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Rôle du sol dans les émissions de gaz à l’atmosphère

1.1. Importance de l’interface sol-atmosphère pour les émissions de gaz

1.1.3. Rôle du sol dans les émissions de gaz à l’atmosphère

À travers tous les exemples énoncés précédemment (Tableau I-1), il apparaît que les flux de gaz à l’interface sol-atmosphère constituent des enjeux importants. Ces gaz concernés peuvent l’être en quantités très variables. Ils peuvent être générés dans les sols superficiels (par exemple les émissions de CO2 issues de la respiration des sols ou de CH4 issues de la fonte du permafrost) ou plus profondément dans le sous-sol (gaz issus d’essais nucléaires souterrains ou de la séquestration du CO2). Dans tous les cas, ils traversent au moins en partie le sol non saturé en eau avant d’être émis dans l’atmosphère. Comme présenté dans les contextes ci-dessus, les flux de gaz à l’interface sol-atmosphère sont difficilement mesurables et interprétables.

Les flux de gaz sont dépendants à la fois de la source du gaz ainsi que de leur moteur de migration. Ces deux caractéristiques, qui ont à la fois des dimensions spatiales et temporelles, varient selon les contextes d’étude. La taille caractéristique de l’objet d’étude peut être (Figure I-3 et Tableau I-1) : l’échelle métrique (Zhang et al., 2020) à hectométrique d’un sol contaminé aux COV ou d’un essai nucléaire souterrain (Carrigan et al., 2020) ; l’échelle kilométrique du volcanisme, des réservoirs de stockages de CO2 (Romanak et al., 2014), des parcelles agricoles ou forestières, jusqu’à l’échelle globale (émissions de gaz à effet de serre (Chen et al., 2020), fonte du permafrost (Schuur et al., 2015), cycle du carbone et de l’azote (Davies-Barnard et al., 2020), évapotranspiration et effets sur le climat). Les échelles de temps auxquelles il est pertinent d’étudier les flux de gaz sont également

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très diverses : de la journée (cycle respiration/photosynthèse (Han et al., 2020), évapotranspiration, évènements météorologiques (Marchado et al., 2016)), jusqu’à plusieurs dizaines voire centaines d’années (fonte du permafrost (Schuur et al., 2015), fuite d’un stockage de CO2, sols contaminés). Une autre notion de temporalité à prendre en compte dans une étude de flux de gaz se trouve dans le fait que les émissions de gaz peuvent être continues au cours du temps ou discontinues en suivant des cycles de différentes durées (pompage barométrique à l’échelle journalière (Mourzenko et al., 2014), activités magmatiques à l’échelle mensuelle (Boudoire et al., 2017), gel et dégel à l’échelle saisonnière (Zhang et al., 2020)).

Les moteurs de ces flux peuvent être diffusifs ou advectifs. Le transport diffusif intervient lorsqu’il y a un gradient de concentration entre deux zones pour un élément chimique donné. Le transport advectif intervient lorsqu’il y a un gradient de pression entre deux zones (Tableau I-1). Cependant selon les conditions, il peut arriver qu’un flux de gaz passe de diffusif à advectif et inversement. Pour cela, nous pouvons citer deux exemples : (i) les variations de teneur en eau dans les zones non-saturées peuvent changer la pression de la phase gaz dans les sols en augmentant ou réduisant le volume poral disponible pour le gaz, (ii) les variations rapides et d’amplitudes significatives de la pression barométrique créent des gradients de pression entre le sol et l’atmosphère avant qu’elle ne s’homogénéise, produisant ainsi le transport par pompage barométrique.

La diversité des facteurs caractérisant ou influençant les flux de gaz complique l’interprétation des mesures faites sur le terrain. La taille de la porosité et l’existence de chemins préférentiels, variables d’un sol à un autre, peuvent influencer la migration du gaz. Le degré de saturation en eau de la porosité du sol contrôle les chemins et les vitesses de migration. De plus, les conditions appliquées à la surface du sol sont variables dans le temps (pression barométrique, pluie, évaporation/évapotranspiration, température), tout comme l’activité des organismes du sol. En particulier, les processus physiques, chimiques et biologiques peuvent être directement responsables d’une émission de gaz (respiration, oxydation de matière organique, etc.) ou indirectement en modifiant le milieu poreux (perméabilité modifiée par les réseaux racinaires, changement de la répartition de l’eau, etc.). À cette dynamique viennent aussi s’ajouter les réactions biogéochimiques dépendantes des conditions du sol (teneur en eau, pH, aérobie/anaérobie, chimie des minéraux) amenant soit à : (i) émettre directement des gaz d’intérêt, (ii) émettre ou retenir indirectement des gaz d’intérêt en modifiant le milieu poreux par dissolution/précipitation par exemple. Tous ces processus possibles et leurs conséquences sont résumés dans la figure I-5 et le tableau I-2. Cette figure a pour but de montrer qu’une mesure ponctuelle est dépendante de la zone qui lui est associée et que d’une mesure à l’autre il est possible d’avoir des réponses en flux de gaz différentes en fonction du contexte. J’ai représenté 3 contextes

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différents et simplifiés d’un milieu poreux non-saturé en eau : (A) homogène, (B) avec la présence de plantes, (C) avec la présence de fractures/chemins préférentiels. Selon la zone étudiée sur le terrain, ces trois contextes peuvent être présents et sont donc à prendre en compte lors de l’interprétation des mesures de flux de gaz.

Figure I-5 : Représentation des différentes réponses d’un système à des variations environnementales pouvant influencer un flux de gaz émis à la surface. Trois contextes différents d’un même milieu poreux sont représentés en trois zones : (A) le milieu homogène simple, (B) le milieu avec la présence de plantes, (C) le milieu avec la présence de fractures. Chaque zone aura des réponses différentes aux différentes variations physiques, chimiques et biologiques en fonction de leurs caractéristiques. Cette différence de réponses, propres aux différentes régions, fait qu’il est difficile d’intégrer dans l’espace et dans le temps des mesures de flux de gaz effectuées à la surface en fonction de la taille du terrain étudiée.

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Tableau I-2 : Sensibilité aux variations environnementales des différentes zones (A ,B et C) présentées dans la figure I-5.

Variations environnementales ZONE A

Milieu homogène ZONE B Présence de plantes ZONE C Présence de fractures Pression barométrique + ++

Influence de la zone racinaire modifiant la perméabilité du milieu

Possibilité de pompage barométrique

+++

Influence forte des fractures sur la perméabilité du milieu

Pompage barométrique fort probable Précipitation / évaporation + Modification de la porosité, perméabilité et tortuosité

relative aux gaz

+++

Influence importante des plantes sur le drainage et l’évapotranspiration Impact des plantes sur les variations

de teneurs en eau, de la porosité, perméabilité et tortuosité relative

aux gaz

+

Modification de la porosité, perméabilité et tortuosité

relative aux gaz

Dissolution + Dépendance du traceur et de la teneur en eau + Dépendance du traceur et de la teneur en eau + Dépendance du traceur et de la teneur en eau Cycle de lumière + Variations de température liées aux rayonnements du

soleil

+++ Partie aérienne :

Cycle respiration / photosynthèse & évapotranspiration

+

Variations de température liées aux rayonnements du

soleil

Biogéochimie organique

+

Dépendance des micro-organismes présents Influence des conditions

aérobies ou anaérobies

+++

Respiration racinaire importante Dépendance des micro-organismes

présents

Influence des conditions aérobies ou anaérobies

+

Dépendance des micro-organismes présents Influence des conditions

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