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Chapitre 1 : Infarctus du myocarde et cardioprotection

B- Lésions de reperfusion

Figure 1: Schéma représentant les principales modifications au sein du cardiomyocytes au cours de l'ischémie.

B- Lésions de reperfusion

La désocclusion coronaire permet de rétablir rapidement le flux sanguin dans la zone ischémiée, c’est ce qu’on appelle la reperfusion. Bien que nécessaire afin de sauver le tissu ischémié, la reperfusion du myocarde entraine paradoxalement un aggravement des désordres cellulaires provoqués lors de l’ischémie. Le temps d’ischémie détermine l’étendue des principales modifications intracellulaires et ainsi les lésions de reperfusion a posteriori (Davies, 1977). Les lésions de reperfusion sont des lésions de gravité variable des cardiomyocytes qui avaient souffert auparavant, au moment de l’ischémie (Braunwald and Kloner, 1985; Kloner, 1993). Dans certaines circonstances, il a été suggéré que les lésions de reperfusion pouvaient être à l’origine de 30 à 50% de la taille d’infarctus finale. La délimitation précise entre lésion ischémique et de reperfusion reste toutefois

difficile, puisque la gravité des lésions de reperfusion est dépendante de la phase ischémique (figure 2). La reconnaissance de l’importance de ces lésions de reperfusion dans la taille de l’infarctus a permis des études poussées sur le sujet, afin de déterminer les voies de signalisations mises en jeu au cours de la reperfusion, dans le but de découvrir des cibles thérapeutiques contre l’apparition de ces lésions (Garcia-Dorado et al., 2009).

Figure 2 : Graphique de la mortalité cellulaire a cours du temps lors d’une ischémie reperfusion. Lors de la phase ischémique se développent les lésions ischémiques entrainant la mort des cellules (zone bleue). Si cette ischémie n’est pas stoppée, la mort cellulaire va atteindre jusqu’à 100% des cellules de la zone concernée (courbe pointillée). Dans le cas d’une reperfusion, la mortalité cellulaire augmente, du fait des lésions de reperfusion, puis se stabilise (zone rouge). L’ensemble

de la mortalité cellulaire provoquée par les lésions ischémiques et les lésions de reperfusion déterminent la taille

d’infarctus finale (zones rouge et bleue). Adapté de (Hausenloy and Yellon, 2013).

Seront décrites ici les altérations cellulaires provoquées par la reperfusion (pour résumé voir figure 3) :

- Production rapide d’ATP : La restauration rapide du flux sanguin et le retour de l’oxygène

répondre à la demande énergétique du cœur, permettant ainsi le fonctionnement des enzymes ATP-dépendantes. Ceci entraine une élimination du lactate et un retour au pHi physiologique. Toutefois, ce retour rapide à la normale pourrait être la cause d’hyper-contractures (Piper and García-Dorado, 1999).

- Gonflement osmotique et œdème : Lors de l’ischémie, l’accumulation des produits du

métabolisme anaérobie entraine une augmentation de la pression osmotique, accentuée par la perte du potentiel transmembranaire (Garcia-Dorado et al., 2012). Ceci entraine un gonflement des cardiomyocytes, dû à l’arrivée massive du sang dans le myocarde (Braunwald and Kloner, 1985). La régulation homéostasique du gonflement cellulaire provoque un efflux de sodium ainsi qu’un influx de calcium, aggravant le phénomène de surcharge calcique (Hoffman et al., 2004). De plus, il a été montré qu’un gonflement cellulaire excessif peut aussi être à l’origine de la mort cellulaire (Kloner, 1993).

- Surcharge calcique : La concentration calcique intracellulaire est à la fois importante dans la

survie du cardiomyocyte et dans sa fonction durant la reperfusion. Après une ischémie modérée, l’homéostasie cellulaire dépendant de l’ATP qui se remet en place au moment de la reperfusion et permet de rétablir la concentration calcique à son niveau pré-ischémique et ainsi de préserver la survie et la fonction contractile cellulaire (Braunwald and Kloner, 1985). Après une ischémie plus sévère, les lésions de la membrane cellulaire combinées avec la régulation homéostasique en réponse au gonflement cellulaire entrainent une surcharge calcique intracellulaire et intra-mitochondriale via le MCU, provoquant la mort cellulaire (Crompton and Costi, 1988; Vermeiren et al., 2000). Le phénomène de mort cellulaire causé par la surcharge calcique mitochondriale sera développé plus en détail.

La surcharge calcique associée à la restauration rapide du pHi peut provoquer une contraction excessive des cardiomyocytes, ce qu’on appelle hyper-contracture, qui, si elle se

prolonge, peut provoquer la mort cellulaire par une fragilisation de la membrane plasmique. Ce phénomène provoque également la mort des cellules adjacentes par des altérations mécaniques et la mise en contact de fortes concentrations calciques (Hoffman et al., 2004; Piper and García-Dorado, 1999).

- Accumulation de ROS : Le taux de ROS (espèces réactives de l’oxygène), particulièrement

l’anion supeorxide (mais aussi des ions hydroxyls, et le peroxynitrite), est augmenté lors de la phase de reperfusion, de par la présence d’oxygène, associée à une dysfonction de la chaine respiratoire et une défaillance des défenses anti-oxydantes. Cette production de ROS serait également due à l’accumulation de succinate lors de la phase ischémique, du fait de l’inversion de l’activité de la succinate déshydrogénase. En effet, lors de la reperfusion, le succinate est rapidement oxydé par la succinate déshydrogénase de la chaine respiratoire et entraine la production excessive de ROS par le rétro-transport d’électrons du complexe II au complexe I (Chouchani et al., 2014). L’accumulation des ROS est exacerbée par l’élimination des défenses anti-oxydantes par le retour du flux sanguin lors de la reperfusion, ainsi que par la production des ROS des cellules inflammatoires s’infiltrant dans le myocarde (Braunwald and Kloner, 1985). Les dommages oxydatifs (peroxydation lipidique, dénaturation protéique, altération de l’ADN…) provoquées par les ROS peuvent engendrer la mort cellulaire, en plus des effets spécifiques au niveau mitochondrial qui seront discutés plus tard.

Switch métabolique

Oxydatif Glycolytique

méta

Production ATP Fonction canaux ATP dép.

Elimination lactate Retour pH physiologique Accumulation Ca2+ cytoplasmique Gonflement osmotique Efflux Na+ Influx Ca2+

Hyper-contracture Fragilisation membranes

Mort cellulaire Accumulation Ca2+ mitochondriale Production ROS Peroxydation lipides Dénaturation protéines Altération ADN Inflammation ctio anau tion phy ulati cont F Mort cell A Inflamm olytique on ROS Glyco TP Productio olyt ctio atio Mort cell nt osmotique ux N Fon Re

Figure 3: Schéma résumant les principales modifications au sein du cardiomyocyte au cours de la reperfusion.