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Génétique de la prédisposition au Mélanome

I. INTRODUCTION

I.4. A SPECTS GENETIQUES DES LESIONS MELANOCYTIQUES

I.4.2. Génétique de la prédisposition au Mélanome

En dehors de gènes responsables de pathologies bien spécifiques, mais conférant également un

risque augmenté de MC (par exemple risque de MC familial associé à des mutations de gènes

NER responsables du Xeroderma Pigmentosum, mutations du gène pRB1 responsable du

rétinoblastome, peut-être mutations des gènes BRCA responsables de néoplasies du sein et de

l’ovaire), on décrit habituellement essentiellement 3 gènes associés à un risque de MC familial :

CDKN2A (p16

INK4A

et p14

ARF

), CDK4, et MC1R.

I.4.2.1. CDKN2A (p16

INK4A

et p14

ARF

)

Sur base d’études caryotypiques de lignées cellulaires de mélanome pointant le bras court du

chromosome 9 comme cible récurrente d’anomalies cytogénétiques, des études de liaison

génétique ont été réalisées dans des familles où une origine héréditaire au MC était suspectée. Ces

études ont conclu qu’il existait probablement un gène dominant et partiellement pénétrant de

susceptibilité au MC (désigné initialement CMM2) en 9p21

(47)

. La pénétrance de ce gène de

susceptibilité est évaluée globalement (risque moyen mondial) à 67% à l’âge de 80 ans, mais peut

être diminuée ou augmentée selon l’exposition aux UV

(13,47)

. Les porteurs ont un nombre de

naevi plus élevé que les non-porteurs

(47)

.

Ce gène a été identifié : il s’agit du gène CDKN2A (aussi désigné MTS1). CDKN2A code pour 2

protéines différentes (Figure 5a) :

- p16

INK4A

, à partir des exons 1α, 2 et 3.

- p14

ARF

, à partir des exons 1β (environ 13 kb en amont de l’exon 1α

(62)

), 2 et 3 (phase de

lecture différente de p16

INK4A

).

Ces 2 protéines sont des suppresseurs de tumeurs impliqués dans la régulation du cycle cellulaire.

Elles agissent cependant à 2 niveaux distincts : p16

INK4A

agit par la « voie pRB » (Figure 5b), tandis

que p14

ARF

agit par la « voie P53 » (Figure 5c) :

- p16

INK4A

régule négativement la croissance cellulaire en provoquant l’arrêt du cycle en phase G1 :

elle va lier et inhiber les « cyclin-dependent kinases » CDK4/6, qui normalement, lorsqu’elles sont

actives, et complexées avec la cycline D, phosphorylent les protéines de la famille pRB. La

phosphorylation de pRB entraine la libération des facteurs de transcription de la famille E2F, et

l’expression des gènes régulés en aval permet la progression de la phase G1 vers la phase S. La

perte de la fonction p16

INK4A

empêche partiellement l’arrêt du cycle en phase G1

(63-65)

. Bien que ce

soit la mise en évidence de délétions chromosomiques de la région 9p21 dans des lignées

cellulaires de mélanome malin qui a permis, par des études de liaison génétique, d’identifier

p16

INK4A

comme un gène de susceptibilité au MC, la prévalence des délétions de ce locus est faible

parmi les sujets souffrant de « MC familial »

(66)

. Par contre, dans 20 à 40% des familles

susceptibles, des mutations de p16

INK4A

sont mises en évidence

(12,13,47,64)

. La plupart de ces

mutations consistent en des mutations « missense » dans l’exon 1α ou l’exon 2, ou plus rarement

des mutations dans les introns ou la région 5’ non traduite pouvant affecter l’épissage ou

l’initiation de la traduction

(67)

. Un mélanome héréditaire se développe à partir de cellules ayant

hérité un allèle mutant, et perdant, lors d’un événement somatique secondaire, l’allèle « sauvage »

restant (c’est l’hypothèse des « 2 hits » de Knudson)

(47)

. Le besoin de perdre les 2 copies d’un

gène pour le développement d’un phénotype malin est une caractéristique des gènes suppresseurs

de tumeur, bien que dans le cas de p16

INK4A

, certains auteurs ont montré que la perte d’un seul

allèle permet déjà à la cellule d’échapper à la sénescence

(68)

.

- p14

ARF

régule négativement le cycle cellulaire en stabilisant la protéine P53 : p14

ARF

va lier et

inhiber MDM2, qui normalement, séquestre et cible P53 vers l’ubiquitinylation et la dégradation.

La protéine P53 est un facteur de transcription important pour la régulation transcriptionnelle de

gènes responsables d’un arrêt de croissance (arrêt en phase G1 par l’induction de

p21

WAF1

/CDKN1A) ou médiant l’apoptose en réponse à des signaux de stress cellulaire

(65,69)

.

Jusqu’il y a quelques années, le rôle joué par p14

ARF

dans la susceptibilité au mélanome n’était pas

clairement établi, la plupart des délétions ciblant ce gène emportant également l’exon 1α

responsable de la transcription du transcrit p16

INK4A

. Cependant, depuis 2001, quelques articles

rapportent des délétions ou des mutations ciblant spécifiquement p14

ARF

et épargnant la séquence

codant pour p16

INK4A

chez des patients avec un MC familial, plaidant clairement pour l’implication

de p14

ARF

dans la mélanotumorigénèse

(69)

. Dans certaines de ces familles, il semble exister

également une incidence plus élevée de tumeurs du système nerveux

(69)

.

Concernant le rôle potentiel de p15

INK4B

/CDKN2B (localisé environ 20 kb en amont de

CDKN2A) dans la susceptibilité au MC, à ce jour, aucune délétion ou mutation impliquant

exclusivement ce gène n’a été mise en évidence. Les délétions de p15

INK4B

/CDKN2B retrouvées

dans certains cas de MC familial emportent toujours CDKN2A

(65)

.

I.4.2.2. CDK4

Il n’existe que quelques familles de MC décrites dans la littérature pour lesquelles des mutations

du gène CDK4 ont été mises en évidence, toutes ces mutations étant localisées dans le codon 24

de l’exon 2, directement impliqué dans la liaison de p16

INK4A(67)

. L’abolition de l’interaction entre

p16

INK4A

et CDK4 permet la phosphorylation de pRB par la kinase, aboutissant finalement à la

progression vers la phase S

(67)

. Dans ces quelques familles de porteurs de mutations CDK4, il

semble que la pénétrance du MC soit aussi élevée que dans les familles porteuses de mutation du

gène p16

INK4A

, comme attendu puisque l’effet sur la voie pRB devrait être identique

(67)

.

I.4.2.3. Récepteur de la Mélanocortine (MC1R)

Le gène MC1R code pour un récepteur de 317 acides aminés à 7 domaines transmembranaires

couplé aux protéines G et stimulé principalement par la liaison de son ligand αMSH. Le système

αMSH /MC1R détermine le type de mélanine produite par le mélanocyte, via une voie complexe

impliquant l’AMPc, la PKA, MITF, TYR, TYRP-1 et encore d’autres protéines (Figure 6).

L’activation de MC1R est requise pour la synthèse d’eumélanine, alors qu’une signalisation altérée

ou absente conduit à la production de phéomélanine

(70)

.

Le gène MC1R joue un rôle important dans la tumorigénèse cutanée, d’une part en influençant le

phénotype pigmentaire chez l’homme, d’autre part en modulant le risque de cancer cutané (MC et

cancer cutané non-MC) indépendamment de ses effets sur la pigmentation

(70)

.

Plus de 65 variants non-synonymes de MC1R ont été décrits chez l’homme, leur fréquence

variant de moins de 5% (dans les populations d’Afrique noire) à plus de 50% (dans les

populations irlandaise et britannique)

(70)

. Les variants associés avec des cheveux roux et une peau

de couleur pâle sont désignés variants « red hair color » (RHC), et sont classés en RHC « forts »

(R) ou « faibles » (r) selon la puissance de leur association avec le phénotype (pénétrance). Les

allèles « RHC forts » incluent certainement R151C, R160W et D294H, et selon certains auteurs

également D84E et R142H, sachant que le phénotype pigmentaire dépend également d’un effet

de « dosage » : la pénétrance est plus élevée parmi des sujets homozygotes ou hétérozygotes

composés pour des allèles « RHC »

(70-71)

. Dans les populations d’origine celte, la majorité des

variants associés avec une susceptibilité au MC sont des variants « RHC », alors que dans des

populations présentant des phénotypes pigmentaires plus foncés, la susceptibilité au MC est tout

autant influencée par des variants « non RHC ». Ceci suggère un rôle beaucoup plus large pour la

voie de signalisation MC1R, au-delà des différences de « filtration » des UV liées aux différences

de pigmentation

(70)

. L’altération légère ou sévère de MC1R causée par ces différents variants peut

être médiée par différents mécanismes

(70)

:

- diminution de la capacité à stimuler la production d’AMPc en réponse à αMSH (R151C,

R160W, D294H, V60L, V92M).

- diminution de l’expression de MC1R à la surface cellulaire probablement due à une

altération du « processing » de cette protéine (D84E, R151C, R160W).

- diminution de l’affinité du récepteur pour αMSH (V92M, R163Q).

Il semble y avoir un effet de dosage des allèles variants de MC1R dans la susceptibilité

néoplasique : le risque de MC chez les sujets porteurs de variant(s) varie entre 2 et 7 fois le risque

de la population générale selon les études, mais au sein d’une même étude, le risque en présence

de 2 allèles variants semble être le double du risque lié à un seul variant

(15,72,73)

.

L’implication de MC1R, via ses variants « perte de fonction », dans la tumorigénèse cutanée

pourrait être due à d’autres effets que simplement son influence sur la pigmentation

(15,70,74)

:

- augmentation des dommages de l’ADN, potentiellement secondaire à la production de

ROS liée à la diminution du ratio eumélanine/phéomélanine.

- moindre induction de p16

INK4A

, normalement induite par la voie αMSH /MC1R, résultant

potentiellement en une diminution de l’effet suppresseur de tumeur de p16

INK4A

.

- altération de la protection de la cellule contre les « attaques » par des cytokines

pro-inflammatoires (et activation de la capacité migratoire secondaire à l’activation des

protéines pro-inflammatoires).

Il n’existe pas d’association entre la présence de variant MC1R et un âge d’apparition de MC plus

précoce, hormis pour des patients où le(s) variant(s) MC1R survien(nen)t sur un terrain de

mutation constitutionnelle CDKN2A

(72,75)

. Les allèles variants MC1R augmentent

significativement la pénétrance des mutations du locus CDKN2A et diminuent la moyenne d’âge

d’apparition du MC parmi les patients porteurs d’une mutation CDKN2A

(75)

. Outre la synergie

existante entre les mutations de ces 2 loci, il semblerait qu’il existe une association statistique

entre la présence de variants MC1R et de mutations du gène BRAF dans les MC survenant sur les

sites exposés de façon aigue intermittente au soleil

(76)

. Le lien entre l’exposition solaire et les

mutations du gène BRAF sont complexes, ces mutations étant fréquentes sur les sites exposés de

façon aigue intermittente, mais rares sur les sites non exposés ou (au contraire) exposés de façon

chronique. L’observation d’une association entre des variants MC1R et des mutations BRAF sur

ces sites soumis à des expositions aigues d’UV peut suggérer que la présence d’un ou 2 variant(s)

dans la vie, des MC mutés au niveau du gène BRAF (mutations BRAF secondaires à cette

exposition aux UV, peut-être par le biais de ROS générés par ces mutants MC1R)

(76)

.