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Par Raphaël Paul Gustave Magloire 24/09/2019 – Mise à jour 23/12/2019

Dans le document Le Développement d Haïti est Possible (Page 29-33)

Haïti

, après la fin des guerres de l’indépendance (1791-1804), n’a jamais retrouvé sa position dominante dans le commerce international, quand il exportait un peu plus de la moitié du sucre, du coton et du café qui étaient consommés dans le monde. Les plantations avaient été détruites et la nouvelle république indépendante n’avait pas pu trouver sur le marché international les fonds nécessaires pour investir dans la reconstruction des plantations et le conditionnement des denrées afin de les exporter comme au temps de la colonie de Saint-Domingue. Le sucre et le café haïtiens, bien que moindre en quantité, sont restés très en demande sur le marché international, et constituaient encore la base de l’économie haïtienne. Mais, une bonne partie des terres restait en friche, et le reste était occupé par le jardin du paysan, où il cultivait des vivres alimentaires, des légumes et des céréales utilisés pour sa consommation quotidienne. Au fil des ans, la fertilité des sols s’est dégradée par l’érosion et le rendement des cultures est devenu plus faible, tandis que la population augmente rapidement. Le faible rendement des plantations parcellaires et le peu d’investissement dans le secteur agricole sont en grande partie responsables de l’augmentation du prix des produits locaux. Compte tenu que les agriculteurs forment la majorité de la

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population active, leur pouvoir d’achat diminue aussi. Ainsi, l’agriculture qui demeure le secteur le plus important pourvoyeur d’emplois dans le pays, comme elle est pratiquée, ne crée pas vraiment de la richesse, mais bien malheureusement seulement une économie de survie.

On doit noter, au fil des ans, que quelques entreprises ont lancé des initiatives sur de très grandes plantations pour répondre à la demande du marché international. Ce fut le cas pour l’hévéa et le sisal. Les deux ont été détrônés par les produits synthétiques. L’hévéa servait à la production du caoutchouc et une concession à une compagnie étrangère avait permis de lancer des plantations dans le sud du pays. Le sisal était exploité comme fibres naturels, et Haïti était devenu l’un des plus grands producteurs mondiaux. Mais, l’apparition des fibres synthétiques et l’arrivée du Brésil sur le marché avec une très grande capacité commerciale et financière ont fait baisser les prix et réduit à néant la part de marché que le pays avait sur le plan international. A partir du vingtième siècle, des cultures comme la figue banane, la canne-a-sucre, le riz ont été exploitées intensivement sur de grandes plantations. Mais, elles n’ont pas atteint ni l’échelle ni le succès des entreprises de notre voisin, la République Dominicaine, et n’ont pas servi de base au lancement d’une économie agricole moderne qui pourrait créer de la richesse pour le pays. Cependant, le programme lancé par le Président Léon Dumarsais Estimé (1946-1950) pour irriguer plusieurs milliers d’hectares de terre de la Vallée de l’Artibonite, pour la production du riz et des cultures maraichères, a eu un grand impact sur l’économie du pays.

A

u début des années 1980, Haïti produisait encore suffisamment de biens agricoles pour nourrir sa population. Cependant, pas grande chose a été réalisée pour protéger l’agriculture contre les désastres naturels, tels que les inondations, sècheresses et tempêtes qui ravagent les plantations chaque année. Ajouté à tout ça, les problèmes liés à l’instabilité politique et les questions de la propriété foncière dans les zones les plus fertiles ont été des obstacles majeurs au développement de l’agriculture. Ensuite, avec le déclin du pouvoir d’achat, les consommateurs locaux sont très attirés par les produits concurrents à plus bas prix qui viennent de l’extérieur, depuis l’ouverture du marché local à la concurrence internationale. Les gouvernements ont traditionnellement eu recours aux barrières douanières pour protéger la production agricole locale face à la compétition des produits importés. Mais, depuis le début des années 1950, dans le cadre de l’Aide Publique au Développement, ou PL480, Haïti commençait à recevoir l’aide alimentaire des USA à chaque fois que le pays était frappé par un mauvais temps. Ce programme se transforma à partir du début des années 1980 en une aide qui donnait aux pays récipiendaires de l’argent pour acheter des agriculteurs américains, qui produisent à un haut niveau de productivité, qui dépasse de très loin la capacité du système agricole en Haïti. Ce programme exigeait aussi, selon le principe de la libération des marchés qui était encouragée par les Etats-Unis, la réduction des tarifs douaniers en cours dans le pays pour la protection du marché local.

Si dans les périodes de disette les populations appréciaient le prix bas des produits importés, de leur côté les producteurs locaux n’étaient plus compétitifs sur leur propre marché avec tout ce que cela implique pour l’agriculture haïtienne.

Améliorer la capacité de notre agriculture à produire davantage, afin de nourrir la population et pour exporter aura comme premiers impacts d’augmenter le nombre d’emplois, de réduire les dépenses d’importation des produits alimentaires et aussi une réduction sensible de la cherté de la vie. Car, avec une augmentation de la production agricole, les produits auront tendance à devenir moins chers. En effet, les couches les plus pauvres de notre société dépensent plus de

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50% de leur revenu pour se nourrir. Mais, en absence d’une production adéquate, Haïti importe environ 54% des biens alimentaires consommés par la population, car la production agricole a un rendement très faible. C’est en grande partie l’argent transféré par la diaspora qui est dépensé pour l’achat de nourriture. Donc, l’argent que les Haïtiens de la diaspora gagnent dans des conditions très dures et envoient au pays, retourne à l’étranger sans transiter pendant longtemps dans l’économie haïtienne. En mettant en place un système de production agricole idoine, l’argent de la diaspora qui rentre dans la production agricole, servirait à améliorer les conditions de vie des parents que nos compatriotes ont laissés dans le pays, et le pays en entier en profiterait aussi. Une bonne partie de la population vit dans une situation d’insécurité alimentaire. Nous devons ajouter qu’une bonne partie des biens agricoles pourront être produite pour satisfaire aussi les besoins des membres de la communauté haïtienne vivant à l’étranger.

L’agriculture en Haïti est l’ensemble de la production que nous réalisons de façon moderne et traditionnelle sur les 27,500 kilomètres carrés de notre territoire terrestre et sur l’espace maritime qui prolonge notre frontière terrestre. La plus grande partie de l’espace terrestre, qui représente 2, 750,000 hectares de terre est située à 70% en montagne et en des zones de plateaux lavées par l’érosion. Notre agriculture se concentre sur la production de vivres, de céréales (maïs, riz, millet), et des légumes ; d’élevage de volailles de poulet, de bovins, de caprins, de porcins, et des produits dérivés. Dans quelques régions on pratique l’élevage des abeilles. Le miel est exporté en partie et distribué sur le marché local où il concurrence les produits importés en qualité et en prix. Sur le plan forestier, les grandes plantations d’arbres qui servaient de couverture à la culture du café et du cacao ont presque disparu. Le cacao bénéficie actuellement d’une tentative de relance, ainsi que de transformation en chocolat, et d’un effort de commercialisation pour la vente locale et à l’exportation. La canne à sucre, (notre richesse d’antan), subsiste encore, grâce à la production du rhum et du clairin, très consommés localement et qui ont un grand potentiel à l’exportation timidement exploitée. Les plantations de mangues, particulièrement les mangues francisques (un produit d’exportation de plus en plus important) est en train d’apparaitre dans quelques régions du pays. Dans quelques régions (surtout dans le sud) on produit du vétiver pour la production de l’huile essentielle qui est exportée avec un grand succès. Le tabac est toujours très vendu sur le marché local, mais est fortement concurrencé par les produits importés qui rentrent en contrebande.

Très peu de nos produits agricoles sont dominants sur notre propre marché. Ils sont trop chers par rapport aux produits importés, mais conservent encore un label de qualité pour les connaisseurs. Notre production agricole utilise très peu d’engrais et d’insecticides et une grande partie des terres sont capables de satisfaire les normes de l’agriculture biologique, très en demande sur le marché international. Ceci pourrait être éventuellement utilisé dans le cadre d’une stratégie touristique ciblant une clientèle de plus en plus importante. Pour un pays avec environ 1800 kilomètres de côtes, la pêche n’est pas encore exploitée de façon industrielle dans le pays. Pourtant, le Passage du Vent, dans le Nord-Ouest, est le lieu de passage saisonnier d’une grande migration de poissons. Cette ressource est uniquement exploitée par des bateaux de pêche étrangers.

Haïti importe plus de 55% des produits alimentaires que le pays consomme. Mais, le secteur agricole engage plus de 40 % de la population active, et contribue à 20% seulement de la Production Intérieure Brute (PIB). Donc, il pourrait faire partie d’une approche systématique

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pour créer du travail et de la richesse dans le pays. Ceux qui travaillent dans ce secteur ont un revenu de misère et resteront dans la misère sans un vrai changement pour orienter l’économie vers l’exportation et de là obtenir un marché plus important pour nos produits. Il faudra aussi augmenter l’appui donné aux coopératives qui encadrent les entreprises familiales ayant une production très faible, utilisée essentiellement dans la consommation domestique.

Les activités de production agricoles devront être aussi accompagnées d’une grande amélioration au niveau de la conservation et du commerce des produits des plantations et des jardins. Le fait que les produits de la production agricole soient gérés et stockés de façon rudimentaire entraîne des pertes très élevées, au-dessus de 30% dans certains cas. Les prix des produits auront tendance à diminuer avec la réduction des pertes à la récolte et à la vente aux marchés. La multiplication des entreprises de conditionnement et de transformations agroindustrielles joueront un grand rôle dans la conservation des produits agricoles, dans la réduction des pertes et dans l’augmentation de la production. Plus les pertes seront faibles, plus bas seront les prix des produits. Par exemple, quand on considère les produits de la pêche, la faiblesse de la capacité de conservation même en chambre froide, est responsable en grande partie des raretés et des grandes variations dans les prix.

Les fonds qui seraient engagés et le système de taxation qui serait mis en place pour encourager la création de nouvelles entreprises et la croissance dans le secteur agricole vont permettre ainsi de partager les bénéfices de la prospérité économique retrouvée avec ceux qui sont dans la misère, les 63% de nous autres.

Cela devrait être un sujet important à débattre dans le dialogue national.

(A suivre…)

Alors, je vous dis, à un autre soleil!

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Le Développement d’Haïti est Possible

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