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Rôle des médecins internes dans la planification du retour à domicile

1. I NTRODUCTION

1.2. Rôle des médecins internes dans la planification du retour à domicile

1.2.1. Situation dans le département de médecine interne des Hôpitaux Universitaires de Genève

De manière générale, les médecins internes ont la responsabilité d’établir un diagnostic médical et de ce fait, de décider des examens et des interventions à effectuer, ainsi que des traitements à entreprendre. Quotidiennement en contact avec le patient, ils sont donc à même d’évaluer l’efficacité de leur prise en charge, la durée de séjour nécessaire en soins aigus et la destination du patient après son séjour hospitalier. Pour cette tâche, dans notre structure, ils sont supervisés quotidiennement

par des chefs de clinique et hebdomadairement par des médecins cadres. Dans notre service, c’est aux médecins internes que revient la responsabilité d’initier le projet de sortie des patients. Ils bénéficient de l’aide du service social s’il est nécessaire d’organiser une prise en charge spécifique à domicile, ou un transfert vers une structure de moyen séjour. Toutefois, ce système a quelques désavantages: les médecins internes sont en formation et ils sont souvent plus intéressés par le diagnostic et le traitement de la pathologie aiguë que par des considérations d’utilisation de ressources hospitalières et le devenir du patient après son séjour hospitalier.

Lors d’une étude observationnelle prospective portant sur 373 patients dans le service de médecine interne générale des Hôpitaux Universitaires de Genève en 2001, des évaluations subjectives ont été récoltées auprès des internes. Ainsi, on leur a demandé de prédire le lieu de sortie du patient et son degré d’autonomie fonctionnelle à la fin du séjour (données non publiées de la recherche de Louis-Simonet et collaborateurs (38)). Les internes se sont montrés capables d’identifier adéquatement les patients qui seraient capables de rentrer à domicile, et dont le pronostic fonctionnel était bon.

Cependant, leur prédiction des patients qui ne rentreraient pas à domicile était plus fréquemment erronée. De plus, les patients que les internes étaient incapables de catégoriser n’étaient pour la plupart finalement pas rentrés à domicile. Ces données, confirmées par d’autres recherches menées ailleurs (39, 40), suggèrent que les internes sont capables de prédire à l’admission quels patients pourront rentrer à domicile et quel sera leur degré d’autonomie à la sortie, mais qu’ils ont plus de mal à identifier les patients qui ne pourront pas rentrer chez eux. Dès lors, on peut supposer que dans les cas où les internes doutent, ils ne vont pas prendre de mesures

particulières. Ces mêmes patients étant par ailleurs à fort risque de non-retour à domicile, une suite de soins adéquate ne sera pas organisée dans des délais optimaux (soit dès l’entrée). Il paraît par conséquent logique de vouloir améliorer le système en place, tout en tenant compte des compétences des internes.

1.2.2. Amélioration de processus de soins entre les mains des équipes médicales Des incitations au changement de comportement des médecins ont été expérimentées dans différentes situations et souvent avec un certain succès. Il existe différents exemples de mesures incitatives ou éducatives ayant amélioré des processus de soins et ainsi augmenté la performance des médecins ou amélioré une issue thérapeutique.

Une revue de littérature (41) décrit les différentes stratégies pouvant mener à un changement de pratique chez des médecins hospitaliers. Il s’agit d’éducation, de feedback, d’impliquer les médecins dans les efforts de changement, d’interventions administratives et finalement d’encouragements ou de pénalités financières. Chaque stratégie a des avantages et des désavantages, mais les interventions les plus efficaces en combinent plusieurs. De plus, une collaboration entre ceux qui veulent implémenter les changements et ceux qui vont devoir les appliquer est importante.

Les stratégies éducatives les plus efficaces pour mener à un changement de pratique des médecins incluent les rappels, les interventions relayées par des patients et l’intervention de spécialistes reconnus dans leur domaine (42).

Finalement, un audit mené auprès de praticiens concernant leur pratique clinique particulière, associé à un feedback, peut améliorer l’adhérence de ces derniers à des mesures recommandées, comme par exemple, à un programme de vaccination ou à de

nouveaux processus de soins (43)

1.2.3. Interventions ciblant les médecins hospitaliers et leur rôle dans la planification de la sortie

Dans le domaine de la planification de la sortie ou de la réduction de la durée de séjour des patients, plusieurs types d’interventions ont été décrites.

Une meilleure compréhension des réalités des patients pourrait améliorer leur prise en charge, telle est l’hypothèse à la base d’un programme pilote éducatif mis en place à l’Université de Rochester, aux Etats-Unis (35). Des visites à domicile ont été intégrées dans la formation de gériatrie afin d’aider les internes à prendre conscience des besoins des patients âgés lors de leur retour à domicile et des enjeux que représente une planification de la sorite de qualité. L’évaluation de l’intervention était avant tout qualitative et les auteurs semblent satisfaits des bénéfices que les différents participants ont tirés du programme tout en reconnaissant les difficultés matérielles qu’impliquerait son application à large échelle.

Un «profiling programme» consiste à informer chaque médecin sur la durée de séjour de ses patients, ces chiffres étant comparés à la moyenne du service. L’intervention de ce type menée par Evans et ses collaborateurs a permis une réduction des durées de séjour dépassant la moyenne, ceci passant cependant par l’augmentation du nombre d’examens réalisés par jour et mettant le système à risque de surcharge (32).

Une intervention donnant plus spécifiquement un feed-back sur le nombre de journées inappropriées de chaque médecin dans un service de médecine interne d’un hôpital

urbain en Espagne a également eu un impact positif sur le flux des patients (33).

L’intervention a consisté à informer les médecins hospitaliers sur le nombre et la cause des jours inappropriés dans leur service. Cette démarche a permis de réduire de 8,5% les journées inappropriées attribuables aux médecins et à leur prise de décision, mais sans avoir d’impact sur le nombre global de jours inappropriés. L’effet sur les journées inappropriées attribuables aux médecins s’est cependant rapidement estompé après la suspension de l’intervention.

Par ailleurs, un feed-back sur la durée de séjour attendue en fonction du diagnostic peut être transmise par un système informatique, comme l’ont montré des auteurs américains (34). Cette étude a permis un raccourcissement de 3.2% des durées de séjour dans le groupe d’intervention.

Une étude canadienne, réalisée dans les services de médecine interne de centres tertiaires, a tenté d’influencer la durée de séjour en introduisant l’utilisation d’une feuille de planification de la sortie. Ce document incitait les internes à décider dès l’entrée du patient quelles investigations devraient prendre place pendant le séjour, et lesquelles pourraient être effectuées en ambulatoire, à prévoir une date de sortie et à anticiper toute cause de délais de sortie (36). Le médecin en charge du patient devait remplir cette feuille au début du séjour, aidant à la planification du séjour et de la sortie. Cette intervention, considérée comme un pilote, a permis la réduction des durées de séjour dans un des deux services tests.

Un service de chirurgie en Espagne a fait l’objet d’une intervention intégrant plusieurs stratégies (37). Les médecins ont bénéficié d’une formation visant à leur

faire prendre conscience du problème des journées d’hospitalisation inappropriées et à leur apprendre à utiliser un instrument de détection de ces dernières. Ils ont été encouragés à l’utiliser lors de leur visite quotidienne, et ont reçu un feed-back sur le nombre de journées inappropriées dans leur service. Cette intervention, soutenue par la hiérarchie, a permis une diminution de 50% du nombre de journées inappropriées pendant la période analysée.

En résumé, les interventions qui ont cherché à rendre les médecins hospitaliers conscients de leur rôle dans la planification de la sortie et le temps d’hospitalisation des patients ont toutes permis de diminuer soit les durées de séjours ou le nombre de journées inappropriées. Les stratégies ayant prouvé leur efficacité sont: le feed-back sur les durées de séjour ou le nombre de journées inappropriées et l’introduction d’instruments spécifiques de planification de la sortie. Il est intéressant de relever que l’effet de ces interventions ciblant les médecins hospitaliers est plus important que celui rapporté par les études impliquant un coordinateur de sortie (décrites dans le chapitre 1.1.4). Cependant, aucune étude n’a directement comparé ces deux approches.

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