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Un législateur hésitant concernant la valeur probatoire des écrits électroniques

Section 1 : La reconnaissance de l’écrit électronique ad probationem

A) Un législateur hésitant concernant la valeur probatoire des écrits électroniques

La confrontation du droit de la preuve français aux nouvelles manifestations de l’écrit telles que les écrits transmis à distance, les écrits démultipliés ou encore les écrits archivés sur support photographique a véritablement commencé lors de l’examen de la loi du 12 juillet 1980 relative à la preuve des actes juridiques43. Le législateur a en effet été amené à se prononcer concernant la valeur probante des photocopies, des télécopies ou encore des microfilms.

                                                                                                                         

43 Loi n° 80-525 du 12 juillet 1980 relative à la preuve des actes juridiques, Journal Officiel du 13 juillet

Cette réforme a été l’occasion d’adapter certaines règles relatives à la preuve afin que ces nouvelles formes d’écrits acquièrent une valeur juridique.

L’article 134144 du Code civil exige ainsi pour certains actes juridiques la constitution d’un écrit, ce dernier prévalant sur la preuve testimoniale en cas de litige ultérieur.

Il existe cependant des dérogations au principe. En effet, dans certains cas, les parties peuvent être dispensées de produire la preuve écrite d’un acte juridique par exemple lorsqu' une des parties n'a pas eu la possibilité matérielle ou morale de se procurer une preuve littérale de l'acte juridique ou encore lorsqu’elle a perdu le titre qui lui servait de preuve littérale, par suite d'un cas fortuit ou d'une force majeure45.

Lors de cette réforme, le législateur a admis à l’article 1348 du Code civil que les règles exigeant la constitution d’un écrit en matière probatoire pouvaient être écartées lorsqu'une partie ou le dépositaire d’un acte juridique n'avait pas conservé le titre

                                                                                                                         

44 L’article 1341 du Code civil dispose « Il doit être passé acte devant notaires ou sous signatures privées

de toutes choses excédant une somme ou une valeur fixée par décret, même pour dépôts volontaires, et il n'est reçu aucune preuve par témoins contre et outre le contenu aux actes, ni sur ce qui serait allégué avoir été dit avant, lors ou depuis les actes, encore qu'il s'agisse d'une somme ou valeur moindre.

Le tout sans préjudice de ce qui est prescrit dans les lois relatives au commerce »

45L’article 1348 du Code civil modifié par la Loi n°80-525 du 12 juillet 1980, art. 7 v. init dispose « Les

règles ci-dessus reçoivent encore exception lorsque l'obligation est née d'un quasi-contrat, d'un délit ou d'un quasi-délit, ou lorsque l'une des parties, soit n'a pas eu la possibilité matérielle ou morale de se procurer une preuve littérale de l'acte juridique, soit a perdu le titre qui lui servait de preuve littérale, par suite d'un cas fortuit ou d'une force majeure.

Elles reçoivent aussi exception lorsqu'une partie ou le dépositaire n'a pas conservé le titre original et présente une copie qui en est la reproduction non seulement fidèle mais aussi durable. Est réputée durable toute reproduction indélébile de l'original qui entraîne une modification irréversible du support ».

original et présentait une copie qui en était la reproduction non seulement fidèle mais aussi durable.

Au terme de cet article, toute reproduction indélébile de l’original entrainant une modification irréversible du support constituait un original.

Certes, la loi du 12 juillet 1980 n’a pas conféré de façon explicite aux nouvelles manifestations de l’écrit telles que les photocopies une valeur probante identique à celle de l’écrit original. Cependant, en admettant que la reproduction fidèle et durable d’un écrit papier pouvait être admise en preuve au même titre que l’original lorsque celui-ci ne pouvait pas être produit, la loi lui a conféré de fait, la valeur d’un original. Cette réforme a-t-elle pour autant conféré aux nouvelles manifestations de l’écrit la même valeur probatoire que l’écrit sur support papier ?

Cette réforme qui avait pour objectif d’apporter notamment aux banques et aux assurances des solutions à leurs problèmes en matière d’archivage, a rempli son objectif sans qu’il soit nécessaire de s’interroger davantage sur la valeur juridique et plus particulièrement probante des nouvelles manifestations de l’écrit. Certains auteurs ont ainsi estimé qu’elle constituait en réalité une « dérobade »46 du législateur, ce dernier ne souhaitant pas réformer le droit de la preuve pour l’adapter aux nouvelles manifestations de l’écrit, et plus particulièrement aux nouvelles technologies de l’information et de la communication, qui il faut le reconnaitre, étaient à l’époque émergeantes.

                                                                                                                         

46 JF Blanchette, Modernité et intelligibilité du droit de la preuve français, Blanchette, Communication

Face aux incertitudes persistantes concernant la valeur probante des nouvelles techniques de communication, la jurisprudence a du se prononcer sur deux points : les nouveaux procédés de communication pouvaient ils être admis au rang de preuve lorsque l’écrit n’était pas exigé de façon spécifique. D’autre part, lorsque la préconstitution d’une preuve écrite était requise par la loi, les juges ont du se prononcer sur le point de savoir si les nouveaux procédés de communication ressortissaient ou non aux preuves littérales telles que le Code civil les concevait. Il faut reconnaitre que la jurisprudence a fait preuve en la matière d’une faculté d’adaptation appréciable47 face au silence gardé par le législateur.

B) Une jurisprudence audacieuse concernant l’admission au rang de preuve