2. Facteur neurotrophique issu du cerveau
2.6. Rôles du BDNF
2.6.2. Rôles du proBDNF
Le pro‐BDNF interagit avec les récepteurs p75NTR (Lee et al., 2001) et cette interaction engendre des effets opposés à ceux du mBDNF avec le récepteur TrkB. L’interaction pro‐ BDNF/ p75NTR est à l’origine de l’inhibition de la prolifération, de la migration et de la différenciation des cellules souches neurales mais également du nombre de neurones, d’oligodendrocytes et d’astrocytes différenciés (Li et al., 2017). De plus, plusieurs études ont montré que cette interaction était impliquée dans des processus de mort cellulaire, de LTD et d’élimination synaptique des jonctions neuromusculaires (Je et al., 2012). Mais il a également été mis en évidence que le pro‐BDNF est délétère lors d’une lésion de la moelle épinière car il diminue la migration et l’infiltration des macrophages dans la lésion (Wong et al., 2010). Le pro‐BDNF joue plusieurs rôles in vivo : il régule la structure hippocampique, la transmission et la plasticité synaptique. Il régule négativement la complexité et la densité des épines dendritiques dans l’hippocampe (Yang et al., 2014). Cependant, le pro‐BDNF peut être nécessaire pour le développement et la régulation des synapses GABAergiques (Langlois et al., 2013).
2.6.2.1. ProBDNF et mort cellulaire
Lee et collaborateurs ont trouvé que les ligands qui avaient une forte affinité pour p75NTR étaient les formes non clivées des neurotrophines : les proneurotrophines. Ils ont montré que l’interaction de ces proneurotrophines avec le récepteur p75NTR conduisait à la mort cellulaire. Cet effet est opposé à celui des neurotrophines matures qui, en se liant aux récepteurs Trk, induisent la survie des cellules (Lee et al., 2001). Comme vu précédemment, le récepteur p75NTR peut former des complexes avec la sortiline, et l’interaction entre le pro‐ domaine du BDNF et le complexe p75NTR /sortiline provoque la mort neuronale. En effet, si l’on bloque cette interaction sur des cultures de neurones sympathiques, alors l’action pro‐ apoptotique du pro‐BDNF est stoppée (Figure 32; Teng et al., 2005). Cette interaction entre le pro‐BDNF et les récepteurs p75NTR/sortiline augmente la mort de plusieurs types cellulaires dont les neurones en développement (Li et al., 2017), les cellules de Schwann (Teng et al.,
75 Introduction : Facteur neurotrophique issu du cerveau
Figure 32: Le pro‐BDNF augmente la mort neuronale via une interaction avec les récepteurs p75NTR/Sortiline. Cultures de neurones sympathiques de rat incubés avec du NGF, du mBDNF ou du
pro‐BDNF pendant 48h. A) Une immunocytochimie contre Tuj1 (en rouge ; pour détecter les
neurones), DAPI (en bleu ; pour voir les noyaux) et une analyse TUNEL (en vert ; afin de voir les cellules
en apoptose) sont effectuées. B) Le NGF et le mBDNF diminuent la mort neuronale contrairement au
pro‐BDNF qui l’augmente (barres noires). En présence d’un antagoniste de la sortiline: la neurotensine,
l’effet délétère du pro‐BDNF est complètement inhibé (barres blanches). C) Le pro‐BDNF induit une
mort neuronale contrairement aux neurones non traités ou traités avec du NGF (barres noires). Chez
des souris dépourvues p75NTR (p75 null) la mort neuronale induite par le pro‐BDNF est complètement
restaurée (barres blanches) (Teng et al., 2005).
2.6.2.2. ProBDNF et LTD
Contrairement au mBDNF, le pro‐BDNF pourrait faciliter la dépression synaptique via p75NTR. Toutefois de manière intéressante, les premières études sur le pro‐BDNF ont montré que des souris déficientes en récepteurs p75NTR présentaient des déficits d’apprentissage et de mémoire lors des tests comportementaux tels que : la piscine de Morris, le test d’évitement et dans des tâches d’habituation. Ceci montre que la signalisation induite par le récepteurs p75NTR pourrait être impliquée dans la modulation de la plasticité synaptique
(Peterson et al., 1999). Dorénavant, il est évident que l’interaction pro‐BDNF/ p75NTR régule la
LTD (Figure 33; Woo et al., 2005). Dans cette étude, des expériences de microscopie
76 Introduction : Facteur neurotrophique issu du cerveau
hippocampiques CA1. Ce qui soulève la possibilité que l’interaction entre le pro‐BDNF et les récepteurs p75NTR pourrait avoir lieu directement au niveau des neurones post‐synaptiques CA1. Chez des animaux déficients en p75NTR, la LTD (induite par un train prolongé de stimulations à basse fréquence) est complètement absente au niveau des synapses CA1 de l’hippocampe contrairement aux animaux sauvages (Rösch et al., 2005; Woo et al., 2005). Ce déficit de LTD chez ces animaux est dépendant des récepteurs NMDA et il faut noter que les autres formes de plasticité synaptique, incluant la LTP dépendante des récepteurs NMDA
(Rösch et al., 2005; Woo et al., 2005) et la LTD indépendante des récepteurs NMDA (Woo et
al., 2005), sont normales chez ces souris déficientes en p75NTR. Le rôle de p75NTR dans la dépression synaptique semble impliquer la sous‐unité GluN2B des récepteurs NMDA, une molécule clé dans les mécanismes de LTD (et non dans les mécanismes de LTP) (L. Liu et al.,
2004; Massey et al., 2004). Woo et collaborateurs ont également trouvé, par des techniques
d’immunohistochimie et d’immuboblots, une réduction significative de l’expression de la sous‐unité GluN2B des récepteurs NMDA chez les animaux déficient en p75NTR au niveau de l’hippocampe. De plus, des expériences d’enregistrement sur cellules entières montrent une forte réduction des courants synaptiques médiés par GluN2B dans les neurones CA1 des souris déficientes en p75NTR. Finalement, l’application de pro‐BDNF sur des tranches de cerveau de souris sauvages augmente les courants synaptiques médiés par GluN2B. L’induction de la LTD par le pro‐BDNF est inversée par un antagoniste de la sous‐unité GluN2B (Figure 33). De plus, l’ajout exogène d’un pro‐BDNF non clivable en mBDNF sur des tranches de cerveau de souris sauvages augmente la LTD (Woo et al., 2005). Tous ces résultats indiquent que, d’une part, le pro‐BDNF active les récepteurs p75NTR pour augmenter la LTD‐hippocampique et que, d’autre part, ce mécanisme est dépendant de la présence de la sous‐unité GluN2B des récepteurs NMDA.
77
Introduction : Facteur neurotrophique issu du cerveau
Figure 33 : Le pro‐BDNF augmente la LTD hippocampique grâce aux récepteurs p75NTR et NMDA composés de la sous‐unité GluN2B. A) Coupes hippocampiques de cerveau de souris âgées de 7‐8 semaines présentant des niveaux normaux de LTD (control), et la présence de pro‐BDNF (proBDNF) induit une LTD robuste. La LTD induite par le pro‐BDNF est inhibée par un blocage de la fonction des récepteurs p75NTR (B, REX) ou GluN2B (C, Ifenprodil) (Woo et al., 2005).