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Le rôle de l’accusé de réception

Section 1 : Les modalités de l’acquisition du consentement

C) Le rôle de l’accusé de réception

L’article 1369-5 du Code civil, transposant l’article 11 paragraphe 2 de la directive communautaire de 2000 sur le commerce électronique dispose à que

« L'auteur de l'offre doit accuser réception sans délai injustifié et par voie électronique de la commande qui lui a été ainsi adressée »

                                                                                                                         

233 M Zoia, La notion de consentement à l’épreuve de l’électronique, Gazette du Palais, 17 juillet 2001, n°

Cette disposition renforce encore le formalisme qui préside la formation du contrat électronique. Une nouvelle formalité pèse ainsi sur le vendeur en ligne, ce dernier « doit » accuser réception de la commande, ce qui ne constitue pas une faculté mais une véritable obligation.

L’auteur de l’offre doit en outre envoyer l’accusé de réception promptement ce que traduit l’expression « sans délai injustifié ». La loi ne précise pas la notion mais utilise un standard, il reviendra par conséquent aux tribunaux de préciser selon les cas d’espèces ce que recouvre l’expression. Cependant, comme le souligne David Noguero234, la loi semble privilégier « un temps de réaction raisonnable, le plus proche possible de la communication du destinataire, bref, autant que faire ce peut ».

L’auteur de l’offre s’il doit ainsi accuser réception de la commande « sans délai injustifié » signifie à l’inverse que s’il justifie d’un motif légitime expliquant le retard dans l’émission de l’avis de réception de la commande, ce dernier pourra être excusé. On entend par motif légitime le cas de force majeure par exemple, en revanche la négligence de l’auteur de l’offre ou encore une faute intentionnelle ou dolosive, ne constitueront pas des excuses valables.

                                                                                                                         

234 D Noguero, L’acceptation dans le contexte électronique. Au cœur du commerce électronique-Etudes

David Noguero235 estime que si le contenu de l’accusé de réception n’est pas précisé explicitement par la loi, il est en revanche suggéré. Il doit en effet traduire le fait que l’offre émise a été acceptée. Ainsi, l’avis de réception pourrait consister en une phrase simple telle que « nous avons bien reçu votre commande » ou mieux encore récapituler la commande.

On peut s’interroger sur le rôle de cet accusé de réception qui n’existe pas en droit commun des contrats et dont un auteur a pu dire qu’il « faisait figure d’appendice théoriquement étrange » au regard des catégories juridiques traditionnelles d’offre et d’acceptation236.

Cet accusé de réception joue au minimum un rôle informatif dans la mesure où il permet au client de savoir que le vendeur a reçu son acceptation et que le contrat est ainsi conclu.

Philippe Stoffel Munck considère que le rôle de l’accusé de réception varie selon que le client a reçu une offre stricto sensu c'est-à-dire une proposition ferme de contracter ou alors une offre assortie de réserves ou de conditions de validité déterminées.

                                                                                                                         

235 D Noguero, L’acceptation dans le contexte électronique. Au cœur du commerce électronique-Etudes

réunies par JC HAULLOIN et H CAUSSE, LGDJ 2005, p 49

236 P Stoffel Munck, LCEN, la réforme des contrats du commerce électronique, CCE, n°9, septembre

Dans le premier cas, si le pollicitant n’a pas manifesté fermement la volonté de contracter mais a émis une simple proposition, le destinataire de celle-ci lorsqu’il manifeste son intention de contacter devient l’offrant au sens civiliste du terme. L’accusé de réception dans ce cas pourrait jouer le rôle d’une confirmation de commande, et ce serait selon l’auteur, ce message qui formerait le contrat. En d’autres termes, l’accusé de réception pourrait tenir lieu d’acceptation, à la condition qu’il manifeste fermement l’intention de son auteur de conclure le contrat.

Philippe Stoffel Munck réfute cette analyse au motif qu’elle viole le principe de la liberté contractuelle. En effet, comment pourrait on imposer au professionnel d’émettre une acceptation (l’accusé de réception) s’il na pas exprimé la volonté d’être lié.

Finalement, si l’offre est assortie de réserves ou conditionnelle l’accusé de réception ne serait « qu’une formalité sans portée de fond ».

A l’inverse, la portée de l’accusé de réception diffère lorsque l’on se trouve en présence d’une offre au sens civiliste du terme et que le contrat a été formé par l’acceptation de celle-ci. Philippe Stoffel Munck considère dans cette hypothèse que l’accusé de réception qui constate la formation du contrat joue un rôle probatoire et est fort utile. En effet, si le client ne reçoit pas sa commande, en l’absence d’accusé de réception de celle ci, il ne se trouve dans l’impossibilité de prouver que le contrat a été conclu. Il pourra certes avoir archivé la page qui contenait l’offre mais il ne sera pas en mesure de prouver qu’il a effectivement accepté celle-ci. Dans ce contexte, l’accusé de réception

apporte la preuve formelle que l’acceptation a bien été reçue par l’émetteur de l’offre et que partant le contrat est conclu.

Cette disposition s’avère là encore protectrice du cyber-client, même si comme le remarque un auteur, le législateur ne va pas au bout de sa logique protectrice : en effet la loi ne prévoit pas de sanction en cas de violation par le professionnel de cette obligation237. Dans le silence de la loi, certains auteurs préconisent implicitement un renvoi au droit commun, notamment à l’engagement de la responsabilité du professionnel dans la mesure où l’absence de l’accusé de réception est susceptible de causer un préjudice au destinataire de l’offre238. Anne Penneau envisage même la nullité du contrat239, position qui semble quelque peu extrémiste240.

On peut également s’interroger sur la valeur de l’accusé de réception au regard de la formation du contrat. Il faut au préalable s’interroger sur le moment exact de la rencontre de l’offre et de l’acceptation qui marque la conclusion du contrat électronique.

                                                                                                                         

237 C Castet Renard, Le formalisme du contrat électronique ou la confiance décrétée, Defrénois 2006, p.

1529 à 1551

238 P Stoffel Munck, LCEN, la réforme des contrats du commerce électronique, Comm Com Elect, n°9,

septembre 2004, Etude 30

239 A Penneau, Contrat électronique et protection du cybercontractant , du code de la consommation au

code civil, LPA, 13 mai 2004, n°96, p 3

240 D Noguéo, L’acceptation dans le contrat électronique. Au cœur du commerce électronique-Etudes