune provenant d’une orientation donnée des noyaux par rapport à la direction du champ magnétique B0 imposé par le spectromètre (angle

β). L’intensité d’une paire de raies de résonance donnée est proportionnelle au nombre de noyaux disposés à l’angle correspondant, et son écartement quadrupolaire est minimal à β = 90° (condition explorée). Dans les membranes modèles multilamellaires en phase fluide, les phospholipides exécutent des mouvements locaux à symétrie axiale telle qu’une rotation autour de l’axe

long de la molécule et une oscillation de cet axe autour de la normale de la bicouche. Ces mouvements affectent les écarts quadrupolaires. La diffusion latérale n’intervient pas dans la réorientation moléculaire pour ce genre de vésicules (diamètre supérieur à 200 nm). La grandeur de ces écarts dépend de la mobilité de liens C-²H : ils sont faibles pour les liens mobiles en bout de chaînes et plus grands pour les lipides à mobilité restreinte situés prés de la tête polaire.

La figure 3.12 montre les spectres RMN-²H acquis à 50°C de MLVs de DPPCd62 (les deux chaînes

acyles sont deutérées) et de DPPCd62 contenant 5 mol% de cholestérol ou de Py-met-chol. À cette

température les MLVs sont en phase fluide puisque le DPPCd62 a une température de transition de

phase inférieure au DPPC, soit d’environ 36°C (Klump et al. 1981). On sait que le cholestérol a la propriété d’ordonner les chaînes acyles des phospholipides, ce qui se traduit par un élargissement du spectre RMN (Sankaram et Thompson 1990; Vist et Davis 1990) car la mobilité des liaisons C-²H d’une partie des chaînes acyles diminue. Dans notre cas cet effet est visible (et du même ordre) aussi bien avec 5 mol% de cholestérol qu’avec 5 mol% de Py-met-chol (fig. 3.12) ce qui montre qu’à ce taux d’incorporation dans les membranes phospholipidiques la sonde influe sur son environnement de la même manière que le cholestérol. Un tel effet a déjà été observé par RMN-²H dans le cas de l’ergostérol, un analogue naturel du cholestérol présentant des différences au niveau du cœur stéroïde et de la queue aliphatique (présence de doubles liaisons), dans du POPCd31 (Hsueh et al. 2007) ce qui

montre la « robustesse » de ce genre de châssis moléculaire dans l’organisation des chaînes acyles.

3.2.2 Effet du taux d’insaturation des chaînes acyles des phospholipides sur la distribution