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Chapitre 3 : La Sirtuine 3

D- Rôle de SIRT3

1- SIRT3 dans le métabolisme énergétique et la production d’ATP

De nombreuses études ont suggéré que la SIRT3 serait impliquée dans la production d’ATP par la

mitochondrie, via la régulation de la chaîne respiratoire mitochondriale. De plus, une étude réalisée

sur des souris SIRT3 KO a montré une réduction de presque 50% des taux d’ATP dans des tissus qui physiologiquement présentent de forts taux d’ATP (cœur, foie, rein et muscle squelettique), et dans lesquels la SIRT3 est fortement exprimée (Ahn et al., 2008; Lombard et al., 2007). Par exemple il a été mis en évidence que l’expression de SIRT3 restaure totalement les taux d’ATP cellulaire dans des MEFs SIRT3 KO (Ahn et al., 2008).

Il est probable que la SIRT3 régule les taux d’ATP via la régulation du complexe I. En effet,

plusieurs sous-unités du complexe I présentent une hyper-acétylation en l’absence de SIRT3. En outre, Ahn et al. ont pu démontrer que SIRT3 interagit directement avec la sous-unité NDUFA9 du complexe I, et l’incubation de mitochondries avec la SIRT3 exogène augmente l’activité du complexe I (Ahn et al., 2008). Comme mentionné précédemment, la sous-unité SDHA de la SDH (complexe II) est une cible de la SIRT3. Enfin, les souris SIRT3 KO présentent une activité réduite des complexes III et IV en réponse à un régime riche en gras et la SIRT3 interagit physiquement avec les protéines du complexe V (Finley et al., 2011a; Kendrick et al., 2011). En plus de réguler directement l’activité de la chaîne respiratoire, SIRT3 participe à la production de cofacteurs réduits grâce à l’activation de SDH et ICDH2, isoenzyme de l’ICDH dépendante du NADP (Nicotinamide adénine dinucléotide phosphate).

SIRT3 participe également au flux de substrats dans la voie oxydative. Les souris SIRT3 KO présentent une hyper-acétylation inactivant la GDH (Lombard et al., 2007). Il a également été montré que SIRT4 régulait la GDH, suggérant que ces deux sirtuines coordonnent la régulation de la GDH (Haigis et al., 2006).

Une autre voie possible de régulation de la production d’ATP, dans le cœur, se fait via la régulation de l’AMPK. En effet, il a été montré en 2010 que la SIRT3 déacétyle et active LKB1 (Liver Kinase B1) dans le cœur, qui a son tour active l’AMPK, qui active des voies cataboliques favorisant la production d’ATP et inhibant les voies de consommation de l’ATP (Pillai et al., 2010b).

Globalement, la SIRT3 contrôle le taux d’ATP mitochondrial directement en régulant l’activité de la chaîne respiratoire mitochondriale. Toutefois, certains sites du contrôle du catabolisme par la SIRT3 ont été identifiés en amont de la chaîne respiratoire. Le contrôle du flux respiratoire mitochondrial par la SIRT3 direct ou indirect entraine des conséquences sur la production d’espèces réactives de l’oxygène et pourrait à terme influencer de nombreux processus cellulaires. Ces mécanismes sont résumés Figure 9.

2- SIRT3 dans la modulation des ROS et du stress oxydant

Les dysfonctions du métabolisme énergétique mitochondrial sont responsables de la majorité du stress oxydant cellulaire, avec la formation de ROS. Ainsi, les mitochondries ont développé de nombreux mécanismes afin de limiter le stress oxydant et de maintenir l’homéostasie cellulaire. SIRT3 serait responsable du maintien du niveau de ROS cellulaire en activant les défenses anti-oxydantes (Bell and Guarente, 2011), principalement la glutathione peroxydase. Afin de détoxifier les cellules des ROS, la glutathione peroxydase réduit le glutathione oxydé (GSSG) en glutathione réduit (GSH), requérant des niveaux élevés de NADPH. Le pool de NADPH est majoritairement renouvelé

lors de la conversion de l’isocitrate en α-cétoglutarate par l’ICDH2 (Someya et al., 2010). Différentes

études de restriction calorique ont démontré que l’activation de la SIRT3 entrainerait une déacétylation et activerait ainsi l’ICDH2 (en K211 et K212), entrainant ainsi une élévation des taux de NADPH afin de limiter le stress oxydant et ses conséquences (Someya et al., 2010).

Une autre enzyme particulièrement importante dans la régulation du stress oxydant est la superoxyde dismutase (SOD). Chez l’homme, trois isoformes de SOD sont exprimées (SOD1-3). SOD1

et 3 sont exprimées au niveau du cytosol et dans l’espace extracellulaire et contiennent du zinc, alors que SOD2 est exprimée dans la mitochondrie et contient du manganèse (MnSOD) (Luk et al., 2003). Il a été montré que SIRT3 interagissait directement avec SOD2, permettant sa déacétylation en K122 ce qui entrainerait l’activation de SOD2 (Tao et al., 2010). Par la suite, de nombreuses études ont découvert de nouveaux site de déacétylation de SOD2 par la SIRT3 (K53, K89, K68) (Chen et al., 2011; Qiu et al., 2010). La déacétylation de SOD2 ou d’ICDH2 par SIRT3 résulterait donc en une activation des défenses anti-oxydantes provoquant ainsi une réduction des taux de ROS cellulaires.

La SIRT3 régulerait les ROS cytoplasmiques en régulant l’activité du complexe III. En effet, dans un modèle de délétion de SIRT3, l’acétylation du complexe III de la chaine respiratoire est augmentée. Le complexe III aurait pour rôle de libérer des ROS dans la matrice mitochondriale et dans le cytoplasme (Muller et al., 2004). Enfin, SIRT3 interviendrait également dans la régulation du

cycle du l’urée via la déacétylation de l’OTC (Hallows et al., 2011). L’activation de l’OTC par SIRT3

favoriserait l’élimination du stress oxydant provoqué par l’ammonium. Ces mécanismes sont résumés Figure 9.

Etant donné l’impact des ROS et du stress oxydant dans le vieillissement cellulaire, il apparait clair que la SIRT3 peut jouer un rôle non négligeable dans le vieillissement et son évolution.

jk O2 -H202 H20 SOD2 GSH GSSH NADPH NADP+ N IDH2 H2 H H GPx H GSR Glutamate α-cétoglutarate GDH NH3 Urée OTC SDH AcétylCoA Acétate AceCS2 Acides gras LCAD Cétones HMGCS2 β-oxydation Production ROS Détoxification ROS Métabolisme acides aminés Cycle urée Cycle Krebs Métabolisme acétate Cétogénèse Voie métabolique Cible directe de SIRT3

Figure 9 : Schéma représentant les principales cibles de la SIRT3 ainsi que les voies métaboliques associées. Adapté de Giralt et Villaroya (2014). En bleu sont représentées les voies métaboliques mises en jeu, et en rose les cibles directes de SIRT3 dans le métabolisme et la production des ROS.

3- SIRT3 dans l’apoptose

Plusieurs études semblent suggérer le rôle de SIRT3 comme un agent anti-apoptotique. En effet, SIRT3 protégerait de l’apoptose induite par les agents génotoxiques en maintenant le pool de NAD+

via la Nampt (Finkel et al., 2009). Le mécanisme mis en jeu dans la protection contre l’apoptose reste

à éclaircir. Toutefois, il a été également démontré que la déacétylation de Ku70 par SIRT3 avait un rôle protecteur vis-à-vis du stress génotoxique et de l’apoptose induite par le stress oxydant dans un modèle de cardiomyocytes néonataux de rat (Sundaresan et al., 2008).

En conditions pro-apoptotiques, la translocation de Bax à la mitochondrie provoque la libération du cytochrome c, qui active la caspase 9. La caspase 9 active ensuite la caspase 3 qui résulte en l’induction de l’apoptose. SIRT3 régulerait ce mécanisme en favorisant la séquestration de Bax avec

Ku70 dans le cytoplasme (Sundaresan et al., 2008). En effet, seule la forme déacétylée de Ku70 aurait la capacité de séquestrer Bax.

Comme nous l’avons déjà décrit, SIRT3 déacétyle également la CypD, régulateur majeur du mPTP, inhibant ainsi l’ouverture du mPTP et donc limitant le phénomène de mort cellulaire en conséquence (Hafner et al., 2010).

4- SIRT3 dans la biogénèse mitochondriale

La biogénèse mitochondriale est notamment régulée par un co-activateur transcriptionnel

nommé Peroxisome proliferator-activated receptor gamma coactivator 1-alpha (PGC1α). Celui-ci

active des facteurs de transcription tels que les nuclear respiratory factor 1 et 2 (NRF1 et 2), qui activeront eux-mêmes le facteur de transcription mitochondrial A et la biogénèse mitochondriale

(Jornayvaz and Shulman, 2010). Ce phénomène semble être régulé par SIRT3, via PGC1α (Lomb et

al., 2010). En effet, SIRT3 augmente l’expression de PGC1α de manière indirecte, comme par

l’activation de l’AMPK et le cyclic AMP response element binding protein (CREB), qui en conséquence activent la transcription de gènes impliqués dans la biogénèse mitochondriale (Giralt et al., 2011; Kong et al., 2010). AMPK peut être activée par une élévation du ratio AMP/ATP due à l’activation de l’AceCS2 par SIRT3 par exemple (Hallows et al., 2006).