II.1.2.1. Analyses caryotypiques
Nous avons mis en évidence, dans les cellules naeviques de deux patients, une translocation
chromosomique, différente chez chacun d’eux, mais impliquant dans les deux cas le bras long du
chromosome 7. Les cellules naeviques du premier patient démontrent un caryotype 46,
XX,t(5;7)(q31;q34) ; celles du deuxième patient un caryotype 46, XY,t(2;7)(q24q33;q33q36).
Les caryotypes constitutionnels des deux patients étaient normaux.
II.1.2.2. Analyses de « Fluorescence in situ hybridization » (FISH) métaphasique
Des analyses de FISH métaphasique ont démontré dans les deux cas l’implication du gène BRAF
dans les translocations. La « cassure » chromosomique sur le chromosome 7 s’est produite au sein
de ce gène, laissant sur le chromosome 7 son extrémité 3’ comprenant au minimum le domaine
protéine kinase (PKD), tandis que son extrémité 5’ comprenant le domaine auto-inhibiteur de
liaison à RAS (le RBD) est transloquée sur le chromosome 5 et 2 dérivés chez les patients 1 et 2
respectivement.
La figure 17 (non publiée dans l’article) illustre le gène BRAF et les différentes sondes
(RP11-25N5, RP5-839B19, RP4-726N20, i3e7 et e11i13) utilisées pour les analyses de FISH et ayant
permis de localiser la cassure chromosomique du chromosome 7 entre les RBD et PKD du gène
BRAF.
II.1.2.3. Analyses de biologie moléculaire
Notre hypothèse était que les translocations impliquant BRAF résultent en un transcrit
chimérique dont l’extrémité 5’ serait constituée d’un gène partenaire (issu des chromosomes 5 et
2 respectivement pour les patients 1 et 2) non encore identifié et la portion 3’, du PKD de BRAF
devenu constitutivement actif par la perte du RBD, comme le suggère l’activité basale élevée de la
voie RAS/RAF/MEK/ERK (MAPK) observée dans les deux naevi (phosphorylation élevée de
ERK1/2 révélée par Western blot par rapport à celle observée dans des mélanocytes normaux).
Patient n°1 (caryotype 46,XX,t(5;7)(q31;q34))
La technique de « 5’ Rapid Amplification of cDNA ends-PCR » (5’ RACE-PCR), dont l’objectif
est d’amplifier et décrypter la séquence de l’extrémité 5’ d’un transcrit dont on connait la
séquence du côté 3’, a permis d’identifier le gène FCHSD1 comme étant le gène partenaire du
gène BRAF dans le transcrit de fusion. La séquence complète du gène FCHSD1 a pu être
déterminée en assemblant différents EST et cDNA répertoriés dans les bases de données
informatiques
(133). Sa fonction n’est par ailleurs pas clairement établie. La protéine hybride
générée à partir de ce gène de fusion est donc vraisemblablement composée du domaine FCH du
gène FCHSD1 dans sa portion N-terminale, et du PKD de BRAF dans sa portion C-terminale.
Patient n°2 (caryotype 46,XY,t(2;7)(q24q33;q33q36))
Chez le deuxième patient, aucun gène chimérique n’a pu être identifié, malgré les différentes
approches méthodologiques utilisées (voir l’annexe technique à la fin de cette section pour les
schémas des techniques de 5’ RACE-PCR, d’ « hybridation sur colonies » et de PCR inverse) :
- la 5’ RACE-PCR qui a permis d’identifier le transcrit de fusion résultant de la
translocation t(5;7) chez notre premier patient, n’a pas permis d’isoler un transcrit
chimérique chez le deuxième patient, malgré les nombreuses conditions testées.
- la technique d’ « hybridation sur colonies » (à l’aide d’une sonde radioactive ciblant le
PKD de BRAF), réalisée sur les colonies bactériennes obtenues par clonage du produit de
la 5’ RACE-PCR, s’est révélée infructueuse également.
- la PCR génomique à l’aide d’une enzyme (Taq polymerase) capable d’amplifier de larges
fragments d’ADN génomique (« Long range PCR »), en utilisant diverses combinaisons
d’amorces réparties d’une part entre les exons 7 et 11 de BRAF (région supposée abriter
le point de cassure d’après les résultats des analyses de FISH, Figure 17), et d’autre part
dans la région sensée abriter le point de cassure sur le chromosome 2 (d’après les résultats
des analyses de FISH, Figure 18), n’a pas mis en évidence de séquence chimérique.
- la PCR inverse, dont le but est d’emprisonner la séquence « partenaire » inconnue entre
deux fragments de séquence de BRAF pour identifier la séquence jonctionnelle, via
l’utilisation de 2 amorces complémentaires à BRAF, n’a pas donné de résultat probant
malgré les différentes enzymes de restriction et les différentes conditions testées.
Cependant, bien que l’anomalie moléculaire exacte impliquant BRAF n’ait pas pu être identifiée
chez ce patient, les résultats des analyses de FISH sur le chromosome 7 évoquent une altération
moléculaire de BRAF similaire à celle présente chez le premier patient, à savoir une perte du
contrôle auto-inhibiteur du domaine RBD sur le domaine PKD (resté sur le chromosome 7),
permettant une activation constitutive de BRAF.
II.2. “Genotypic and gene expression studies in Congenital Melanocytic
Naevi: insight into initial steps of melanotumorigenesis”
Dessars B., De Raeve L.E., Morandini R., Lefort A., El Housni H., Ghanem G.E., Van den
Eynde B., Ma W., Roseeuw D., Vassart G., Libert F. and Heimann P.
Article resoumis après corrections le 03/03/08 au Journal of Investigative Dermatology.
III.2.1. Préambule
L’idée initiale du projet était d’identifier les anomalies génétiques aboutissant à la genèse des naevi
congénitaux de taille moyenne à large. Puisque les LCMN ont une propension à dégénérer en
tumeur mélanomateuse, ils nous paraissaient représenter un bon modèle d’étude des étapes
initiales de la mélanotumorigénèse. En particulier, comprendre les conséquences des anomalies
moléculaires impliquées dans la genèse de ces LCMN pourrait permettre d’élucider les
mécanismes fondamentaux impliqués dans la physiopathologie de ces premières étapes (de la
mélanotumorigénèse).
Nous avons réalisé sur notre série de 24 LCMN et 3 MCMN des analyses caryotypiques, des
analyses « mutationnelles » (pour rechercher la présence de mutations activatrices des oncogènes
BRAF et NRAS) et des études d’expression différentielle (par rapport à des cellules
mélanocytiques normales).
Les expériences de « cDNA microarrays », bien que présentées dans le manuscrit APRES les
résultats des analyses mutationnelles NRAS/BRAF dans un souci de clarté et en raison du lien
qui a finalement été fait entre le statut mutationnel NRAS/BRAF et le profil d’expression
génique, restaient le « fil » de ce projet.
En effet, cette technique nous permettait d’analyser l’expression (transcriptionnelle) d’une
quantité importante de gènes, voire du génome entier, de nos CMN et de la comparer au profil
d’expression de l’équivalent cellulaire normal (mélanocytes épidermiques isolés à partir de
prépuces) sans partir d’à priori concernant les gènes potentiellement intéressants à étudier.
L’élaboration préalable des lames « maison » de « cDNA microarrays » a pris un peu plus d’un
an : repiquage et culture d’un peu plus de 20.000 colonies de bactéries transformées par des
plasmides contenant des fragments de banques d’ADN complémentaires réalisées à partir de
mélanocytes normaux (banque commerciale) et tumoraux (banque réalisée et reçue par des
collègues du « Ludwig Institute »), suivis par l’amplification par PCR, la purification, le
séquençage d’une partie (environ 7500), la précipitation, la resuspension et enfin le dépôt sur
lames (« spotting ») de ces clones d’ADN complémentaires ainsi que de clones d’ADN
complémentaires issus d’autres banques de tissus (leucocytes et cerveau fœtal, clones d’ADN
complémentaires déjà disponibles au sein de notre laboratoire).
Au total, environ 40.000 clones d’ADN complémentaires ont pu être « spottés » sur les lames
« maison ».
Les différentes phases de ce projet, à savoir la mise en culture des échantillons (CMN et
prépuces), suivie des analyses caryotypiques et mutationnelles ont donc en fait été lancées en
parallèle, plutôt que dans l’ordre séquentiel finalement présenté dans l’article.
Le manuscrit (tel qu’il a été resoumis, après corrections, le 03/03/08 au Journal of Investigative
Dermatology) décrivant les résultats des analyses caryotypiques et FISH, des analyses
mutationnelles (NRAS / BRAF) ainsi que les résultats obtenus suite aux expériences de « cDNA
microarrays » sur notre série de 24 LCMN et 3 MCMN se trouvent ci-après. Les Figures 1 et 2,
ainsi que les versions manuscrites de la Figure S1, des Tables S3 et S4, et de la section
« Supplementary Materials and Methods » dont il est fait mention accompagnent l’article. Les
données supplémentaires soumises au Journal of InvestigativeDermatology par voie électronique
uniquement, correspondant aux Tables S1 (a, b, c, d, e) et S2 (a, b) mentionnées dans le
manuscrit, et représentant les résultats complets des analyses des profils d’expression
II.2.2. Résumé des principales observations expérimentales
II.2.2.1 Analyses caryotypiques et FISH
Outre les 2 cas de CMN présentant une translocation impliquant le gène BRAF et décrits dans le
premier article résumé plus haut, une anomalie caryotypique a été mise en évidence chez un
troisième patient (add(6)(q21)), résultant en une délétion de la région chromosomique en aval de
la bande chromosomique 6q21.
Aucun des 24 cas restants ne présentait d’anomalie caryotypique ni de réarrangement
chromosomique du gène BRAF (investigué par la technique de FISH).
La rareté des anomalies chromosomiques ainsi que leur caractère isolé dans les CMN contraste
avec les caryotypes complexes mis en évidence dans la plupart des mélanomes, et reflète très
probablement le caractère bénin de ces lésions.
II.2.2.2. Détermination du statut mutationnel BRAF/NRAS
La mutation BRAF
V600Ea été mise en évidence pour 4/27 CMN (15%), des mutations du gène
NRAS chez 19/27 (70%).
Les 2 cas exhibant une translocation chromosomique impliquant le gène BRAF comptent parmi
les 4 cas pour lesquels aucune mutation BRAF ou NRAS n’a été mise en évidence. La séquence
codante complète de ces 2 gènes (BRAF et NRAS) a été investiguée chez les 2 cas restants
(nommés NCG10 et NCG25 dans l’article), ainsi que toutes les mutations connues (incluant les
codons « hot-spots » 12, 13 et 61) des gènes H- et K-RAS, et n’a pas révélé de mutation.
II.2.2.3. Expériences de « microarrays »
II.2.2.3.1. Expériences réalisées sur les lames « maison » (« in-house made cDNA microarrays »)
L’expression génique de chacun des 27 CMN a été comparée à celle d’un « contrôle normal »
(pool d’ARN obtenu à partir des ARN mis en communs de 13 prépuces cultivés).
Ces expériences ont permis de mettre en évidence 57 dysrégulations communes à l’ensemble des
CMN (20 augmentations ou « up-regulations » et 37 diminutions ou « down-regulations »
d’expression génique). Parmi celles-ci, on remarque une augmentation d’expression de
l’ostéopontine dans les échantillons naeviques.
Les profils d’expression obtenus avec les lames « maison » ont divisés les CMN en 2
20 CMN restants. Ce groupe de 7 CMN se compose des 6 CMN pour lesquels une activation
directe (par mutation activatrice ou par translocation chromosomique) de BRAF a été mise en
évidence et d’un des 2 CMN (NCG25) pour lesquels aucune mutation de
NRAS/KRAS/HRAS/BRAF n’a pu être mise en évidence.
L’existence d’un profil d’expression similaire entre ces 7 CMN comprenant les 4 CMN exhibant
la mutation V600E du gène BRAF ainsi que la prévalence élevée de cette mutation dans des
échantillons de naevi acquis bénins et de mélanomes nous ont conduit à investiguer l’expression
du génome entier parmi ces 4 CMN BRAF
V600E, dans le but d’essayer de comprendre les
altérations moléculaires précoces liées à cette mutation, jouant potentiellement un rôle dans la
tumorigénèse.
Les profils d’expression du génome complet ont donc été étudiés dans un second temps pour les
4 CMN BRAF
V600Epar le biais de lames commerciales (lames « Human Exonic Evidence Based
Oligonucleotides » ou « HEEBO ») :
II.2.2.3.2. Expériences réalisées sur les lames « HEEBO » (« HEEBO microarrays »)
Le profil d’expression observé dans ces échantillons bénins BRAF
V600Eest supposé être lié
directement aux conséquences moléculaires de la mutation, non encore modulées par des
anomalies génétiques additionnelles survenant dans l’évolution du mélanome.
En utilisant des critères de sélection relativement sévères (décrits en détails dans l’article), 560
gènes connus exhibent une dysrégulation commune (c’est-à-dire soit une augmentation soit une
diminution d’expression) entre les 4 CMN BRAF
V600E.
Ces gènes ont été classés selon leurs rôles (lorsqu’ils étaient connus d’après la littérature) dans
l’activation ou l’inhibition de différents processus biologiques tels le métabolisme cellulaire, la
prolifération cellulaire, la capacité migratoire/invasive, l’angiogénèse, l’apoptose, les mécanismes
de réparation de l’ADN, la synthèse/distribution de pigment, la réponse
inflammatoire/immunitaire et la résistance thérapeutique. Une table (Supplemental Data TableS3)
reprend les résultats de cette recherche. En ce qui concerne la prolifération cellulaire, la capacité
migratoire/invasive, l’angiogénèse, l’apoptose et la réponse inflammatoire/immunitaire, une
tendance vers une activation ou au contraire une inhibition ne nous parait pas manifeste. Par
contre, le profil d’expression associé à la mutation BRAF
V600Esemble refléter une activation du
métabolisme cellulaire, une réduction de la synthèse et de la distribution de pigment, une
activation des mécanismes de réparation de l’ADN, ainsi qu’une expression élevée de gènes
médiant la chimiorésistance dans différents cancers.
Enfin, l’analyse du profil d’expression lié à la mutation BRAF
V600Erévèle une surexpression de
l’HSP90 de nos CMN mutés. Cette protéine est justement connue pour être nécessaire au
maintien de la stabilité du mutant BRAF
V600E.
III. DISCUSSION
Outre les points déjà discutés dans nos articles, nous aimerions aborder et/ou revenir sur certains
thèmes.
III.1. Translocations chromosomiques impliquant le gène BRAF
Nous avons mis en évidence des translocations chromosomiques impliquant et activant le gène
BRAF dans 2 CMN sur les 27 CMN que nous avons étudiés. Si des translocations impliquant le
gène BRAF étaient retrouvées de manière récurrente dans des mélanomes survenant sur des sites
cutanés exposés chroniquement aux UV ou au contraire sur des sites non exposés (mélanomes
des muqueuses, mélanomes acrals), il pourrait s’agir d’un mécanisme alternatif permettant
d’activer la voie RAS/RAF/MEK/ERK (MAPK). Ceci pourrait éventuellement expliquer que
l’on mette en évidence une activation de cette voie dans certains mélanomes pour lesquels aucune
mutation de BRAF ou NRAS n’a pu être détectée
(110). Des études caryotypiques et/ou de FISH
réalisées spécifiquement sur ce type d’échantillons pourraient permettre de corroborer ou non le
rôle de tels réarrangements chromosomiques du gène BRAF.
D’autres avant nous ont décrit une activation de BRAF par translocation chromosomique dans le
carcinome papillaire de la thyroïde générant un gène chimérique codant pour une protéine
composée dans sa portion N-terminale des exons 1 à 8 du gène A-Kinase Anchor Protein 9
(AKAP9), et dans sa partie C-terminale des exons 9 à 18 de BRAF, incluant l’intégralité du PKD
(107)
(Figure 11). Le rôle d’AKAP9 dans la protéine chimérique n’est pas clair. En effet, la protéine
chimérique ayant perdu le domaine de localisation centrosomique d’AKAP9, le rôle de cette
dernière pourrait se limiter à fournir un promoteur efficace permettant l’expression d’une
protéine BRAF tronquée. Il est en effet connu depuis longtemps déjà que l’activation
oncogénique des protéines RAF peut être obtenue en tronquant la portion N-terminale incluant
le RBD, ce dernier maintenant la protéine dans un état conformationnel inactif lorsque RAS-GTP
ne se lie pas
(108,109). Chez nos deux patients, les translocations chromosomiques impliquant
BRAF, si elles aboutissent toutes deux à la perte du domaine auto-inhibiteur RBD comme dans le
cas décrit par Ciampi R et al
(107), mettent en cause un gène partenaire différent. Ces trois
translocations décrites ont néanmoins en commun qu’elles engagent les mêmes exons de BRAF.
Ceci suggère que le rôle du gène partenaire impliqué dans la translocation pourrait se limiter à
fournir un promoteur efficace permettant in fine la traduction d’une protéine BRAF tronquée
devenue constitutivement active.
Pour le patient n°1, le gène FCHSD1 a été identifié, tandis qu’aucun gène partenaire n’a pu être
identifié chez le patient n°2, et ce malgré les différentes approches méthodologiques utilisées. La
raison de cet échec nous est inconnue. L’absence d’existence d’un transcrit de fusion X-BRAF
pourrait expliquer l’échec de la 5’ RACE-PCR. En effet, on peut imaginer que la fusion de la
séquence issue du chromosome 2 à la séquence génomique « restante » du gène BRAF aboutisse
à la transcription/traduction d’une protéineBRAFtronquée, et non pas d’un transcrit/protéine
chimérique. Ceci n’expliquerait cependant pas que les différentes PCR génomiques (« Long range
PCR » et PCR inverse) n’aient pu identifié la séquence hybride au niveau de la séquence d’ADN.
Une hypothèse plausible est qu’il s’agit peut-être d’un réarrangement plus complexe, associant
éventuellement des délétions/insertions de matériel chromosomique, empêchant potentiellement
l’amplification par PCR à l’aide des amorces définies par rapport à la séquence génomique de
BRAF d’une part et de la séquence génomique supposée impliquée sur le chromosome 2 d’autre
part.
III.2. NRAS plus fréquemment muté que BRAF dans les LCMN
Nous observons une incidence élevée de mutations du gène NRAS dans notre série de CMN, en
particulier 18/24 (75%) LCMN présentent une mutation NRAS, alors qu’à peine 3/24 (13%)
LCMN ont une mutation du gène BRAF.
Les fréquences des mutations NRAS et BRAF dans les LCMN sont donc l’image en miroir de
celles observées dans les SCMN et dans les naevi acquis bénins, confirmant les résultats obtenus
par d’autres
(91,92).
La raison pour laquelle les mutations de NRAS sont prédominantes dans les CMN de taille plus
grande n’est pas claire. Ichii-Nakato N et al suggèrent que le signal de croissance généré par
l’activation constitutive de NRAS est peut-être plus important que celui associé à la mutation
BRAF
V600E, puisque NRAS peut activer, outre la voie RAS/RAF/MEK/ERK (MAPK)
(commune à NRAS et BRAF), la voie PI3K
(91). Plusieurs études corroborent l’hypothèse d’un
pouvoir oncogénique lié à NRAS plus puissant que celui lié à BRAF : nombre plus élevé de
foyers de prolifération et foyers de prolifération plus larges de fibroblastes transfectés par des
vecteurs contenant une mutation NRAS
Q61Rou HRAS
G12Vpar rapport aux foyers de prolifération
de fibroblastes transfectés avec un vecteur contenant la mutation BRAF
V600E, phosphorylation de
ERK plus importante dans les fibroblastes « RAS+ » que dans les fibroblastes « BRAF+ »,
tumorigénicité (suite à l’injection à des souris nudes) des fibroblastes « RAS+ » plus importante
que celle des fibroblastes « BRAF+ »
(107,134). D’autres suggèrent que l’activation importante de la
voie RAS/RAF/MEK/ERK (MAPK) liée à la mutation BRAF
V600Einduirait rapidement un arrêt
du cycle cellulaire en raison d’une augmentation d’expression de différents inhibiteurs du cycle
cellulaire, en particulier p16
INK4Aet p21
WAF1/CDKN1A. L’activation de la voie
RAS/RAF/MEK/ERK (MAPK) générée par les mutations du gène NRAS serait médiée par
CRAF, induisant un signal plus faible, peut-être plus compatible avec la prolifération
(135). Une
autre hypothèse serait que la prolifération liée à la mutation BRAF
V600Ene pourrait s’ « exprimer »
que si cette mutation survient à un stade relativement mature de la cellule mélanocytique (et donc
générerait des CMN moins grands), alors qu’à des stades plus précoces, l’activation de la voie
RAS/RAF/MEK/ERK (MAPK) ne se ferait que via CRAF (accrue en présence d’une mutation
de NRAS par exemple, pouvant donc générer des CMN plus grands)
(135). Cependant,
l’expression quasi ubiquitaire de BRAF durant l’embryogénèse murine plaide contre cette
dernière hypothèse
(136).
L’incidence élevée de mutations du gène NRAS dans notre série de CMN prouve en tous cas que
l’exposition aux UV n’est pas requise pour la genèse de ces mutations. Concernant le rôle des UV
dans la genèse de la mutation BRAF
V600E, il est complexe et encore peu compris, comme déjà
mentionné plus haut. La mutation de loin prédominante du gène BRAF consiste en une
transversion T>A en position 1799, ce qui ne représente pas une lésion « typique » liée aux UV,
rendant le lien « direct » UV-mutation BRAF
V600Epeu probable
(81,94,96,104). De plus, cette mutation
est également la mutation prédominante du gène BRAF dans des néoplasies se développant en
dehors de tout contexte de rayonnement UV telles le carcinome papillaire de la thyroïde, le
carcinome colo-rectal, ou le carcinome de l’ovaire
(105). Certains auteurs ont suggéré que cette
mutation pourrait être la résultante d’une réparation erronée de lésions générées par les UV dans
le voisinage de ce nucléotide, puisque de nombreux sites de di-pyrimidines se trouvent dans
l’environnement proche du nucléotide 1799
(106). Cet argument ne parait pas très convaincant,
d’autant plus que la présence d’une mutation de BRAF ne parait pas être liée à la dose totale
d’UV reçue. En effet, les mutations de ce gène sont fréquentes dans les MC survenant sur des
zones soumises aux rayonnements UV aigus intermittents, alors qu’elles sont rares dans les MC
de zones cutanées soumises chroniquement aux UV (et donc recevant la dose la plus élevée
d’UV) ainsi que dans les mélanomes survenant sur des zones non exposées au soleil (mélanomes
des muqueuses, mélanomes acrals, ou mélanomes de l’uvée)
(101,102). Par ailleurs, dans les MC se
Dans le document
Etude génotypique et phénotypique du Naevus Congénital (de taille moyenne et large)
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