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La présence d'agrégats de grande taille apparaît donc comme une origine possible du prol de vitesse bicisaillé mesuré pour les écoulements de neige qui seraient alors composés de grains isolés dans la couche basale et d'un mélange de grains isolés et d'agrégats dans la couche supérieure. Cette vision bicouche de l'écoulement est confortée d'une part par l'observation d'agrégats dans la couche supérieure qui persistent tout le long du canal,

et d'autre part par l'observation d'une ne couche de grains isolés qui restent piégés par la rugosité à la n de l'écoulement.

7.4.1 Pourquoi une vision bicouche

Origine des agrégats

Le manteau neigeux se présente initialement sous la forme d'une assemblée de pe- tits grains de glace (diamètre d'environ 0.2mm) collés entre eux par des ponts de glace plus ou moins résistants et nombreux selon l'état de transformation de la neige. Lors des diérentes étapes de préparation, de nombreux ponts de glace sont brisés, mais certains existent encore au début de l'écoulement. Comme la croissance de ces ponts est un pro- cessus lent (quelques heures [106, 35]), il n'ont vraisemblablement pas le temps d'évoluer pendant l'écoulement, mais ils peuvent se briser.

Après l'arrêt d'un écoulement dans le canal, la neige forme rapidement (en moins d'une seconde) un bloc solide. Il apparaît donc un mode de cohésion susamment rapide pour former des agrégats pendant l'écoulement. Une origine possible de cette cohésion est la présence à la surface des grains d'une ne couche d'eau liquide (quelques diamètres moléculaires), même à des températures négatives, qui se solidie lors d'un contact entre deux grains et forme ainsi un pont solide [212].

Origine de l'organisation en deux couches

Quelle que soit leur origine, les agrégats sont bien présents dans les écoulements, tout comme dans les avalanches réelles. Mais pourquoi se trouveraient-ils préférentiellement dans la couche supérieure ?

Le premier mécanisme possible est la ségrégation des agrégats vers le haut. Mais compte tenu du faible taux de cisaillement, donc de la faible agitation dans la couche supérieure, cette ségrégation n'a sans doute pas le temps d'opérer dans les quelques se- condes que met l'écoulement à parcourir le canal. Par ailleurs, aucun mouvement convectif n'a été observé à la surface : les agrégats visibles à la surface le restent tout le long de l'écoulement.

Le second mécanisme possible est que la composition de l'écoulement est initialement homogène : les agrégats occupent toute l'épaisseur de l'écoulement, mais ceux qui entrent en contact avec la rugosité s'érodent et forment ainsi la couche basale de grain isolé. Ce mécanisme, plus que la ségrégation, semble pouvoir expliquer la présence préférentielle des agrégats dans la couche supérieure.

7.4.2 Réponses apportées par la vision bicouche

La vision bicouche de l'écoulement peut expliquer la diérence de comportement mesurée entre les couches basales et supérieures : les couches se comportent diéremment puisque le matériau qui les constitue est diérent.

Ordre de grandeur des taux de cisaillement

Le taux de cisaillement de la couche basale ˙γp est largement supérieur à celui de la

couche supérieure ˙γn. Dans une couche basale constituée de grains isolés, l'échelle de taux

de cisaillement liée à la gravité est ˙γp =

p

g/doù d est la taille des grains isolés. Pour une taille de grains isolé d = 0.1mm, l'ordre de grandeur du taux de cisaillement lié à la gravité ˙γp = 300s−1 correspond aux mesures. Dans la couche supérieure constituée d'agrégats

de taille D, l'échelle de taux de cisaillement liée à la gravité s'écrit : ˙γn =

p

g/D. Pour une taille d'agrégats de quelques centimètres (D = 5cm), l'ordre de grandeur du taux de cisaillement lié à la gravité ˙γn∼ 15s−1 correspond aux mesures.

Couche supérieure

Les mesures montrent que le taux de cisaillement ˙γn, constant dans la couche supé-

rieure, augmente avec la pente θ, diminue lorsque l'épaisseur H augmente et dépend du type de neige.

La taille des agrégats est limitée par l'épaisseur H de l'écoulement. Plus les écou- lements sont épais, plus il est probable qu'ils contiennent de gros agrégats, donc plus le taux de cisaillement lié à la gravité diminue. En estimant la taille des agrégats par l'épaisseur de l'écoulement, le taux de cisaillement lié à la gravité ˙γg =

p

g/H prédit bien une décroissance du taux de cisaillement avec H, tout en permettant ˙γn(y)constant dans

la couche supérieure. Selon le type de neige considéré, les liaisons solides entre les grains sont plus ou moins résistantes et nombreuses. Par conséquent, la distribution des tailles d'agrégats varie d'un type de neige à un autre, ce qui explique le fait que ˙γn dépende du

type de neige. Couche basale

Les mesures montrent que le taux de cisaillement moyen de la couche basale ˙γp

augmente avec la pente θ ainsi qu'avec l'épaisseur H et ne dépend pas du type de neige. La couche basale est composée de grains de glace isolés. Si la nature des liaisons varie entre les diérents types de neige, les grains, eux, ne changent pas signicativement. Les propriétés de la couche basale ne dépendent donc pas du type de neige considéré. Comme la couche basale est ne, les variations de pression y sont négligeable comparée à la pression moyenne qui y règne P ≈ ρgHcosθ. L'état de cisaillement est donc quasi homogène, µ∗ = tan θ et P étant imposés. L'hypothèse que cette zone de l'écoulement

se comporte comme des grains monodisperses et sans cohésion donne lieu à la prédiction suivante pour le taux de cisaillement :

µ∗ = µ∗s+ b ˙γp r m P ⇒ ˙γp = tan θ − µ∗s b p ρgHcosθ (7.15)

qui est en accord qualitatif avec les tendances mesurées : ˙γp augmente avec l'épaisseur

H de l'écoulement ainsi qu'avec la pente.