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Rôle des agrégats dans les écoulements granulaires

Le comportement rhéologique d'une assemblée de grains monodisperses et sans co- hésion est assez bien connu [43, 44, 71]. L'état de cisaillement de grains de masse m soumis à une pression P et un taux de cisaillement ˙γ est contrôlé par un seul nombre sans dimension, le nombre inertiel I :

I = ˙γ r

m

P (7.5)

Le comportement rhéologique de tels grains peut alors s'exprimer sous une forme frictionnelle par une relation linéaire entre le coecient de frottement eectif et le nombre inertiel :

4 6 8 10 12 0.5 1.0 1.5 2.0 y p ( c m ) 3.0 3.5 4.0 4.5 V p ( m s - 1 ) (c) 34 36 38 40 0 5 10 15 20 . H (cm) (°) n ( s - 1 ) . (d) 200 400 600 800 p ( s - 1 ) (a) (g) (h) (e) (b) (f)

Fig. 7.2  Eet de la pente et de l'épaisseur sur les paramètres des prols de vitesse : (a) et (b) taux de cisaillement ˙γp, (c) et (d) épaisseur yp, (e) et (f) vitesse à l'interface Vp,

(g) et (h) taux de cisaillement ˙γn; Epaisseur H ≈ 8.5cm : campagne 8 (N), H ≈ 10cm :

campagnes 7 (•) et 10 (H), H ≈ 11.5cm : campagnes 5 (¥) et 13 (¨) ; Pente θ = 37◦ :

campagne 9 (◦) et 13a (M), θ = 35.5◦ : campagnes 6 (¤) et 13b (O), θ = 38 : campagne

µ∗(I) ' µ∗min+ bI (7.6) Comme la neige est un matériau granulaire dont les contacts cohésifs conduisent à la présence d'agrégats dans les écoulements, il s'agit maintenant de comprendre en quoi ces agrégats peuvent modier le comportement rhéologique d'une assemblée de grains. Cette partie résume le comportement rhéologique de deux types de matériaux granulaires : d'une part une assemblée de grains cohésifs de même taille et d'autre part un mélange bidisperse de grains non cohésifs. Ces comportements ont été déterminés par les simulations numériques discrètes d'écoulements dans deux géométries : le cisaillement plan et le plan incliné.

7.2.1 Grains cohésifs et monodisperses

Le premier système étudié est une assemblée de grains cohésifs de même taille. Il ap- paraît que la force de cohésion modie signicativement le comportement rhéologique de l'assemblée et conduit à une agrégation des grains en écoulement. Cette section rappelle l'eet de la cohésion sur la loi de comportement des grains en précisant le rôle joué par les agrégats. Ces résultats sont présentés plus en détail dans le chapitre 5.

Modèle de cohésion

Diérents modèles, détaillés dans le chapitre 2, représentent les multiples origines physiques des forces cohésives entre grains. L'approche adoptée consiste à considérer un modèle de cohésion aussi simple que possible qui représente la caractéristique la plus importante des forces cohésives : la résistance d'un contact à la traction. Les grains considérés interagissent par contacts directs. Sans cohésion, la force normale au contact est reliée à l'interpénétration h par une répulsion viscoélastique. Le modèle de cohésion consiste à opposer à cette répulsion une force qui tend à rapprocher les grains. La forme retenue de cette force adhésive est la suivante : Na(h) =4k

nNch de sorte que la force

normale totale s'écrit :

N (h) = knh + ζ ˙h −

p

4knNch. (7.7)

Ce modèle de cohésion conduit à une résistance des contacts à la traction Ncet les grains

peuvent se coller et se décoller pendant l'écoulement. Il semble que la forme précise de Na(h) n'inue pas les comportements mesurés.

Comportement rhéologique

L'intensité de la cohésion des grains cohésifs soumis à une pression P est contrôlée par un nombre sans dimension :

η = Nc

qui compare la résistance maximale à la traction d'un contact avec la force caractéristique liée à la pression. Cette analyse dimensionnelle permet d'exprimer simplement l'eet de la cohésion sur le comportement rhéologique d'une assemblée de grains. La loi de comportement peut alors s'écrire sous une forme similaire à celle des grains sans cohésion (Figure 7.3 (a,b)) :

µ∗(I, η) ' µ∗min(η) + b(η)I. (7.9)

L'eet de la cohésion est alors représenté par les deux fonctions µ∗

min(η) et b(η) qui

ont une forme similaire : elles restent constantes tant que la cohésion est inférieure à un seuil (η . 10) puis augmentent fortement (Figure 7.3 (c)).

Pour cisailler des grains non cohésifs en écoulement dense, il faut les faire passer les uns par dessus les autres et les forces normales répulsives s'y opposent tant que le contact est dans la direction π < θ < π/2. En présence de cohésion, cette résistance au cisaillement due aux forces répulsives existe toujours dans la zone π < θ < π/2 mais il s'y ajoute l'eet des forces attractives dans la zone π/2 < θ < 0 (Figure 7.4 (a)) : une fois le grain escaladé, il faut encore briser le contact. Le mécanisme élémentaire d'augmentation du frottement du à la cohésion est que, pour cisailler les grains, il faut rompre des contacts d'autant plus résistants que la cohésion est forte.

Echec d'une vision de type Rumpf-Coulomb

Pour décrire l'inuence d'une force de cohésion sur la résistance à la rupture d'une assemblée de grains, H. Rumpf a proposé le raisonnement suivant [172, 167] : pour briser le matériau, il faut ajouter à la composante coulombienne la résistance à la traction de tous les contacts (voir Chapitre 2). Ainsi, le coecient de frottement µ∗

c, rapport de la

contrainte maximale supportée par l'assemblée de grains et la pression imposée, s'écrit (en deux dimension) :

µ∗C(Nc) = µ∗C(Nc= 0) + ZνNc

πP d (7.10)

où νZ, produit de la compacité et du nombre de coordination, représente la densité de contact de l'assemblée. Ce raisonnement a été testé en quasi-statique dans [193, 1]. En tenant un raisonnement analogue dans le cas où le matériau s'écoule et en considérant une compacité typique de l'ordre de 0.7 et un nombre de coordination typique de l'ordre de 2, le coecient de frottement eectif devrait vérier :

µ∗(η) ≈ µ∗(η = 0) + 0.5η. (7.11)

Or, si µ∗ augmente bien avec la cohésion, les plus grandes valeurs mesurées, atteintes

pour η = 85, sont de quelques unités alors que le raisonnement de Rumpf prédit des valeurs supérieures d'un ordre de grandeur.

Existence et rôle des agrégats

En parallèle à l'augmentation du coecient de frottement eectif, la cohésion pro- voque une agglomération des grains qui conduit à une augmentation des hétérogénéités

0.0 0.1 0.2 0.3 0.0 0.5 1.0 1.5 2.0 0.1 1 10 100 0 2 4 6 0.1 1 10 100 0.5 1.0 1.5 2.0 * 0.1 1 10 100 0.0 0.5 1.0 1.5 2.0 m in (a) (b) (c) 0 1 2 3 4 5 b * I (d) 0

Fig. 7.3  Rhéologie des grains cohésifs : (a) µ∗(I) pour η= 0 (¤), 10 (◦), 30 (M), 50

(O), 70 (¦) ; (b) µ∗(η) pour I = 0.01 (¤), 0.025 (◦), 0.05 (M), 0.1 (O), 0.2 (¦), 0.3 (/) ;

(c) paramètres de l'ajustement linéaire de µ∗(I)en fonction de l'intensité de la cohésion :

µ∗min(η) (¤)et b(η) (◦) ; (d) taille caractéristique `ν(η)des agrégats (corrélation du champ

de compacité locale) pour I = 0.01 (¤), 0.025 (◦), 0.05 (M), 0.1 (O), 0.2 (¦), 0.3 (/).

de la microstructure : les grains s'organisent en une assemblée d'agrégats connexes qui se forment, se déforment et se brisent au cours de l'écoulement. Une double échelle de granularité apparaît alors : celle liée aux grains et celle liée aux agrégats. Une façon de quantier la taille de ces agrégats est de mesurer la longueur typique `ν des corrélations

du champ de compacité locale. D'autres indicateurs existent et donnent qualitativement les mêmes résultats : la taille typique des agrégats `ν reste inchangée pour (η . 10) puis

augmente fortement (Figure 7.3 (d)).

L'existence de ces agrégats joue un rôle crucial dans le comportement rhéologique des grains cohésifs. En eet, pour cisailler l'assemblée de grains, il n'est plus nécessaire de briser en même temps toutes les liaisons cohésives, ce qui est supposé dans la vision Rumpf-Coulomb, mais simplement celles qui relient les agrégats entre eux (Figure 7.4 (b)). Par conséquent, seules les liaisons à l'interface entre deux agrégats résistent au cisaillement pendant que les liaisons entre grains internes ne sont pas sollicités. Cette vision est très simplicatrice puisqu'elle ne prend pas en compte la déformation des agré-

gats pendant l'écoulement, c'est à dire la sollicitation des contacts internes. Cependant, elle fournit une explication à la diérence d'ordre de grandeur entre une vision de type "Rumpf" et les mesures réalisées.

(b) P V Répulsion P V (a) Attraction

Fig. 7.4  Schémas de principe de l'origine du frottement en présence de cohésion : (a) sans agrégats et (b) avec agrégats (les grains noirs sont ceux qui relient les deux agrégats).

7.2.2 Grains bidisperses non cohésifs

Le second système étudié est un mélange bidisperse de grains sans cohésion. Les grains sont des disques viscoélastiques frottants de deux tailles : petits ou gros. Les gros grains jouent le rôle d'agrégats indéformables et incassables. Le mélange est alors caractérisé par deux nombres sans dimension : le rapport de taille entre gros et petits grains (Dr), et la proportion surfacique de gros grains (Sr). Mais il apparaît que le

comportement de ce type de matériaux ne dépend que d'un paramètre : le diamètre moyen D du mélange. Le comportement peut alors s'écrire de la même manière que celui des grains monodisperses, mais en considérant un nombre inertiel exprimé en fonction du diamètre moyen du mélange :

( µ∗(I, η) ' µ min+ bID, Avec ID = ˙γD q ρp P. (7.12)

7.3 Ecoulements sur plan incliné : comparaison entre la