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4.3.1.2. Rôle de BRAF dans les tumeurs mélanocytiques

Il existe 3 gènes RAF chez l’homme : CRAF (ou RAF1), ARAF et BRAF, codant tous les 3

pour des sérine/thréonine protéines kinases, et partageant une architecture commune caractérisée par 3

régions conservées (CR1, 2 et 3)

(94)

(Figure 9).

Le domaine CR1, du côté N-terminal,comprend 2 domaines liant RAS-GTP : le « Ras-GTP

binding domain » (RBD) et le « cysteine-rich domain » (CRD), le domaine CR2 est un domaine

régulateur riche en sites de phosphorylations, et la région CR3, du côté C-terminal, comprend le

« proteine-kinase domain » (PKD)

(95)

.

Dans les cellules non stimulées, les protéines RAF sont maintenues dans le cytoplasme sous une

conformation inactive sous frome d’un complexe entre RAF et la protéine 14-3-3

(95)

.

L’interaction entre RAS-GTP, localisée à la surface interne de la membrane plasmique, et RAF

via son RBD (et son CRD) permet le déplacement de RAF au niveau de cette membrane

plasmique où se déroulent les événements de déphosphorylations/phosphorylations de RAF

responsables de son activation

(95)

(Figure 10).

Le rôle oncogénique de BRAF a été mis en évidence il y a à peine quelques années suite à la

découverte de mutations activatrices de ce gène dans divers échantillons tumoraux

(96)

. Le

mélanome malin est la tumeur où les mutations activatrices de BRAF sont les plus fréquentes (de

30 à 60% des mélanomes portent une mutation du gène BRAF), mais des mutations de ce gène

sont également mises en évidence dans d’autres tumeurs connues pour arborer des altérations

activatrices d’autres gènes impliqués dans la voie de signalisation RAS/RAF/MEK/ERK

(MAPK), tels RAS ou RET, comme les cancers colo-rectaux, les cancers du poumon, les cancers

de l’ovaire ou les cancers papillaires de la thyroïde par exemple

(96)

.

Hormis quelques rares exceptions, les mutations touchant les gènes BRAF et NRAS semblent

mutuellement exclusives au sein d’une cellule mélanomateuse

(96,97)

, ce qui suggère que BRAF est

le principal effecteur de la voie RAS/RAF/MEK/ERK (MAPK) dans la tumorigénèse, à moins

qu’il ne s’agisse que du reflet de l’impact létal qu’aurait la combinaison de ces 2 types de

mutations

(78)

. MEK1 et MEK2 sont les seuls substrats connus de BRAF

(95)

. La quasi-totalité des

mutants BRAF concernent des acides aminés du PKD, le plus fréquemment touché étant la valine

600 (initialement erronément décrite comme la valine 599), la mutation V600E (transversion du

nucléotide T en A en position 1799) représentant plus de 80% des mutations mises en évidence

(96)

. Les résidus mutés concernent généralement des acides aminés contribuant à stabiliser la

conformation inactive du PKD de BRAF, leurs mutations favorisant alors la conformation active

de la protéine

(98)

. La plupart des mutants BRAF stimulent l’activité kinase de la protéine,

Cependant, certains mutants associés à une réduction de l’activité kinase de BRAF aboutissent à

une activation de ERK, probablement par le biais d’une activation de CRAF

(78,98)

. La présence

d’une mutation BRAF ne semble pas affecter le pronostic clinique des patients

(31)

.

Au même titre que pour RAS, l’activation de BRAF semble jouer un rôle dans l’initiation de la

prolifération mélanocytique. En effet, des poissons zèbres transgéniques exprimant le mutant

BRAF

V600E

développent des patches de mélanocytes ectopiques (équivalents naeviques), et

lorsque ce mutant est exprimé chez des poissons déficients pour P53, on observe des lésions

mélanocytiques qui deviennent rapidement invasives, mimant le mélanome humain

(99)

.

Corroborant cette hypothèse du rôle initiateur (mais non suffisant pour entrainer la

dégénérescence maligne) de BRAF, des mutations activatrices de ce gène sont observées dans un

pourcentage élevé (jusqu’à 80%) de naevi bénins

(100)

.

L’incidence des mutations du gène BRAF dans les naevi congénitaux semble, au même titre que

les mutations du gène NRAS, dépendre de leur taille, et représente l’image en miroir des

mutations NRAS : on en retrouve dans plus de 60% des SCMN

(91)

, dans 30 à 40% des MCMN

(90-91)

, alors qu’elles sont absentes ou très rares dans les LCMN

(92)

.

Lien UV / BRAF

Le lien entre l’exposition aux UV et les mutations de BRAF est complexe, et suggère l’existence

de voies différentes menant à la mélanotumorigénèse

(23,101)

. En effet, les mutations de ce gène

sont fréquentes dans les MC survenant sur des zones soumises aux rayonnements UV aigus

intermittents, alors qu’elles sont rares dans les MC de zones cutanées soumises chroniquement

aux UV (et donc recevant la dose la plus élevée d’UV) ainsi que dans les mélanomes survenant

sur des zones non exposées au soleil (mélanomes des muqueuses, mélanomes acrals, ou de l’uvée)

(101-102)

. Le MC pourrait se développer dans 2 contextes différents

(23)

:

- après expositions aigues intermittentes aux UV : chez des sujets prompts à une certaine

instabilité génétique au niveau des mélanocytes, ces derniers proliférant sous forme de

naevi et devenant potentiellement néoplasiques après quelques épisodes d’exposition

aigue (cas des MC se développant chez des sujets relativement jeunes présentant par

ailleurs un grand nombre de naevi).

- après exposition chronique aux UV : chez des individus peu susceptibles de développer

des proliférations naeviques suite à l’exposition solaire, pour lesquels une dose d’UV

suffisante doit être atteinte pour induire une dégénérescence mélanomateuse.

Bien que certains cas semblent présenter une activation de ERK malgré l’absence de détection de

mutation BRAF ou NRAS, dans la majorité des mélanomes exempts de ces mutations, l’effet

oncogénique est obtenu entre autres via des amplifications géniques de gènes en aval de la

voie RAS/RAF/MEK/ERK (MAPK) : le gène codant pour la Cycline D1 (CCND1, gains 11q13

fréquents dans les MC des sites exposés chroniquement au soleil) ou CDK4 (gains 12q14

fréquents dans les mélanomes acrals ou des muqueuses)

(56,103)

. La surexpression de la Cycline D1

semble d’ailleurs être un événement crucial dans le développement d’un mélanome. Elle peut

résulter de mutations BRAF, de mutations NRAS ou de gains de la région chromosomique

11q13

(56)

.

Prédominance de la mutation V600E

Bien que plus de 40 acides aminés puissent être la cible de mutations, c’est la valine en position

600 qui abrite plus de 90% des mutations décrites ; la mutation V600E (transversion du

nucléotide T en A en position 1799) représentant à elle seule plus de 80% des mutations

(81,94,96,104)

.

La prédominance de mutations ciblant la Valine 600 ne peut vraisemblablement pas être

expliquée par une sélection liée à l’activité catalytique de ces mutants, puisque d’autres mutants

ont des activités similaires et sont pourtant rares. L’incidence élevée de la mutation V600E dans

les MC suggère que cette mutation soit induite par les UV

(105)

. La plupart des mutations induites

par les UV concernent pourtant des mutations C>T, CC>TT, C>A, G>T (liées aux UVB) ou

G>T (liées aux UVA), et non pas T>A comme observé pour BRAF. Il a cependant été suggéré

récemment que la mutation V600E de BRAF puisse également résulter indirectement de l’effet

mutagène des UV, par leurs effets sur des sites de dipyrimidines voisins du codon 600 associés à

des erreurs de réplication de l’ADN

(106)

. Ce lien éventuel UV / mutation V600E dans le MC ne

parait cependant pas très convaincant, puisque cette mutation est retrouvée fréquemment dans

des néoplasies sans lien avec l’exposition solaire (cancer colo-rectal, carcinome papillaire de la

thyroïde par exemple)

(105)

.

Autres altérations génétiques de BRAF

En dehors des mutations activatrices, qui représentent l’altération majoritaire de BRAF dans la

tumorigénèse, une activation par translocation chromosomique a été décrite dans le carcinome

papillaire de la thyroïde

(107)

(Figure 11).

Il s’agit d’une recombinaison chromosomique résultant d’une inversion paracentrique du

chromosome 7 et générant un gène codant pour une protéine chimérique comprenant la partie

N-terminale du gène A-Kinase Anchor Protein 9 (AKAP9, exons 1 à 8), et la portion C-terminale de

BRAF, incluant l’intégralité du PKD (exons 9 à 18). L’activité kinase à l’état basal ainsi que la

capacité transformante de la protéine chimérique sont nettement supérieures à celles de la

protéine BRAF à l’état sauvage et de la protéine BRAF

V600E(107)

. L’implication d’AKAP9 dans la

fonction du gène chimérique AKAP9-BRAF n’est pas claire. La version sauvage d’AKAP9

déplace certaines protéines (comme la PKA, qui joue un rôle dans la phosphorylation de CREB)

vers le centrosome. Puisque la protéine chimérique AKAP9-BRAF a perdu le domaine de

localisation centrosomique d’AKAP9, le rôle de cette dernière pourrait se limiter à fournir un

promoteur efficace permettant l’expression d’une protéine BRAF tronquée. Il est en effet connu

depuis longtemps déjà que l’activation oncogénique des protéines RAF peut être obtenue en

tronquant la portion N-terminale incluant le RBD ; ce dernier maintenant la protéine dans un état

conformationnel inactif tant que RAS-GTP ne s’y lie pas

(108,109)

.

Par ailleurs, des gains chromosomiques impliquant la région abritant BRAF (7q34) peuvent être

mis en évidence dans environ 15% des mélanomes, même s’ils impliquent fréquemment une

région beaucoup plus large (souvent 7q33-qter) pouvant abriter d’autres oncogènes potentiels

comme c-MET par exemple

(110)

. Il n’y a pas de corrélation positive ou négative entre la présence

de ces gains chromosomiques et la détection de mutations activatrices de BRAF, mais ils

expliquent probablement partiellement l’activation de la voie RAS/RAF/MEK/ERK (MAPK)

dans certains cas de mélanomes pour lesquels aucune mutation BRAF ou NRAS n’est détectée,

et l’éventuelle utilité de thérapies ciblant cette voie même en dehors de contexte mutationnel

évident

(110)

.