Les RTKc-KIT (dont le ligand est le KITL ou SCF) et c-MET (dont le ligand est HGF ou SF) ont
été impliqués dans le mélanome.
c-KIT
Comme mentionné plus haut, ce récepteur joue un rôle critique dans la physiologie du
mélanocyte, influençant la mélanogénèse, la prolifération, la migration et la survie des cellules
pigmentaires. En particulier, son rôle est crucial pour la migration et la survie des mélanoblastes
embryonnaires
(111).
Dans la mélanotumorigénèse, le rôle de c-KIT est par contre loin d’être clair. Certains suggèrent
que cette voie de transduction signalétique joue un rôle dans la prolifération des cellules
mélanomateuses et considèrent c-KIT comme un oncogène important dans le mélanome, agissant
par le biais d’amplifications géniques (région chromosomique 4q12) ou de mutations activatrices
mises en évidence dans certains mélanomes
(112-115). Pour d’autres, il semblerait que la prolifération
des cellules mélanomateuses soit devenue indépendante de cette voie de transduction, voire
diminuée par l’activation de c-KIT. Ce point justifierait la diminution d’expression de c-KIT
c-KIT dans le mélanome pourrait entrainer l’apoptose des cellules tumorales via une signalisation
aberrante
(116).
c-MET
c-MET est en général fortement exprimé dans le mélanome, surtout métastatique, et les gains de
la région chromosomique 7q33-qter (où c-MET réside) semblent être un événement tardif dans la
progression du mélanome
(64). Des souris transgéniques exprimant de manière constitutive et
ubiquitaire HGF (ligand de c-MET) supportent le rôle de la signalisation médiée par c-MET dans
la progression tardive du mélanome, puisqu’elles développent, après une longue latence (et avec
une faible pénétrance), des mélanomes d’emblée métastatiques
(64). Ces souris transgéniques ont
représenté le premier modèle expérimental supportant l’hypothèse que les coups de soleil reçus
dans l’enfance représentent le facteur de risque majeur dans le développement des MC. En effet,
et à l’inverse de l’irradiation chronique par les UV qui reste sans effet, l’irradiation des
nouveaux-nés transgéniques par une dose aigue d’UV suffit à induire un MC après une latence beaucoup
plus courte et avec une forte incidence
(18,117).
En plus de stimuler la prolifération et la motilité des cellules mélanocytiques en culture, le
système HGF (ou SF) - c-MET diminue l’adhésion entre les mélanocytes et les kératinocytes via la
diminution de la E-cadhérine et de la Desmogléine-1
(64). La capacité du système HGF (ou SF) -
c-MET à stimuler la croissance invasive des cellules mélanomateuses en culture semble être médiée
par MITF (dont c-MET est une cible transcriptionnelle), puisqu’elle est abolie lorsque l’on
supprime MITF
(6).
I.4.3.2. p16
INK4Aet la voie pRB
Déjà évoqué plus haut, p16
INK4Aest le premier membre identifié de la famille des « inhibiteurs de
CDK » (CKI) INK4 (comprenant également les CKI p15
INK4B, p18
INK4Cet p19
INK4D), dont le rôle est
d’inhiber l’association entre CDK4/6 et les cyclines D, bloquant donc la phosphorylation de pRB.
La protéine pRB joue un rôle fondamental de gardien (« gatekeeper ») d’un point de
transition-clef de la cellule : le point de restriction (point R), qui engage la cellule de façon irréversible vers
la phase S de synthèse d’ADN
(65). Dans les cellules normales, l’entrée en phase S corrèle avec
l’inactivation fonctionnelle de pRB par phosphorylation médiée par les CDK. A l’état
hypophosphorylé (lorsque les CDK sont inactivées par exemple par des CKI tels p16
INK4A), pRB
maintient les cellules en phase G1 en réprimant la transcription des gènes E2F-dépendants requis
pour la transition vers la phase S
(65)(Figure 5b).
L’inactivation de la voie pRB est cruciale pour la genèse de la plupart des cancers, et peut
résulter
(65):
- d’une inactivation directe de la protéine : par mutation inactivatrice (rétinoblastome, carcinome
pulmonaire à petites cellules), ou par séquestration de pRB par des oncoprotéines virales
(carcinomes cervicaux associés aux papillomavirus de types 16 et 18).
- d’une altération des composants régulant la phosphorylation de pRB durant la phase G1 :
amplification génique de CCND1 (cancer de l’œsophage, du sein), amplification génique de
CDK4 (glioblastome multiforme), mutation activatrice de CDK4 (mélanome), perte de p16
INK4A(mélanome, cancer du pancréas, cancer de la vessie).
En dehors de son rôle déjà discuté dans la susceptibilité familiale au MC, l’inactivation de p16
INK4Aest une altération somatique fréquente dans le MC, puisque le gène codant pour p16
INK4Aest muté
ou délété dans la majorité (de l’ordre de 70%) des lignées cellulaires de mélanome et dans de
nombreux échantillons de mélanome (de l’ordre de 50% des mélanomes primaires)
(118). Hormis
les mutations inactivatrices ou les délétions, la méthylation de la région promotrice de p16
INK4Aa
également été décrite à l’origine de la perte de fonction de cette protéine
(119). Les UV ont été
incriminés par certains dans la genèse des mutations de p16
INK4Apuisque ces mutations consistent
le plus souvent en transitions C>T ou CC>TT. Néanmoins, ce même spectre de mutations est
retrouvé dans les gliomes qui n’ont aucun lien avec l’exposition solaire
(20,62,95).
D’après plusieurs études, la perte d’expression de p16
INK4Asemble corrélée avec plusieurs
paramètres défavorables comme une plus grosse épaisseur tumorale, un indice de Clark plus
élevé, un plus grand taux de mitoses, un plus grand indice de prolifération et une survie moins
bonne
(118).
Le rôle de p16
INK4Adans l’initiation et le développement précoce du mélanome est sujet à débat.
Ce rôle parait nul ou maigre d’après l’étude de l’expression de p16
INK4Adans les naevi (dans
lesquels l’expression de p16
INK4An’est pas diminuée) et dans les mélanomes in situ (expression pas
ou peu altérée) ; ce qui semble paradoxal avec l’identification de mutations germinales de p16
INK4Achez des patients souffrant de mélanome familial
(118).
Dans la cellule naevique, l’augmentation d’expression de p16
INK4Aliée à l’activation de la voie
RAS/RAF/MEK/ERK (MAPK) permet de limiter la prolifération cellulaire et de maintenir le
statut bénin de la tumeur
(120). Par contre, si la fonction de p16
INK4Aest perdue, l’augmentation
d’expression de la Cycline D1 secondaire à l’activation de ERK peut suffire à lever l’inhibition de la
prolifération générée par p21
WAF1/CDKN1A (l’expression de p21
WAF1/CDKN1A étant également
induite par l’activation de ERK)
(95). Comme mentionné plus haut, bien qu’une caractéristique des
gènes suppresseurs de tumeur soit le besoin de perdre les 2 copies « sauvages » du gène pour
permettre le développement d’un phénotype malin, dans le cas de p16
INK4A, certains ont montré
que la perte d’un seul allèle permet déjà à la cellule d’échapper à la sénescence
(68).
I.4.3.3. p14
ARFet la voie P53
Au même titre que pRB, P53 exerce un rôle fondamental (« gatekeeper ») dans le contrôle de la
prolifération cellulaire, et le développement de la plupart des cancers nécessite l’inactivation
fonctionnelle de ces 2 voies
(65,118).
La protéine P53 est habituellement présente en très faibles quantités dans la cellule (turnover
rapide), et est activée (accumulation et activation de la protéine) en réponse aux dommages à
l’ADN
(65). La protéine P53 peut alors à son tour activer ses effecteurs d’aval comme
p21
WAF1/CDKN1A, qui entraine un arrêt du cycle cellulaire en phase G1, empêchant la réplication
de l’ADN abîmé, et permettant la réparation des dommages à l’ADN. Alternativement, si le
dommage est trop important, l’apoptose est induite
(118). Outre ces effets généraux, P53 joue aussi
un rôle dans la différentiation mélanocytique puisqu’elle induit la transcription de TYR et TYRP-1
en réponse aux UV, favorisant de la sorte la synthèse d’eumélanine au détriment de la phéomélanine
(18)
.
p14
ARF, en empêchant la dégradation de P53 médiée par MDM2, joue un rôle majeur dans
l’activation de P53 en réponse au stress
(65,118). Dans le mélanocyte normal, le taux de P53 résulte
d’un équilibre entre sa diminution médiée par MDM2 (dont la transcription est activée par ERK)
et son augmentation médiée par p14
ARF(dont la transcription est également activée par ERK)
(95)(Figure 5c).
La perte de fonction de P53 permet la réplication de cellules dont l’ADN est lésé, conduisant à
l’accumulation d’altérations génétiques contribuant potentiellement à la tumorigénèse
(118).
A l’opposé de ce que l’on observe dans la majorité des cancers, il semble que des mutations
inactivatrices de P53 soient un événement plutôt rare dans le mélanome
(118). Dans la cellule
mélanocytique tumorale, la combinaison de l’activation de la voie RAS/RAF/MEK/ERK
(MAPK) (par la présence d’une mutation du gène BRAF par exemple) et la perte de fonction de
p14
ARF(souvent consécutive à une délétion emportant le locus complet codant à la fois pour
p16
INK4Aet p14
ARF) peuvent conduire à une inactivation de la voie P53 via l’augmentation
(quantitative et fonctionnelle) de MDM2, ce qui explique probablement la faible incidence des
mutations ciblant directement le gène P53
(95). Cependant, quand elles sont présentes, il s’agit dans
la moitié des cas de mutations compatibles avec les altérations générées par les UVB
(20).
I.4.3.4. MITF
Comme déjà mentionné plus haut, le rôle de MITF dans la mélanotumorigénèse est complexe et
dépend probablement du contexte cellulaire.
D’un côté, MITF joue le rôle d’un proto-oncogène : il est amplifié dans 10-20% des mélanomes,
surtout métastatiques, où l’amplification de MITF parait être associée à une survie moins bonne
(6). MITF participe probablement dans ce cas à la prolifération cellulaire accrue via l’activation
transcriptionnelle de BCL2, TBX2, de l’hypoxia inducible factor 1 α (HIF1α, médiateur clef de la
réponse transcriptionnelle à l’hypoxie), et de c-MET. Cependant, dans la majorité des mélanomes,
l’expression de MITF est diminuée ! Cette diminution d’expression donne peut-être un avantage
prolifératif en diminuant la pigmentation et donc le stress oxydatif lié à la production de pigment
dans la cellule
(6). Peut-être aussi que MITF exerce dans certains cas un effet négatif sur la
prolifération entre autres via l’activation transcriptionnelle de p16
INK4Aet p21
WAF1/CDKN1A
(6).
I.4.3.5. PTEN/MMAC1
Phosphatase and Tensin Homolog (PTEN ou « Mutated in Multiple Advanced Cancers 1 » ou MMAC1) est
un gène suppresseur de tumeur inactivé par délétion (10q23), mutation ou par méthylation de sa
région promotrice dans de nombreux mélanomes
(121). Cette protéine a 2 fonctions biochimiques
principales
(122)(Figure 12) :
- activité majeure de « lipide phosphatase » : PTEN catalyse la dégradation du Phosphatidyl
Inositol (3,4,5) triphosphate (en Phosphatidyl Inositol (4,5) biphosphate) généré par la PI3K et
inhibe donc l’activation de AKT, qui joue un rôle dans la survie et la prolifération
cellulaire.
- activité plus faible de « tyrosine phosphatase » : PTEN déphosphoryle et inhibe les
protéines « Src homologous and collagen » (Shc) et « Focal Adhesion Kinase » (FAK), cette
dernière jouant un rôle majeur dans l’activation de la migration cellulaire et l’inhibition de
l’anoïkis.
Les altérations de PTEN sont fréquentes dans le mélanome, et semblent importantes pour la
progression tardive
(56). Approximativement deux tiers des mutations ciblant ce gène sont
compatibles avec des altérations liées aux UVB
(20). Les altérations de PTEN surviennent
fréquemment dans les mélanomes associés à des mutations du gène BRAF, alors que PTEN ne
parait pas touchée dans les mélanomes associés à des mutations de NRAS, suggérant que
l’activation de la voie PI3K (activée par les mutations de NRAS, mais pas par les mutations de
BRAF) est requise, en plus de l’activation de la voie ERK durant la progression de la
mélanotumorigénèse
(56).
I.4.3.6. Adhésion cellulaire et invasion
Le processus métastatique n’a lieu que lorsqu’une cascade d’événements biologiques séquentiels
bien orchestrés se déroule, permettant aux cellules tumorales de se détacher de la tumeur
primitive, pour infiltrer le stroma voisin et le système vasculaire et lymphatique qui peut alors
conduire les cellules tumorales vers des sites plus distaux
(123).
La prolifération mélanocytique est contrôlée par l’environnement direct par
(124):
- le biais de facteurs de croissance paracrines sécrétés par les kératinocytes, médiant certaines
voies de transduction mélanocytique.
- des molécules d’adhésion mélanocyte – kératinocyte.
- des « gap jonctions » entre mélanocytes et kératinocytes.
- des mécanismes d’adhésion mélanocyte – matrice extracellulaire.
Pour échapper au contrôle des kératinocytes, étape indispensable pour permettre l’invasion, la
cellule mélanomateuse va devoir perdre les récepteurs importants pour l’adhésion aux
kératinocytes (comme la E-cadhérine), exprimer des récepteurs et des molécules de signalisation
importantes pour les interactions des cellules mélanomateuses entre elles ou des cellules
mélanomateuses avec les fibroblastes ou les cellules de l’endothélium vasculaire (comme la
N-cadhérine, MCAM/MUC18) et enfin perdre l’ancrage à la membrane basale via l’altération de
protéines médiant la liaison à la matrice extracellulaire (comme les intégrines)
(124)(Figure 13).
I.4.3.6.1. Rôle des molécules d’adhésion cellulaire (CAM) de la super-famille des immunoglobulines
Dans le document
Etude génotypique et phénotypique du Naevus Congénital (de taille moyenne et large)
(Page 42-47)