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CHAPITRE 1 : REVUE BIBLIOGRAPHIQUE

I. Les dispositifs composites pour l’ingénierie tissulaire

I.2. Le rôle et le contrôle de la délivrance moléculaire

Un système de délivrance moléculaire peut être défini comme une formulation ou un dispositif qui permet l'introduction d'un principe actif dans un biomatériau, souvent distribué au sein de l'organisme, afin d'améliorer son efficacité par contrôle de la vitesse et du lieu de libération de la molécule. Le principe actif sera alors délivré à une concentration choisie et sur une durée prédéterminée en fonction de l’application souhaitée. Le principe actif peut être une protéine, un peptide, un gène ou un médicament79. Pour créer un système de délivrance moléculaire, différentes techniques peuvent être utilisées. La molécule d’intérêt peut être :

apportée par la surface du matériau, où elle est en général greffée de manière stable et permanente,

confinée au cœur du matériau, au sein d’une partie « réservoir », où elle est encapsulée et d’où elle sera délivrée.

I.2.1. Le greffage

Le greffage covalent d’une molécule biologique permet l’exposition de fonctions de cette biomolécule pour améliorer les interactions biomatériau-environnement et biomatériau-cellules. La création d’une liaison covalente résulte en un recouvrement plus efficace du matériau et une

rétention de la molécule d’intérêt sur une période plus longue que dans le cas d’une adsorption physique.

L’une des utilisations du greffage de biomolécules à la surface d’un matériau est la vectorisation. La vectorisation est un domaine de la délivrance moléculaire ayant pour objectif d’apporter dans un lieu choisi du corps humain une molécule. Les supports utilisés en vectorisation sont des particules de taille micrométrique ou nanométrique dont la surface est couverte de manière covalente par de nombreuses molécules80. Les principaux problèmes dans le développement de biomatériaux pour la vectorisation sont le passage de barrières naturelles ou chimiques du corps humain, telles que la barrière hémato-encéphalique ou l’estomac dû à son pH acide, mais également le ciblage de la zone d’intérêt. En effet, le recours à la vectorisation permet d’améliorer la biodistribution du principe actif, le meilleur ciblage vers les tissus pathologiques et la meilleure protection des tissus sains. La vectorisation peut être utilisée dans le cadre du diagnostic ou de la thérapie. Des nanoparticules PEGylées composées d’un copolymère amphiphile ont par exemple montré leur capacité à pénétrer la barrière hémato-encéphalique chez le rat, aussi bien dans le cas d’un cerveau sain que dans le cerveau d’un rat atteint d’un glioblastome, par administration intraveineuse81. La vectorisation peut également être utilisée pour le diagnostic et la thérapie : la théranostique. Ainsi, des nanoparticules à base d’oxydes de fer, dont la surface a été recouverte par des groupements folates, ont été développées. Ces nanoparticules ont présentées la capacité à reconnaître les cellules tumorales, puis l’induction d’un champ magnétique permettrait l’augmentation locale de la température, provoquant des dommages irréversibles chez les cellules exposées82.

I.2.2. L’encapsulation

La délivrance d’une biomolécule pour bioactiver un matériau peut également s’effectuer par encapsulation. Cela consiste à piéger la molécule d’intérêt au sein du biomatériau. Il peut s’effectuer par diffusion du principe actif du milieu environnant vers l’intérieur du matériau ou bien en même temps que la formation du biomatériau.

Le piégeage de biomolécules au sein d’un biomatériau après synthèse de celui-ci consiste à incuber le biomatériau dans une solution contenant la biomolécule d’intérêt. Le principe actif diffusera à l’intérieur du matériau conduisant à son piégeage. Cette technique est facile à mettre en œuvre et permet de ne pas soumettre la biomolécule aux réactions chimiques permettant la formation du biomatériau, pouvant induire une perte d’activité de cette biomolécule. L’utilisation de biomatériau poreux, tels que les hydrogels permet d’augmenter les zones de réservoir du principe actif83. Par

exemple, le piégeage de gentamicine au sein d’un biomatériau a été effectué par dépôt d’une solution de l’antibiotique sur le matériau puis par lyophilisation du matériau. Le relargage progressif sur un jour de la gentamicine a permis la réduction significative de l’adhérence bactérienne et de la formation de biofilm de Staphylococcus epidermidis. De plus, une amélioration de la survie et de la prolifération de cellules de moelle osseuse humaine a été observée sur les matériaux contenant de la gentamicine84. De l’argent ou de l’iode, piégés au sein de structure de chitosan par interaction ionique, ont mis en évidence une activité antimicrobienne importante sur Echerichia coli sur plusieurs heures, ainsi qu’une faible cytotoxicité du matériau85.

Une autre technique consiste à inclure le principe actif dans la solution de précurseurs puis de former le biomatériau. L’encapsulation d’ADN au sein d’un hydrogel de fibrine a par exemple été effectuée avec succès par ajout d’ADN à une solution contenant le fibrinogène et la thrombine. Des fibroblastes NIH/3T3 ont également été encapsulés dans le matériau. Cette solution de précurseurs a ensuite été incubée à 37°C pendant 1h pour permettre la polymérisation de l’hydrogel de fibrine. Un relargage progressif de l’ADN encapsulé a été observé sur 2 semaines et un maintien de l’expression sur 10 jours (Figure 11)86. L’encapsulation d’argent ou d’huile de théier dans des hydrogels de chitosan a permis de mettre en évidence une activité antimicrobienne, faisant de ces matériaux de bons candidats pour le développement de pansement antimicrobien54.

Figure 11 : (A) Représentation schématique du protocole utilisé pour la formation d’un hydrogel de fibrine permettant l’encapsulation d’ADN et de cellules et (B) relargage progressif de l’ADN encapsulé dans ces hydrogels86.

L’encapsulation de principe actif au sein de biomatériau ou le greffage de celui-ci à la surface de particules ouvrent donc une nouvelle porte à la modification de la bioactivité d’un matériau. Différents types de particules développées pour la délivrance existent permettant l’encapsulation d’un très grand choix de molécules de nature différente.