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47 Que vous raconter ?

Dans le document Le plus vrai. est l autre (Page 47-52)

Sinon que le petit café du matin Importe plus

Que les éditoriaux des grands journaux

Que vous raconter ? Sinon que dire

Permet de joindre en soi Le temps de l’horloge Et celui de la conscience

Que vous raconter ? Sinon que l’important C’est d’aimer et de vouloir

Que vous raconter ?

Sinon que le tic-tac de la pendule Est un bonheur rare

Et la paix d’exister

Que vous raconter ?

Sinon que seul le silence est grand Et devant l’horizon un corps recueilli

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Vendredi 2 juin 2006

L'ALEPH INFINI

Je m’inclinai et regardai dans ce trou, tellement étrange, trois centimètres à peine de diamètre et une énigme sans fond.

D’abord je ne vis rien, que ce grand vide au-delà du trou, sombre, obscur même. Mon regard s’habitua. Je commençai alors à entrevoir.

Ce fut d’abord une sorte de nuage, qui venait de très loin et qui flottait, de forme très allongée et moutonneuse, le plus souvent blanc et gris, bleu et rose par endroits.

J’aperçu un être vivant étendu sur le nuage, comme sur un matelas. J’étais tranquille, comme lui apparemment était tranquille. J’ai dû manquer de discrétion. Car j’ai vu qu’il m’avait vu. Le nuage s’est rapproché de la cavité de l’aleph. Cet être me regardait et me fixait, regard qui transperçait, qui envoyait des rayons de lumière. Des rayons de mort ou des rayons de vie ?

J’ai voulu fermer ce lieu sans fond avec ma main. Mais mes doigts ont été aspirés dans le vide. Ils ont été précipités à grande vitesse vers les yeux de l’être étrange, sur son nuage.

J’ai vu que c’était un petit gnome, qui toujours me fixait de son curieux regard. Mais j’ai compris que ce regard apeuré était doux et bon. Mais alors, mes doigts risquaient de lui faire mal aux yeux, peut-être les lui crever ?

Mes doigts dessinèrent alors comme un rond de doigts autour du visage du petit être insolite. Mes doigts s’étaient transformés en dix nouveaux petits gnomes qui dansaient autour des yeux du premier d’entre eux. Et ses yeux pleuraient de pluie abondante, d’orage et d’éclairs.

Et les dix petits gnomes se mettaient aussi à pleurer. Le ciel était immense et noyé par des milliers, puis des millions de larmes.

La pluie devint moins intense. Bientôt elle cessa. Le soleil m’apparut. Ils étaient bien onze petits génies à présent.

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Le onzième était en position, et en tenue, de goal d’une équipe de foot. Et les autres se distribuaient les fonctions : la ligne avant et ses buteurs, les milieux de terrain et les défenseurs,

Mais il n’y avait pas de ballon. Peut-on jouer sans ballon ? Je cherchai des yeux l’autre équipe. Elle arrivait. D’autres petits génies aux formes tout autant surprenantes, mais ils étaient rouges, alors que les miens étaient bleu. Mais il n’y avait toujours pas de ballon.

J’entrevis l’univers immesuré, plus et mieux que la terre, des myriades de terres, de planètes et d’étoiles, par constellations à l’infini.

Un bruit strident, terrible, violent, et grandiose secoua le cosmos dans ses profondeurs. Une planète émergea au milieu de ce paysage inouï d’au-delà des limites : c’était un ballon rond.

Le jeu commença. Je n’avais jamais vu un match aussi enlevé et aussi joyeux.

Leur était-il beaucoup donné donc parce qu’ils avaient beaucoup pleuré et qu’ils avaient su attendre…le ballon rond ?

Mes amis mystérieux étaient-ils humains ? Et nous, le sommes-nous ?

N’y a-t-il pas cette étrangeté en moi, qui seule me permet de me reconnaître ? Deux êtres ne m’habitent-ils pas, le même et l’autre ? Et le plus vrai des deux, ne serait-ce pas l’autre, le petit gnome en moi et son énigme ?

Qui m’apprend que pour bien vivre, la voie est sortir d’ici et de viser loin, au delà même du moi et du toi, cette troisième dimension où se dépassent les ego, vers le vaste monde et le Tout-Autre? S’aimer ne serait plus se regarder sans bouger, mais courir vers plus loin que soi, sans trop se poser les questions des gens sérieux et raisonnables. Le chemin le plus court vers soi-même serait le détour par l’autre, l’ailleurs et l’inconnu, où se mêlent la belle gravité responsable et la fête joyeuse ?

Comment transmettre aux amis l'Aleph infini que ma craintive vision embrasse à peine ?

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Vendredi 23 juin 2006

NAISSANCE

18 août 1943. Quatre heures de l’après-midi. 84 ( ?) rue des arènes à Dole. L’immeuble qui fait l’angle entre la rue de Arènes – c’est l’extrémité de la rue – et l’avenue de Paris. Mes parents habitent ici depuis peu, avec leurs trois enfants : Rolande, Gérard et Jean-Marie. Ils arrivent de Montbéliard, où mon père était magistrat. Il vient d’être nommé juge au tribunal de Dole. Ai-je été conçu à Montbéliard, ou dans le hameau des Seignottes, au pays de Maîche ? Dans le monde encore paisible d’une ferme plutôt riche du Haut Doubs, ou dans une vieille ville austère, devenue industrielle, où les allemands contraignent mon père à rendre la justice. Il y avait des juifs parmi les prévenus. Que sont-ils devenus ?

On m’a souvent raconté que j’ai laissé passer la date prévue : une, deux, trois semaines de retard, ou plus ? Mais lorsque le moment est venu, je n’ai pas su attendre davantage. C’est venu si vite que mon père a envoyé d’urgence ma sœur Rolande chercher la sage-femme, madame Richard, qui habitait au milieu de la Grande Rue. Rolande a couru à perdre haleine dans les rues de la ville. Mais madame Richard est arrivée trop tard. J’étais déjà sorti en hâte. Mon père a dû me baptiser lui-même. - baptême sous condition – curieuse expression qu’il m’a souvent répétée. Sous condition de quoi 1?

1En droit canonique, il est dit que " Le baptême devant être unique, un prêtre célèbre un baptême sous condition lorsqu’il ignore si une personne est ou non déjà valablement baptisée. Ex : cas d’un enfant abandonné ou ondoyé " (Dictionnaire de droit canonique). L’expression de mon père avait sans doute un sens différent, mais, par analogie, sans doute faut il comprendre qu’il me baptisait dans l’éventualité où je ne pourrais pas être baptisé par un prêtre, si je venais à mourir.

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Sans doute ne voulais-je pas sortir d’un lieu si doux et de si grand bien-être. Je savais probablement que c’était la guerre au dehors. Elle était terrible sur les champs de batailles, dans toute l’Europe. En France l’occupation était féroce, avec une milice française complice. A Auschwitz des êtres humains en grand nombre étaient humiliés jusqu’à la mort. Les bébés en leur mère savaient peut-être.

Mais déjà il me fallait décider. Attendre, c’était beau et prudent. Mais, passé un certain délai, c’était le risque de ne jamais vivre. Naître dans un monde de mal, ou ne pas naître, c’était la question. La décision prise, l’exécution fut immédiate, et même précipitée. J’ai gardé cela depuis. On m’invite à aller plus vite. Mais quand je décide, c’est souvent rapide, et parfois dénué de ménagements. Dès l’origine, la gestion du temps me fut problématique.

Il y eut peu de visiteurs auprès de ma mère, car mes parents ne connaissaient encore presque personne à Dole. Une seule visite peut-être : madame Amoudru, la femme du Président du Tribunal. Savez-vous ce qu’elle à trouver à dire à ma mère ? Que j’avais « une grosse caboche »… Non, mais des fois ! Ma mère en avait été un peu vexée…

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vendredi 23 juin 2006

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