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Rôle des phonons dans l’amortissement des oscillations de Rabi

3.6 Résultats expérimentaux

3.6.5 Rôle des phonons dans l’amortissement des oscillations de Rabi

L’amortissement des oscillations de Rabi observé par de nombreux groupes est tou-jours sujet à débat. En effet, trois mécanismes différents sont à l’heure actuelle envisagés, l’excitation de transitions multiexcitoniques [132], la perte de cohérence provenant de l’in-teraction du système excitonique d’une boîte quantique avec les états mixtes de la couche de mouillage [130], et les processus de déphasage générés par l’interaction du système exci-tonique avec les phonons acoustiques (LA) du réseau environnant [128]. C’est à ce dernier mécanisme que nous nous intéresserons par la suite, en réalisant des expériences d’oscil-lations de Rabi pour différentes températures, ainsi qu’une modélisation de l’interaction électron-phonon LA, réalisée dans l’Annexe E.

Signalons que nous avons utilisé dans notre calcul une méthode perturbative qui nous semble correspondre à notre système. Une autre approche [138], utilisant le formalisme de l’intégrale de chemin peut également être utilisée dans le cas d’un couplage fort au phonons. Une résolution numérique effectuée par Vagov et al. [138] a ainsi démontré la ré-apparition de l’oscillation de Rabi amortie (sous excitation impulsionnelle, l’amortissement de la population de l’état excité en fonction du temps est elle bien définitive), lorsque l’aire de l’impulsion continue d’augmenter. Ce comportement prendrait place quelle que soit la température et la durée des impulsions, à condition que le système soit bien à deux niveaux et que les processus de déphasage pur soient dominants. N’ayant jamais observé ce type de comportement, nous sommes confortés dans notre opinion que dans nous systèmes, une approche perturbative suffit à décrire l’interaction avec les phonons du réseau, d’autant

que nos résultats expérimentaux semblent assez bien correspondre au modèle ainsi obtenu.

Au final, en prenant en compte la décohérence induite par les phonons, les équations de Bloch optiques se réécrivent sous la forme :

                         ˙σ11(t) = −i 2 R(t) (ˆσ10(t) − ˆσ01(t)) − σ11(t) T1 ˙σ00(t) = − ˙σ11(t) ˙ˆσ10(t) = −i 2R(t) (σ11(t) − σ00(t)) −  1 T2 + κ(T ) Ω2R(t)  ˆ σ10(t) ˙ˆσ01(t) = i 2 R(t) (σ11(t) − σ00(t)) −  1 T2 + κ(T ) Ω 2 R(t)  ˆ σ01(t) (3.132)

où κ(T ) = KT avec un coefficient de proportionnalité K dépend uniquement des propriétés du matériau massif, que nous avons estimé approximativement à Ktheo ≈ 10 f s.K−1 pour le GaAs (cf Annexe E).

Intéressons nous alors aux oscillations de Rabi effectuées sur une même boîte pour plusieurs températures, afin de confirmer le rôle prépondérant des phonons dans l’amor-tissement des oscillations de Rabi. Notons que le terme de décohérence 1/T2 que nous mesurons expérimentalement est obtenu pour une température de 7 K et une impulsion d’aire θ = π/2, il prend donc déjà en compte un certain déphasage dû au phonons.

Au cours de ces mesures, nous avons fait varier la température de l’échantillon de 7 K à 30 K et pour chaque boîte étudiée sous excitation résonnante, nous avons réalisé une courbe d’oscillation de Rabi pour différentes températures. La difficulté de ces expériences réside dans la modification de l’énergie de la transition à mesure que la température augmente, ce qui nécessite une modification de la longueur d’onde d’excitation. Cette manipulation peut avoir pour effet de changer les paramètre de couplage entre le champ électromagnétique et le moment dipolaire de la boîte étudiée. En outre, le changement de température fait également varier la position verticale de l’échantillon, et il devient indispensable de chan-ger la position des objectifs d’excitation et de détection. La modification des conditions d’excitation peut à son tour modifier le couplage entre le champ et la boîte. En raison de ces limites expérimentales, l’étude d’une boîte quantique au delà de 30 K est rendue très difficile, même si son émission persiste jusqu’à une cinquantaine de Kelvins.

Bien que certains groupes [128, 139] aient observé une variation de la période de Rabi avec la température, nous n’avons pour notre part pu mettre en évidence un tel phéno-mène. En effet, cette variation est visible au delà de 20 K − 25 K et les changements de période de Rabi que nous observons à ces températures peuvent être en partie attribués à la modification du couplage lumière-matière.

Figure 3.13 : Courbes d’oscillations de Rabi pour une même boîte quantique sous excitation résonnante avec sa transition fondamentale, à 10K en rouge et à 20 K en noir. Les courbes

expérimentales ont été ajustées numériquement au moyen des équations (3.133).

Figure 3.14 : Évolution du facteur d’amortissement κ(T ) des oscillations de Rabi en fonction de la température.

Sur la figure (3.13) sont représentées, pour une même boîte, les courbes d’oscillations de Rabi réalisées pour deux températures différentes, 10 K et 20 K . Nous constatons bien une augmentation de l’amortissement des oscillations avec la température. Si nous traçons figure (3.14), l’évolution en fonction de la température du facteur d’amortissement κ(T ), au moyen duquel nous avons ajusté les courbes expérimentales (en utilisant les équations de Bloch données par (3.132)), alors comme attendu, la courbe obtenue est une fonction affine,

de coefficient directeur Kexp≈ 25 f s.K−1. Si l’ordre de grandeur reste le même que Ktheo (estimé dans l’Annexe E à 10 f s.K−1), cette valeur expérimentale représente plus du double de la valeur théorique. Cette différence peut s’expliquer par la nécessité de considérer en réalité un système à trois niveaux, afin de rendre compte de l’amortissement des oscillations vers une valeur I(θ = π)/1.7. En effet, en ne considérant qu’un système à deux niveaux dont l’évolution est donnée par (3.132), l’amortissement devrait faire tendre la luminescence vers la moitié de sa valeur maximale I(θ = π)/2. Pour obtenir un amortissement vers une valeur supérieure, il faut introduire un terme de repopulation, tandis que pour qu’il s’effectue vers une valeur inférieure, il faut au contraire introduire un terme de fuite de population. La prise en compte d’un troisième niveau permet alors de s’affranchir de l’ajout du terme de repeuplement de l’état excité, généralement introduit de manière phénoménologique. Nous ajustons nos courbes expérimentales au moyen du système d’équation :

                                                       ˙σX ˜˜X(t) = −i 2X˜(t) ˆσX0˜ (t) − ˆσ0 ˜X(t) − σX ˜˜X(t) TX˜ 1 ˙σY ˜˜Y(t) = −i 2Y˜(t) ˆσY 0˜ (t) − ˆσ0 ˜Y(t) − σY ˜˜Y(t) TY˜ 1 ˙σ00(t) = − ˙σX ˜˜X(t) − ˙σY ˜˜Y(t) ˙ˆσX0˜ (t) = −i 2X˜(t) σX ˜˜X(t) − σ00(t) − 1 T2 + κ(T ) Ω 2 ˜ X(t)  ˆ σX0˜ (t) ˙ˆσ0 ˜X(t) = i 2X˜(t) σX ˜˜X(t) − σ00(t) − 1 T2 + κ(T ) Ω 2 ˜ X(t)  ˆ σ0 ˜X(t) ˙ˆσY 0˜ (t) = −i 2Y˜(t) σY ˜˜Y(t) − σ00(t) − 1 T2 + κ(T ) Ω2˜ Y(t)  ˆ σY 0˜ (t) ˙ˆσ0 ˜Y(t) = i 2Y˜(t) σY ˜˜Y(t) − σ00(t) − 1 T2 + κ(T ) Ω2Y˜(t)  ˆ σ0 ˜Y(t) (3.133)

Sur la figure (3.15), nous avons simulé une courbe d’oscillations de Rabi, dans le cas d’un système à deux niveaux (en noir) et dans celui d’un système à trois niveaux (en rouge), pour lequel nous avons posé ΩX˜/ΩY˜ = 0.2 (rapport utilisé pour ajuster les courbes (3.13)). Pour les deux courbes, tous les paramètres ont été choisis identiques, en particulier le facteur d’amortissement κ = 0.25 ps. Nous constatons donc que le système à deux niveaux s’amortit bien vers I(θ = π)/2, tandis que le système à trois niveaux s’amortit vers I(θ = π)/1.5.

Une étude de la polarisation de la luminescence émise par la boîte considérée dans la figure (3.13), sous excitation non résonnante et sous excitation résonnante, a été préala-blement réalisée et a permis de déterminer, selon une méthode exposée dans le cinquième chapitre, l’inclinaison φX˜ = −6.5et φY˜ = −13.5 des états propres | ˜Xi et | ˜Y i, ainsi que le

Figure 3.15 : Comparaison, pour un même facteur d’amortissement κ = 0.25ps entre les oscil-lations de Rabi, en noir celles d’un système à deux niveaux, et en rouge celles d’un système à trois

niveaux pour lequel ΩX˜/ΩY˜ = 0.2.

rapport des forces d’oscillateur R = FY˜/FX˜ = 0.8. Nous avons ainsi pu déduire le rapport des pulsations de Rabi :

X˜Y˜ = √1 R sin(φX˜) cos(φY˜) ≈ 0.13 (3.134)

que nous avons reporté dans le système (3.133). Nous avons de même obtenu et reporté dans le système le rapport des temps de vie TX˜

1 /TY˜

1 = FY˜/FX˜ = 0.8. L’ajustement des courbes expérimentales au moyen de (3.133) nous a alors permis de déterminer, pour chaque température, la paramètre d’ajustement κ(T ). Ce sont les paramètres ainsi déterminés qui ont été représentés sur la figure (3.14) et permis d’évaluer Kexp ≈ 25 f s.K−1.

Nous imaginons aisément que l’ensemble des approximations réalisées dans notre mo-dèle à trois niveaux, qui n’est pour l’instant qu’une ébauche, puissent conduire à la diffé-rence observée entre Kexp et Ktheo. Le fait que malgré cela la valeur expérimentale trouvée reste du même ordre de grandeur que la valeur théorique nous permet de confirmer notre idée première, à savoir que les processus de décohérence engendrés par l’interaction entre le système excitonique et les phonons du réseau environnant sont les principaux responsables de l’amortissement des oscillations de Rabi dans nos boîtes quantiques, dans le cas où il n’y a pas de relaxation de population supplémentaire.

Signalons finalement que certains groupes [131, 133] ont eux même observé des oscil-lations de Rabi s’amortissant vers une valeur supérieure à Imax/2 et ont expliqué cela en faisant intervenir la transition biexcitonique. Si nous n’excluons pas totalement cette

ex-plication, nous lui préférons un système à trois niveaux dont le comportement est en assez bon accord avec les mesures effectuées au cours d’expériences en polarisation, comme cela sera décrit au cinquième chapitre de ce mémoire. En outre, nous avons sur l’échantillon étudié observé peu de transitions biexcitoniques, en particulier aux puissances considérées ici et les rares que nous ayons été capables de mettre en évidence étaient de très faible intensité en comparaison de la transition excitonique correspondante.

Conclusion

Dans ce chapitre, nous avons présenté l’interaction d’un système à deux niveaux avec une onde électromagnétique résonnante avec la transition entre les deux niveaux, résultant en une oscillation de l’état du système, l’oscillation de Rabi. En introduisant ensuite le for-malisme de la matrice densité, nous avons pu déterminer les équations de Bloch optiques qui régissent l’évolution temporelle des populations (termes diagonaux de la matrice densité) et des cohérences (termes non diagonaux de la matrice densité) et constater l’effet d’une relaxation des cohérences sur l’évolution des populations. Pour finir, nous avons présenté nos résultats expérimentaux obtenus en régime impulsionnel. Ces résultats très différents du modèle théorique donné par les équations de Bloch ont révélé la nécessité de prendre en compte une perte de cohérence supplémentaire induite par l’excitation et, dans certains cas une fuite de population supplémentaire elle aussi induite par l’excitation, tandis que dans d’autres cas une repopulation de l’état excité semble se produire. Des expériences réalisées à différentes températures nous ont permis de mettre en évidence le rôle majeur des phonons dans la relaxation des cohérences induite par l’excitation et d’expliquer ainsi le premier mécanisme. Par ailleurs, la prise en compte de la structure fine de l’exciton par l’introduction dans les équations de Bloch d’un troisième niveau nous a permis de nous affranchir du terme de repopulation mentionné dans le dernier cas de figure. Enfin, la re-laxation de population résultant de l’augmentation de la puissance d’excitation observée pour certaines boîtes pourrait s’expliquer par un plus faible confinement des porteurs dans celles-ci.

Constantes de temps caractéristiques

Sommaire

4.1 Émission spontanée . . . 142 4.1.1 Approche de Wigner-Weisskopf : durée de vie radiative . . . 143 4.1.2 Relaxation du système par émission spontanée . . . 144 4.2 Mesures directes des temps de relaxation du système à deux

niveaux . . . 146 4.2.1 Temps de vie . . . 146 4.2.2 Temps de cohérence . . . 152 4.3 Contrôle cohérent . . . 156

4.3.1 Interaction d’un système à deux niveaux avec deux impulsions successives . . . 156 4.3.1.a Interaction du système à deux niveaux avec la première

impulsion . . . 156 4.3.1.b Interaction du système à deux niveaux avec la seconde

impulsion . . . 158 4.3.1.c Expression de la luminescence mesurée après

l’interac-tion du système avec les deux impulsions successives . . 163 4.3.2 Détermination du temps de cohérence . . . 165 4.3.2.a Principe de la mesure . . . 165 4.3.2.b Résultats expérimentaux . . . 166 4.3.3 Détermination du temps de vie . . . 171 4.3.3.a Mesure du temps de vie avec deux impulsions d’aire θ = π171 4.3.3.b Mesure du temps de vie avec deux impulsions d’aire θ =

π/2 . . . 175 4.4 Processus de décohérence . . . 177

Dans ce chapitre, nous commencerons par examiner, dans le cas d’un système isolé de son environnement, l’origine de ces relaxations, puis nous présenterons les résultats expéri-mentaux obtenus pour nos boîtes quantiques et comparerons les deux. Les mesures des deux durées caractéristiques qui seront présentées ici ont été réalisées de différentes manières. Des mesures directes de temps de vie ont pu être obtenues au moyen d’une photo-diode à avalanche qui nous a permis d’observer la décroissance temporelle de la luminescence, tandis que l’interféromètre de Fabry-Pérot précédemment présenté a été utilisé afin de ré-soudre la raie d’émission de la transition fondamentale de l’exciton neutre, pour en mesurer la largeur et en déduire ainsi le temps de cohérence. Ces temps de relaxation ont également pu être obtenus par des expériences de contrôle cohérent au cours desquelles le système à deux niveaux interagit successivement avec deux impulsions lumineuses dont le déphasage relatif est précisément connu et contrôlé.

4.1 Émission spontanée

Le temps de vie T1d’un système à deux niveaux correspond à la durée moyenne au cours de laquelle le système préalablement excité reste dans son état de plus haute énergie, une fois l’excitation coupée. La principale cause de désexcitation dans notre cas est l’émission spontanée. Pour comprendre cette dernière, il faut se placer dans le cadre d’une théorie totalement quantique, c’est à dire où le rayonnement est également quantifié [59, 115, 116]. Nous écrirons donc les états propres de l’ensemble { système + champ } sous la forme :

|si ⊗ |Ri = |s; Ri (4.1)

où |si désigne l’état du système à deux niveaux et |Ri l’état du rayonnement.

Pour étudier le temps de relaxation T1, considérons que le système initialement est dans son niveau excité |1i, en présence du vide, son état s’écrivant alors :

|ψ(0)i = |1i ⊗ |0i = |1; 0i (4.2)

Cet état est couplé par un terme d’interaction ˆHint aux différents états :

|0i ⊗ |1li = |0; 1li (4.3)

pour lesquels le système retourne dans son état fondamental en émettant un photon dans le mode l, caractérisé par une pulsation ωl et un vecteur d’onde kl= ul ωl/c où ul est un

vecteur unitaire. Pour que s’opère la transition du système de son état excité à son état fondamental, la pulsation du photon émis doit respecter la contrainte E1 = E0+~ωl, c’est à dire ωl= ω0la fréquence de Bohr de la transition. Il n’existe en revanche aucune contrainte sur la direction du vecteur d’onde, il y a donc un continuum d’états finaux possibles.