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2 R´ ecurrences pour les coefficients de Tchebychev

Les outils th´eoriques d´evelopp´es dans le chapitre 4 nous permettent de prouver le morphisme qui envoie les op´erateurs diff´erentiels lin´eaires en des fractions d’op´erateurs de r´ecurrence lin´eaires. Les num´erateurs de ces fractions nous donnent les r´ecurrences satisfaites par les coefficients des s´eries de Tchebychev solutions d’´equations diff´erentielles.

Les algorithmes deviennent faciles par la suite, les difficult´es algorithmiques ´etant concentr´ees dans l’algorithme d’Euclide ´etendu (algorithme 4.3 page 58) du chapitre pr´ec´edent.

2.1 Morphisme

Nous d´efinissons un morphisme de Q-alg`ebre de Q(︀𝑥⌋︀∐︀𝜕𝑥; Id, 𝑑⇑𝑑𝑥̃︀ dans le corps des fractions d’op´erateurs de𝑄(𝑛)∐︀𝑆𝑛, 𝑆𝑛1;𝑆𝑛̃︀par

𝜙(𝑥) =𝑋∶=1

2(𝑆𝑛+𝑆𝑛1), 𝜙(𝜕𝑥) =𝐷∶= (𝑆𝑛1𝑆𝑛)1(2𝑛).

La preuve que 𝜙 est un morphisme d’anneaux non commutatif bien d´efini se r´eduit `a valider la commutation 𝜙(𝜕𝑥𝑥) =𝜙(𝑥𝜕𝑥+1). Et en effet,

𝑋𝐷+1= 1

2(𝑆𝑛+𝑆𝑛1)(𝑆𝑛1𝑆𝑛)1(2𝑛) +1

= (𝑆𝑛1𝑆𝑛)1(𝑆𝑛+𝑆𝑛1)𝑛+1

= (𝑆𝑛1𝑆𝑛)1(((𝑛+1)𝑆𝑛+ (𝑛−1)𝑆𝑛1) + (𝑆𝑛1𝑆𝑛))

=𝐷𝑋.

2.2 R`egle d’Horner et algorithme de Lewanowicz

2. R´ECURRENCES POUR LES COEFFICIENTS DE TCHEBYCHEV 89

Proposition 5.3. Soit 𝐿=𝑝𝑘(𝑥)𝜕𝑥𝑘+ ⋯ +𝑝1(𝑥)𝜕𝑥+𝑝0(𝑥) un op´erateur diff´erentiel lin´eaire dans Q(︀𝑥⌋︀∐︀𝜕𝑥; Id, 𝑑𝑑𝑥̃︀. L’´evaluation de 𝜙(𝐿) par la m´ethode d’Horner

𝜙(𝐿) = (⋯(𝑝𝑘(𝑋)𝐷+𝑝𝑘1(𝑋))𝐷+ ⋯ )𝐷+𝑝0(𝑋),

en utilisant les formules (4.14) page 70 et (4.15) page 71 pour le calcul des sommes et des produits, fournit une fraction 𝑄1𝑃 qui est irr´eductible.

L’algorithme d´eduit de cette assertion (algorithme 5.1) est d^u `a Lewanowicz. Il est rendu tr`es clair par l’utilisation des op´erateurs de r´ecurrence. La preuve que le num´erateur retourn´e par cet algorithme donne une r´ecurrence pour les coefficients de Tchebychev est donn´ee dans la prochaine section.

D´emonstration. On prouve que chaque it´eration de la boucle produit des op´erateurs 𝑃 et𝑄 tels que gcld(𝑃, 𝑄) =1 et :

𝑄1𝑃=∶𝑀𝑖=𝜙(𝑝𝑘(𝑥)𝜕𝑘𝑖+ ⋯ +𝑝𝑖).

`A l’initialisation, 𝑖=𝑘et 𝜙(𝑝𝑘(𝑥))est un polyn^ome, on a donc 𝑄=1 et la propri´et´e est v´erifi´ee. Si c’est vrai pour𝑀𝑖, la prochaine ´etape de la boucle calcule𝑄1𝑃 𝐷+𝑝𝑖1(𝑋). Comme𝐷= (𝑆𝑛1𝑆𝑛)1(2𝑛), nous avons

lclm((𝑆𝑛1𝑆𝑛), 𝑃) = (𝑆𝑛1𝑆𝑛)

𝑃𝑃 = (𝑃)𝑆

𝑛−1𝑆𝑛

(𝑆𝑛1𝑆𝑛). Le lemme 4.45 page82 appliqu´e `a l’inverse de(𝑆𝑛1𝑆𝑛)𝑃1𝑄implique alors que

gcld((𝑆𝑛1𝑆𝑛)𝑃𝑄,(𝑃)𝑆

𝑛−1𝑆𝑛

) =1. Il suit que

gcld((𝑆𝑛1𝑆𝑛)𝑃𝑄,(𝑃)𝑆

𝑛−1𝑆𝑛

+ (𝑆𝑛1𝑆𝑛)𝑃𝑄𝑝𝑖1(𝑋)2 𝑛) =1.

Encore par le lemme4.45appliqu´e `a l’inverse, multiplier par 2𝑛`a droite pr´eserve l’irr´eductibilit´e et la propri´et´e est v´erifi´ee pour 𝑀𝑖1.

Nous citons sans preuve le r´esultat suivant.

Proposition 5.4 ([Lew76]). Quand le coefficient de t^ete 𝑝𝑘(𝑥) de l’´equation diff´erentielle ne s’annule ni en1ni en−1, alors tous lesgcrdsont triviaux (donc leslclmsont maximaux), 𝑄=𝐷𝑖 `a l’´etape 𝑖 et le r´esultat 𝑄 est 𝐷𝑘.

Pour se donner une id´ee de l’importance du fait que le coefficient de t^ete de l’´equation diff´erentielle ne s’annule pas en ±1, on peut remarquer que 4(𝑋2−1) = (𝑆𝑛1𝑆𝑛)2, donc

(𝑋2−1)𝐷=1

2(𝑆𝑛1𝑆𝑛)𝑛.

Le gcrd entre le num´erateur de (𝑋2−1)et𝐷 est alors non trivial.

2.3 D´eveloppement en s´erie de Tchebychev

Th´eor`eme principal pour le calcul des r´ecurrences

On prouve maintenant notre principal r´esultat pour le calcul des r´ecurrences de Tche-bychev : le morphisme d´efini ci-dessus se comporte comme attendu avec les s´eries de Tchebychev.

Th´eor`eme 5.5. Soit𝐿=𝑝0(𝑥) + ⋯ +𝑝𝑘(𝑥)𝜕𝑥𝑘 un op´erateur diff´erentiel lin´eaire `a coefficients polynomiaux d’ordre 𝑘. Soit 𝑓 ∈ 𝒞𝑘(⌋︀−1,1(︀) telle que l’une des hypoth`eses suivantes est v´erifi´ee :

1

1

𝑓(𝑘)(𝑥)

⌋︂1−𝑥2𝑑𝑥 est convergente ; (H)

1

1

(1−𝑥2)𝑘𝑓(𝑘)(𝑥)

⌋︂1−𝑥2 𝑑𝑥 est convergente et (1−𝑥2)𝑖⋃︀𝑝𝑖, 𝑖=0, . . . , 𝑘. (H’) Alors𝑓 admet un d´eveloppement en s´erie de Tchebychev𝑢𝑛𝑇𝑛,𝐿𝑓 admet un d´eveloppement en s´erie de Tchebychev𝑣𝑛𝑇𝑛 et les suites 𝑢 et 𝑣 sont li´ees par 𝑃1𝑢𝑛=𝑃2𝑣𝑛, pour tout (𝑃1, 𝑃2) tel que 𝑃21𝑃1 =𝜙(𝐿). En particulier, si 𝐿𝑓 =0, alors les coefficients de Tchebychev de 𝑓 satisfont 𝑃1𝑢𝑛=0 pour tout num´erateur de 𝜙(𝐿).

Remarque 5.6. La r´ecurrence d´eduite d’une ´equation diff´erentielle comme dans le th´eor`eme5.5est appel´ee la r´ecurrence de Tchebychev.

Le cas facile est quand (H) est vraie. L’hypoth`ese (H’) rend possible de travailler avec certaines fonctions qui sont singuli`eres en ±1, mais avec une singularit´e pas trop m´echante : c’est un point singulier r´egulier.

D´emonstration. Premi`erement, la convergence de l’int´egrale en (H) ou (H’) implique la convergence de l’int´egrale similaire o`u 𝑓(𝑘) est remplac´e par𝑓(𝑖) pour𝑖=𝑘−1, . . . ,0 aussi bien que des int´egrales o`u ces fonctions sont multipli´ees par𝑇𝑛(𝑥), 𝑛∈N. Ceci montre qu’`a la fois 𝑓 et𝐿𝑓 admettent des d´eveloppements en s´erie de Tchebychev.

Si le r´esultat est vrai pour tout num´erateur de𝜙(𝐿)alors il est vrai en particulier pour le num´erateur de sa forme irr´eductible. Inversement, si𝑃1⋅𝑢𝑛=𝑃2𝑣𝑛, alors𝑅𝑃1𝑢𝑛=𝑅𝑃2⋅𝑣𝑛 pour tout 𝑅, il est donc suffisant de prouver le r´esultat pour la forme irr´eductible de 𝜙(𝐿). Lemme 5.7 (Cas basique). Sous les m^emes hypoth`eses, le r´esultat est vrai lorsque 𝐿 est une constante multipli´ee par l’identit´e, 𝐿=𝑥, 𝐿=𝜕𝑥 si (H) est vraie, 𝐿= (1−𝑥2)𝜕𝑥 si (H’) est vraie.

D´emonstration. Si𝐿=𝜆est une constante multipli´ee par l’identit´e alors𝑃1=𝜆,𝑃2=1 et 𝑣𝑛=𝜆𝑢𝑛 v´erifient la proposition clairement.

2. R´ECURRENCES POUR LES COEFFICIENTS DE TCHEBYCHEV 91

Si𝐿=𝑥, l’´equation (5.2) implique

variante qui peut ^etre v´erifi´ee par (2.9) page 20. La continuit´e de 𝑓 et la convergence des int´egrales de (H) impliquent que l’int´egration par partie est possible et elle donne

𝑢𝑛= 2

Par la convergence de l’int´egrale (H), les deux limites des termes entre les crochets sont nulles

Le cas o`u𝑛=0 se r´eduit `a v´erifier que𝑣1 =𝑣1, ce qui est vrai, les suites de coefficients de Tchebychev ´etant sym´etriques (voir proposition 2.12 page23).

Si𝐿= (1−𝑥2)𝜕𝑥 et (H’) est vraie, on part de (−2⌋︂

1−𝑥2𝑇𝑛(𝑥))=

(𝑛+1)𝑇𝑛+1(𝑥) − (𝑛−1)𝑇𝑛1(𝑥)

⌋︂1−𝑥2 .

Un argument similaire au pr´ec´edent donne (𝑛+1)𝑢𝑛+1− (𝑛−1)𝑢𝑛1= 2

Lemme 5.8 (Produit). Supposons que le r´esultat est vrai pour 𝐿2 avec 𝑓, ainsi que pour un autre op´erateur 𝐿1 avec 𝐿2𝑓. Soit 𝜙(𝐿1) = 𝑃21𝑃1 et 𝜙(𝐿2) = 𝑄21𝑄1, ces fractions ´etant irr´eductibles. Soit lclm(𝑄2, 𝑃1) = (𝑄2)𝑃1𝑃1 = (𝑃1)𝑄2𝑄2, supposons que ((𝑄2)𝑃1𝑃2)1(𝑃1)𝑄2𝑄1 est irr´eductible. Alors le r´esultat est vrai pour 𝐿1𝐿2 avec 𝑓.

D´emonstration. Soient les suites 𝑣, 𝑤, 𝑢 li´ees par𝑃1𝑣=𝑃2𝑤,𝑄1𝑢=𝑄2𝑣. Alors (𝑄2)𝑃1𝑃2𝑤= (𝑄2)𝑃1𝑃1𝑣= (𝑃1)𝑄2𝑄2𝑣= (𝑃1)𝑄2𝑄1𝑢,

d’o`u le r´esultat.

Par cons´equence, le r´esultat est vrai quand 𝐿=𝜆𝑥𝑖 est un mon^ome.

Lemme 5.9 (Somme). Supposons que le r´esultat est vrai pour un op´erateur 𝐿 avec 𝑓 et pour un polyn^ome 𝑝 avec le m^eme 𝑓. Alors il est vrai pour 𝐿+𝑝 avec 𝑓.

D´emonstration. Soit 𝜙(𝐿) =𝑃21𝑃1 la repr´esentation irr´eductible. Si 𝑃1𝑢 =𝑃2𝑣, 𝑤 = 𝑝(𝑋) ⋅𝑢, alors

𝑃2⋅ (𝑣+𝑤) = (𝑃1+𝑃2𝑝(𝑋)) ⋅𝑢.

Ceci prouve la propri´et´e pour𝐿+𝑝 puisque gcld(𝑃2, 𝑃1+𝑃2𝑝(𝑋)) =gcld(𝑃2, 𝑃1) =1.

Le r´esultat est maintenant ´etabli pour𝐿 un polyn^ome arbitraire, comme somme de ses mon^omes.

Soient finalement 𝜃=𝜕𝑥 si (H) est vraie et𝜃= (1−𝑥2)𝜕𝑥 si (H’) l’est. Dans les deux cas,𝐿peut se r´e´ecrire𝑞𝑘(𝑥)𝜃𝑘+ ⋯ +𝑞0(𝑥) avec les polyn^omes𝑞𝑘, . . . , 𝑞0. L’hypoth`ese sur𝑓 implique que le r´esultat est vrai pour 𝐿 = 1 avec 𝜃𝑖𝑓 pour 𝑖 = 0, . . . , 𝑘 et aussi pour 𝐿=𝑞𝑖(𝑥) avec 𝜃𝑖𝑓 par le lemme5.8.

Soient 𝐿𝑘 =𝑞𝑘(𝑋) et 𝐿𝑖 =𝐿𝑖+1𝜃+𝑞𝑖 pour 𝑖=𝑘−1, . . . ,0. Soit 𝜙(𝐿𝑖) = 𝑃(2,𝑖1)𝑃(1,𝑖) la repr´esentation irr´eductible. On prouve par r´ecurrence que le r´esultat est vrai pour𝐿𝑖 avec 𝜃𝑖𝑓. Pour 𝑖= 𝑘, le r´esultat vient juste d’^etre prouv´e. Si le r´esultat est vrai pour 𝐿𝑖+1

avec𝜃𝑖+1𝑓, alors on obtient la fraction irr´eductible𝑃(2,𝑖1+1)𝑃(1,𝑖+1)𝜙(𝜃) : quand 𝜃=𝜕𝑥 cela d´ecoule du lemme5.8, tandis que lorsque𝜃= (1−𝑥2)𝜕𝑥,𝐿𝑖+1 est lui m^eme un polyn^ome (par r´ecurrence).

Ainsi le r´esultat est vrai pour 𝐿𝑖+1𝜃avec 𝜃𝑖𝑓. Comme il est aussi vrai pour 𝑞𝑖(𝑥)avec 𝜃𝑖𝑓 et que𝑞𝑖(𝑥)est un polyn^ome, on obtient le r´esultat pour leurs sommes par le lemme5.9.

Ainsi par r´ecurrence le r´esultat est prouv´e pour 𝐿0 avec 𝑓, ce qui conclut la preuve du th´eor`eme5.5.

Exemples

Exemple 5.10. La fonction exp(𝑥)satisfait (H) pour tout𝑘. Ceci prouve la r´ecurrence (5.6) calcul´ee dans l’exemple5.2.

Exemple 5.11. La fonction(1−𝑥2)14est annul´ee par 2(1−𝑥2)𝜕𝑥𝑥. l’hypoth`ese (H) n’est pas v´erifi´ee, mais (H’) l’est. L’application du morphisme donne𝑃1= (2𝑛+3)𝑆𝑛2− (2𝑛+1), 𝑃2= −2𝑆𝑛, de sorte que le th´eor`eme affirme que les coefficients de Tchebychev satisfont

(2𝑛+3)𝑐𝑛+2= (2𝑛+1)𝑐𝑛. (5.7) 2. R´ECURRENCES POUR LES COEFFICIENTS DE TCHEBYCHEV 93

Les valeurs de ces coefficients peuvent ^etre calcul´ees par les propri´et´es classiques des int´egrales Beta et en effet

𝑐𝑛= )︀⌉︀

⌉︀⌉︀

⌋︀

⌉︀⌉︀

⌉︀]︀

0 si 𝑛est impair,

(𝑛2+14)

⌋︂𝜋Γ(𝑛2+34) sinon.

Exemple 5.12. La fonction arccos𝑥 donne un exemple qui montre que les hypoth`eses analytiques (H) ou (H’) sont n´ecessaires. Cette fonction est annul´ee par𝐿= (1−𝑥2)𝜕𝑥2𝑥𝜕𝑥. Une application directe du morphisme donne les op´erateurs 𝑃1 = 𝑛2, 𝑃2 = 1, lesquels pourraient sugg´erer que la r´ecurrence est 𝑛2𝑐𝑛 =0. Cependant, ni (H) ni (H’) ne sont v´erifi´ees dans ce cas. La multiplication de 𝐿 par(1−𝑥2) donne un nouvel op´erateur tel que (H’) est v´erifi´ee. Alors le th´eor`eme prouve que les coefficients sont annul´es par

(𝑛+4)2𝑆𝑛4−2(𝑛+2)𝑆𝑛2+𝑛2. (5.8) Cette r´ecurrence est v´erifi´ee par les coefficients de Tchebychev qui valent :

𝑐𝑛= )︀⌉︀

⌉︀⌉︀

⌉︀

⌋︀

⌉︀⌉︀

⌉︀⌉︀

]︀

𝜋 si𝑛=0,

0 si𝑛>0 est pair,

𝑛42𝜋 sinon.