• Aucun résultat trouvé

Le rôle du cadre institutionnel de la politique monétaire

Dans le document UNIVERSITÉ D ORLÉANS THÈSE (Page 141-146)

Adoption du ciblage d’inflation et performances macroéconomiques des économies émergentes :

2.3. Les performances macroéconomiques des pays émergents cibleurs d’inflation : une analyse exploratoire analyse exploratoire

2.4.2. Le rôle du cadre institutionnel de la politique monétaire

Ciblage d'inflation et dette publique Ciblage d'inflation et marché des bons du Trésor Var. dépendante Inf_norm Inf_norm Vol_infnorm Vol_infnorm Inf_norm Inf_norm Vol_infnorm Vol_infnorm IT -1.537** -2.154** -1.192** -1.529*** -2.919* -2.931* -0.250 -1.239

***, **, * représentent respectivement la significativité au seuil de 1%, 5% et 10%.

2.4.2. Le rôle du cadre institutionnel de la politique monétaire

Nous poursuivons notre analyse en nous concentrant désormais sur le rôle potentiel qu’a pu jouer le cadre institutionnel de la politique monétaire dans l’efficacité du ciblage d’inflation. Par cadre institutionnel, nous entendons le dispositif d’ensemble dans lequel est définie et conduite la politique monétaire. En effet, comme le suggèrent les résultats obtenus par Gosselin (2008), il semblerait que les caractéristiques du cadre d’application de la politique de ciblage d’inflation ait pu jouer un rôle non négligeable dans les performances des banques centrales en matière d’inflation. Dans le cadre de notre étude, nous évaluons plus précisément le cadre institutionnel de la politique monétaire à travers trois critères : le niveau d’indépendance de la banque centrale, le degré de flexibilité du taux de change et, la qualité des données statistiques à disposition de l’autorité monétaire. Comme nous l’avons montré dans le premier chapitre de cette thèse, l’indépendance de la banque centrale et la flexibilité du taux de change sont jugées par nombre d’auteurs comme deux conditions primordiales à

128 l’adoption du ciblage d’inflation, alors que la qualité des données statistiques est une condition nécessaire à l’élaboration par la banque centrale de modèles de prévision de l’inflation fiables.

Afin de mesurer l’indépendance de la banque centrale, nous retenons deux indicateurs : l’indicateur d’indépendance légale développé par Cukierman et al. (1992) [CWN Index], ainsi que la quatrième composante de cet indicateur, qui vise à mesurer l’indépendance de l’autorité monétaire dans ses relations financières avec le Trésor public (CBI_LENDING). Cette composante, qui entre pour moitié dans la pondération de l’indicateur d’indépendance globale CWN Index, renvoie aux conditions d’octroi de crédits et d’avances de la banque centrale au Trésor Public. Ces deux indicateurs prennent des valeurs comprises entre 0 et 1, du degré d’indépendance le plus faible au degré d’indépendance le plus élevé.

Sur la base des arguments avancés dans le premier chapitre de cette thèse, nous nous attendons à un renforcement de l’efficacité du ciblage d’inflation avec l’augmentation du degré d’indépendance, soit ߩො ൏ Ͳ. Les résultats des estimations intégrant ces deux mesures d’indépendance de la banque centrale sont reportés dans le tableau 2.7, des colonnes (1) à (4) pour l’indicateur CWN et des colonnes (5) à (8) pour la variable CBI_LENDING. Comme nous pouvons l’observer aux colonnes (2) et (4), contrairement à ce que nous escomptions, les résultats indiquent que le degré d’indépendance légale n’a pas permis de renforcer l’efficacité du ciblage d’inflation, le coefficient ߩො n’étant pas statistiquement significatif53. Ce résultat n’est toutefois pas étonnant si l’on se réfère à l’argument développé par Gerlach (1999), qui soutient que le ciblage d’inflation, en dotant l’autorité monétaire d’un mandat clair de maintien de la stabilité des prix, serait un substitut à l’indépendance légale de la banque centrale. En effet, contrairement aux résultats de l’abondante littérature empirique ayant étudié le lien entre indépendance de la banque centrale et inflation, le coefficient associé à la variable CWN Index ressort non significatif. Dans le même temps, nous pouvons remarquer à la colonne (2) que l’amplitude du coefficient estimé devant la variable binaire ciblage d’inflation apparaît plus élevée en comparaison des résultats précédemment obtenus, ce qui laisse donc supposer que les variables IT et CWN Index se chevauchent54.

53 A noter que nous avons également testé cette relation en nous appuyant sur le taux de rotation des gouverneurs, proxy inverse de l’indépendance de facto de la banque centrale, mais le coefficient ߩො ressort également non significatif aux seuils de risque usuels.

54 Afin de vérifier cette intuition, nous avons ré-estimé les équations des colonnes (2) et (4) en supprimant la variable ܥܹܰܫ݊݀݁ݔ, c’est-à-dire en n’incluant dans les régressions que le terme interactif (ܫܶ ൈ ܥܹܰܫ݊݀݁ݔ).

Les résultats indiquent alors que le coefficient estimé ߩො est négatif et significatif au seuil de 10% dans le cas du niveau d’inflation, mais non significatif pour ce qui est de la volatilité de l’inflation.

129 Plus intéressant, nous trouvons à la colonne (6) que le coefficient estimé devant la variable croisée (ܫܶ ൈ ܥܤܫ̴ܮܧܰܦܫܰܩ) est négatif et significatif au seuil de 10%. Ce résultat, bien que fragile au vu du seuil de significativité, indique que l’efficacité du ciblage d’inflation dans le maintien de la stabilité des prix est renforcée par l’indépendance de la banque centrale dans ses relations financières avec le Trésor public. Cette amplification de l’impact du ciblage d’inflation sur les performances nominales des pays émergents pourrait s’expliquer par une plus grande rigueur du gouvernement dans la gestion des finances publiques, dont la conséquence directe est une moindre pression du déficit public sur l’inflation. En effet, comme le soutiennent notamment Bénassy-Quéré et Pisany-Ferry (1994), une autorité budgétaire ne bénéficiant pas de garanties de financement de la banque centrale ou, de conditions de financement privilégiées par rapport à celles prévalant sur le marché financier, sera incitée à une plus grande discipline budgétaire. Ce résultat renforce par conséquent le résultat précédemment obtenu faisant référence au niveau de dette publique.

Tableau 2.7. Le rôle de l’indépendance de la banque centrale dans les performances nominales du ciblage d’inflation au sein des économies émergentes pour la période 1980-2009: estimateur System-GMM

Ciblage d'inflation et CWN Index Ciblage d'inflation et CBI_LENDING

Var. dépendante Inf_norm Inf_norm Vol_infnorm Vol_infnorm Inf_norm Inf_norm Vol_infnorm Vol_infnorm IT -2.536* -3.561** -0.986** -1.097** -2.879** -2.009*** -1.110** -1.476**

AR(1):p-value 0.00174 0.00181 0.00393 0.00352 0.00136 0.00393 0.000651 0.000670

AR(2):p-value 0.459 0.458 0.188 0.189 0.533 0.709 0.175 0.176

Notes: Les valeurs entre parenthèses représentent les écarts-types corrigés par la méthode de Windmeijer.

***, **, * représentent respectivement la significativité au seuil de 1%, 5% et 10%.

130 Le degré de flexibilité du taux de change est quant à lui mesuré à l’aide de l’indicateur de facto fourni par Reinhart et Rogoff (2004). Cet indicateur n’étant toutefois disponible que jusqu’en 2007, nous l’avons actualisé pour les années 2008 et 2009 en nous appuyant sur le rapport sur les taux de change publié annuellement par le FMI (Annual Report on Exchange Arrangements and Exchange Restrictions). Cet indicateur est compris entre 0 et 14, du régime de change le plus fixe au régime de change le plus flexible (EXCH). La flexibilité du change étant théoriquement une des conditions nécessaires à l’efficacité du ciblage d’inflation, du fait dans le cas contraire d’un potentiel conflit d’objectifs, nous nous attendons par conséquent à ce qu’une plus grande flexibilité tende à renforcer l’impact négatif du ciblage sur le niveau et la volatilité de l’inflation, soit ߩො ൏ Ͳ. Concernant la qualité des données statistiques, nous la mesurons à l’aide de l’indicateur de capacité statistique (Bulletin Board on Statistical Capacity) conçu par le Groupe de gestion des données sur le développement de la Banque Mondiale. Cet indicateur, basé sur un ensemble de critères faisant référence à la publication et à la périodicité des enquêtes statistiques, vise à mesurer l’effort des gouvernements dans la collecte et le traitement des données statistiques macroéconomiques et microéconomiques.

Cet indicateur varie de 0 à 100, de la capacité la plus faible à la plus élevée (DATA). Bien entendu, cet indicateur ne reflète pas directement la qualité des données statistiques à disposition des autorités monétaires pour leurs exercices de prévision, même si nous pensons qu’il constitue un proxy raisonnable permettant d’évaluer le rôle joué par la capacité technique de la banque centrale à analyser et prévoir l’inflation dans les performances du régime de ciblage d’inflation. En outre, la profondeur temporelle de cet indicateur est relativement restreinte, puisque cet indicateur a été publié pour la première fois en 199955. Par conséquent, les résultats des estimations intégrant cet indicateur devront être interprétés avec le recul qui s’impose.

Les résultats des estimations intégrant ces deux variables sont reportés dans le tableau 2.8. Comme nous pouvons l’observer à la colonne (2), les résultats indiquent que la flexibilité du change n’a pas accentué les effets bénéfiques du ciblage d’inflation sur le niveau d’inflation, le coefficient ߩො étant négatif mais non significatif. Plus intéressant, à la colonne (4), le coefficient estimé associé au terme interactif apparaît négatif et significatif au seuil de 5%. Ce résultat suggère par conséquent que la réduction de la volatilité de l’inflation au sein d’un régime de ciblage d’inflation est d’autant plus importante que le degré de flexibilité du

55 Il convient de plus de souligner que la publication de cet indicateur n’a repris qu’en 2004. Pour les années manquantes entre 1999 et 2004 (soit 4 années), nous avons fait le choix d’effectuer une interpolation linéaire afin de ne pas réduire considérablement le nombre d’observations.

131 change est élevé. Plusieurs arguments peuvent être avancés pour expliquer un tel résultat. Le premier de ces arguments est d’origine monétaire et renvoie à la question du conflit d’objectifs exposée ci-dessus. En effet, si l’on se place du point de vue de la politique monétaire, on imagine aisément qu’une banque centrale accordant une pondération moins importante à la stabilisation du taux de change dans sa fonction de perte va davantage se concentrer sur son objectif de stabilisation de l’inflation, surtout si elle est tenue de rendre des comptes sur la réalisation de l’objectif d’inflation qui lui a été assigné. Dès lors, toutes choses égales par ailleurs, cette pondération plus élevée accordée à l’objectif de stabilisation de l’objectif d’inflation devrait se traduire dans les faits par une baisse de la volatilité de l’inflation. En outre, si l’on se réfère aux arguments avancés par les défenseurs des changes flexibles, ce résultat peut également s’expliquer par le fait que la flexibilité du change ait pu permettre une meilleure stabilisation des chocs externes et partant, une moindre volatilité de l’inflation. Enfin, dans le même ordre d’idées, on peut également penser que les pays émergents cibleurs d’inflation ayant fait le choix de laisser fluctuer librement leur taux de change sont également ceux dont le degré de transmission des variations du change aux prix domestiques est le moins élevé. Cette question de la politique de change dans un cadre de ciblage de l’inflation sera abordée de manière approfondie dans le dernier chapitre de cette thèse. En ce qui concerne les résultats faisant référence à la qualité des données statistiques, nous ne trouvons aucun effet additionnel de cette variable sur les performances nominales du régime de ciblage d’inflation. Les coefficients ߩො reportés dans les colonnes (6) et (8) apparaissent en effet non significatifs aux seuils de risques usuels. Cependant, comme nous l’avons souligné ci-dessus, ce résultat peut être expliqué par la profondeur temporelle relativement restreinte de l’indicateur considéré.

132 Tableau 2.8. Le rôle de la flexibilité des changes et de la qualité des statistiques dans les performances nominales du ciblage d’inflation au sein des économies émergentes pour la période 1980-2009: estimateur System-GMM Ciblage d'inflation et flexibilité du change Ciblage d'inflation et qualité des statistiques Var. dépendante Inf_norm Inf_norm Vol_infnorm Vol_infnorm Inf_norm Inf_norm Vol_infnorm Vol_infnorm IT -4.423*** -2.027** -1.201* -1.280** -0.251 -0.192 -0.902** -0.873**

AR(1):p-value 0.000127 0.000123 0.000687 5.47e-06 0.000626 0.000648 0.0302 0.0307

AR(2):p-value 0.267 0.266 0.122 0.128 0.347 0.349 0.554 0.574

Notes: Les valeurs entre parenthèses représentent les écarts-types corrigés par la méthode de Windmeijer.

***, **, * représentent respectivement la significativité au seuil de 1%, 5% et 10%.

Dans le document UNIVERSITÉ D ORLÉANS THÈSE (Page 141-146)