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CHAPITRE 1 : REVUE BIBLIOGRAPHIQUE

III. Stratégies mises au point pour la survie des cellules au sein d’un hydrogel

III.3. Apport de glucose in situ

III.3.1. Les polymères de glucose comme réservoir de glucose

a. Le glycogène

Le glycogène est un sucre de réserve chez les animaux découvert pour la première fois par Claude Bernard en 1857185. Les principaux lieux de stockage du glycogène se situent au niveau du foie et des muscles, même si la plupart des autres cellules stockent de faibles quantités de glycogène pour leur propre usage. La fonction du glycogène musculaire est de servir de réserve de carburant pour la synthèse d’ATP lors de la contraction musculaire, alors que celle du glycogène du foie est de maintenir la concentration de glucose dans le sang. Le glycogène peut être extrait par broyage du foie ou des muscles186.

Le glycogène est un polysaccharide à chaîne ramifiée constitué exclusivement de α-D-glucose. La liaison glycosidique primaire est une liaison α-(1,4). Après une moyenne de huit à dix résidus, il

apparait une liaison glucosidique α-(1,6) (Figure 30). Une seule molécule de glycogène peut atteindre une masse de 105 kDa. Les molécules de glycogène existent dans des granules cytoplasmiques qui contiennent également la majorité des enzymes nécessaires à la synthèse, telles que la glycogène synthase et l’amylo-α-(1,4),α-(1,6)-transglucosidase (responsables respectivement de la formation des liaisons glucosidique α-(1,4) et des liaisons glucosidique α-(1,6)), et à la dégradation du glycogène, telles que la glycogène phosphorylase et l’amylo-α-(1,6)-glucosidase (responsables respectivement de l’hydrolyse des liaisons glucosidique α-(1,4) et des liaisons glucosidique α-(1,6))184,187.

Figure 30 : Structure du glycogène mettant en évidence les liaisons glycosidiques α-(1,4) et α-(1,6)184.

La biosynthèse et la biodégradation du glycogène permet donc soit de stocker le glucose, soit d’en produire suivant la demande cellulaire. Cette dégradation s’effectue selon deux modes : la réduction des chaînes et le débranchement au niveau des liaisons α-(1,6). La réduction des chaînes s’opère par le clivage successif des liaisons α-(1,4) depuis les extrémités non réductrices du glycogène par la glycogène phosphorylase produisant du glucose-1-phosphate. Celui-ci est converti dans le cytosol en glucose-6-phosphate qui sera par la suite converti en glucose. Le débranchement au niveau des liaisons α-(1,6) s’effectue par l’oligo-α-(1,4)-α-(1,6)-glucan transferase et l’amylo-α-(1,6)-glucosidase184,186.

b. L’amidon

L’amidon est un sucre de réserve chez les végétaux et une importante source glucidique chez l’homme. Il est souvent extrait du maïs, de la pomme de terre, du blé ou du riz et est organisé sous forme de grains visibles par coloration à l’iode. L’amidon est composé de deux types de polymères de glucose liés entre eux par des liaisons α-(1,4) glycosidiques : l’amylose et l’amylopectine (Figure 31)188,189.

Figure 31 : Représentation schématique de (A) la structure de l’amylose en hélice et (B) la structure de l’amylopectine en arbre. Chaque rond bleu représente schématiquement un résidu glucosidique188.

L’amylose, composée d’une chaîne linéaire de glucose qui s’organise en hélice, apporte la nature cristalline à l’amidon et représente environ 30% de la masse totale sèche en amidon. Au contraire, l’amylopectine est un polymère branché de glucose représentant 70% de la masse en amidon et apportant une nature amorphe à l’amidon. Ces proportions peuvent varier suivant la provenance de l’amidon. L’amylopectine est constituée d’unités glucosidiques rattachées par des liaisons α-(1,4) qui portent des ramifications reliées les unes aux autres par des liaisons α-(1,6). Elle contient des groupes de résidus de 12 à 20 glucoses formant des clusters. Ces clusters sont reliés entre eux par des chaînes plus longues formées de 40 ou plus d’unités de glucose qui relient deux ou plusieurs clusters. Cette distribution permet l’organisation d’un grain d’amidon de nature semi-cristalline. A l’intérieur du grain, les chaînes courtes formées de liaisons α-(1,4) forment des doubles hélices. Elles s’organisent ensuite ensemble pour former des structures lamellaires cristallines. Les lamelles cristallines sont séparées par des lamelles amorphes contenant des points de branchement donnant des zones semi-cristallines organisées par alternance entre des lamelles cristallines et amorphes. Les grains d’amidon sont eux-mêmes organisés en couches par alternance de zones semi-cristallines et amorphes (Figure 32)189.

Figure 32 : (A) Section fine d’un grain d’amidon de maïs et (B) représentation schématique de l’alternance de cercles semi-cristallins et amorphes189.

Cette structure particulière confère aux grains d’amidon des propriétés de biréfringence positive caractérisées en lumière polarisée par le phénomène de croix noire, appelée croix de Malte (Figure 33)190.

Figure 33 : Grain d’amidon de maïs observé au microscope à lumière polarisée mettant en évidence la croix de Malte190.

Les structures du glycogène et de l’amidon peuvent paraître très proches. Cependant, le nombre de ramifications diffère entre ces deux polysaccharides. Dans le glycogène, les ramifications sont présentes environ tous les dix résidus glucose tandis que dans l'amidon, elles sont présentes environ tous les trente résidus, différenciant ainsi la structure de ces deux polysaccharides.

Le métabolisme de l’amidon (biosynthèse et biodégradation) implique l’action conjointe et contrôlée de nombreuses enzymes incluant les enzymes synthases (STS et GBS), les enzymes de branchement (SBE), les enzymes de débranchement telles que les isoamylases (ISA) et les limites dextrinases (LDA),

les α-glucan phosphorylases (PHS), les α-amylases (AMY) et les β-amylases (BAM). Les enzymes synthases ont pour rôle la formation des liaisons glucosidique α-(1,4), créant la molécule d’amylose, alors que les enzymes de branchement permettent la formation des liaisons glucosidique α-(1,6) créant l’amylopectine (Figure 34)191.

Figure 34 : Représentation schématique et simplifiée de (A) la biosynthèse et de (B) la biodégradation de l’amidon (inspiré de 191).

c. Choix du polymère de glucose et utilisation

Pour obtenir une source et une production de glucose au sein d’un hydrogel, deux polymères de glucose peuvent être utilisés : le glycogène et l’amidon. Tous deux sont biocompatibles et biodégradables du fait de leur rôle important dans le métabolisme cellulaire (eucaryote ou procaryote). La principale différence entre ces deux polysaccharides réside en leur composition en homopolymères. Le glycogène n’est composé que d’amylopectine alors que l’amidon est composé d’amylose et d’amylopectine. L’amylopectine, structure branchée de manière arborescente, contient des zones amorphes correspondant aux points de branchement et des zones semi-cristallines contenant les liaisons glucosidiques α-(1,4). La structure de l’amylopectine est responsable des propriétés de gélatinisation de l’amidon. Au contraire, l’amylose, structure linéaire, s’organise en hélice de 6 à 8 résidus par tour ce qui lui confère des propriétés hydrophiles externes et hydrophobes internes. Cette structure hélicoïdale apportera des propriétés de rétrogradation à l’amidon, alors que le glycogène qui ne contient pas d’amylose, sera dénué de cette propriété. L’amidon est utilisé

fréquemment dans le domaine industriel, notamment dans l’industrie du papier et dans l’agroalimentaire, grâce à ses propriétés épaississantes et de son faible coût car isolé à partir de céréales ou plantes à racines192.

Bien qu’hydrophile du fait de la présence de nombreux groupements hydroxyles polaires, l’amidon est insoluble dans l’eau froide. En effet, en dessous de 60°C, sa dispersion dans l’eau est réversible et une suspension d’amidon instable et blanche est obtenue, suspension encore appelée lait d’amidon. Il devient soluble après chauffage au-dessus de 60°C environ, température de gélatinisation de l’amidon. Cette température correspond à la température à partir de laquelle la structure granulaire de l’amidon sera modifiée de manière irréversible, conduisant à la perte de la biréfringence et de la solubilisation de l’amidon. Cette température dépend de l’origine de l’amidon et de la teneur en amylose (maïs : 62 à 80°C ; blé : 52 à 85°C ; pomme de terre : 58 à 65°C). A mesure que la température augmente, les grains d’amidon s’hydratent et gonflent, s’accompagnant d’une augmentation de la viscosité de la solution jusqu’à atteindre un pic de viscosité, correspondant au gonflement maximum des grains d’amidon. Une fois les grains gonflés au maximum, ils se déchirent provoquant la libération complète de l’amylose et de l’amylopectine. Cette libération s’accompagne d’une diminution de la viscosité de la solution. Cette solution est appelée empois d’amidon. Lors de la phase de refroidissement, la texture de l’amidon change, la viscosité augmente de nouveau, l’amidon devient opaque et forme un gel. L’amidon tend à retrouver une structure semi-cristalline, structure plus favorable qu’une structure amorphe. Pour cela, les chaînes d’amylose vont se réassocier et former des zones cristallines. Cette réorganisation structurale s’accompagne d’un relargage de l’eau présente, appelé synérèse, permettant une meilleure réorganisation des chaînes d’amylose en structures organisées. Ce phénomène est appelé rétrogradation de l’amidon, aboutissant à un solide ou à une solution suivant la concentration en amidon (Figure 35)192,193.

Figure 35 : Représentation schématique des différentes étapes de la solubilisation de l’amidon en solution aqueuse. La température est représentée en abscisse et la viscosité en ordonnée.

Différentes méthodes peuvent être utilisées pour solubiliser des grains d’amidon. Pour exemple, une solution aqueuse d’amidon est mise à chauffer ou bien autoclavée à 121°C pour dépasser la température de gélatinisation. Une autre technique consiste à effectuer un traitement chimique de l’amidon par dissolution dans du NaOH ou du DMSO par exemple194.