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3 La révolution de la place des patients/parents dans l’amélioration de la qualité des soins

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Introduction/Background

VIII- 3 La révolution de la place des patients/parents dans l’amélioration de la qualité des soins

Dans de nombreux domaines de la santé, l’engagement des patients/parents se développe : des patients/parents experts sont recensés, formés et interviennent dans des formations aux étudiants en médecine ou dans d’autres disciplines (IFSI, école de kinésithérapeutes…), les patients/parents sont interrogés sur les priorités à donner aux orientations de la recherche, certains s’investissent dans les projets de recherche en tant que chercheurs, leurs avis ou leurs témoignages sont recueillis en matière de sécurité et de réorganisation des soins (184). Cette évolution semble irréversible et devrait s’accélérer encore avec les usages des nouvelles technologies de l’information dans le suivi des patients à domicile et la gestion des relations entre le patient et l’équipe de soin.

Cette évolution est internationale, même si elle s’inscrit dans la culture du pays et du système de santé qui en est le produit. Dans les pays francophones, le mouvement d’émancipation et d’autonomisation des patients atteints de maladie chronique initié par l’éducation thérapeutique se prolonge dans une dynamique de démocratie citoyenne en santé dont le potentiel dépasse les interventions traditionnelles des associations de patients au niveau du macro-système de soins. Les relais des associations dans tous les établissements ou instances en région sont limités et la portée de leurs actions locales dépendante de quelques individus fortement engagés. Mais le partenariat patient dans l’amélioration des soins ne peut être limité par un manque de couverture de la représentation associative dans tous les centres, alors que les patients/parents suivis dans le centre peuvent s’associer à une dynamique collaborative.

La proposition de représenter l’engagement des patients aux différents niveaux du système de santé semble confirmée par l’expérience du programme qualité dans la mucoviscidose (Fig.2).

Fig.2 (rappel) : Niveaux d’intervention des patients pour l’amélioration de la qualité des soins

Au niveau national, dans le cadre de la formalisation de la Filière Muco-CFTR (185), des instances mixtes regroupant les représentants de l’association et des représentants des centres de référence ont été constituées : le Conseil Médical est consulté sur les questions relatives à l’organisation des soins, prépare les révisions du PNDS ainsi que les programmes des rencontres scientifiques nationales ; le Conseil National, composé des membres des bureaux du CA de l’association et du CA de la Société Française, prépare les orientations communes à discuter dans les réunions institutionnelles où ses représentants sont conviés. Les informations sont diffusées d’une part par les réseaux associatifs auprès des adhérents et du public, et d’autre part par la société savante auprès des professionnels des CRCM.

A l’inverse, il existe peu (ou pas) de représentants des patients atteints de mucoviscidose parmi les RU. Dans les établissements hospitaliers où sont hébergés les CRCM, la présence des représentants associatifs est généralement limitée à une venue par an, à l’occasion des remises du chèque de subvention accordé par Vaincre la mucoviscidose. Il est même fréquent que le représentant associatif ne connaisse pas le CRCM, si lui-même ou son enfant n’est pas suivi ici. L’expérience patient du suivi dans le CRCM n’est pas partagée dans l’association, en dehors d’événements indésirables survenus et rapportés auprès de la direction médicale. Il semble irréaliste qu’un représentant de chaque pathologie soit membre de la CDU de chaque établissement.

La démarche qualité collaborative structurée pour la filière et appelée à se déployer dans chaque CRCM est le moyen d’associer localement patients/parents et soignants dans l’amélioration des soins, dans le cadre d’une dynamique nationale structurée diffusant les recommandations nationales et internationales. Cette démarche et le partenariat patient dans l’amélioration de la qualité des soins semblent donc étroitement liés et permettre d’intégrer l’expérience patient de la prise en charge au CRCM et à domicile dans la réflexion sur le microsystème clinique. Même si leur contribution a été jugée maximale dans les réunions locales des équipes, les concepteurs du PHARE-M ont maintenu au cours des sessions suivantes du programme, la participation des patients et parents aux réunions de formation nationales à la démarche. L’objectif est de donner à tous les participants, soignants et patients/parents, une compréhension globale de la démarche et une identique maîtrise des outils, de leur permettre d’initier leur collaboration pendant les séances de formation, avant de prolonger et approfondir

Représentants nationaux des organisations de patients Représentants des patients dans l’établissement de soins (RU)

Patients engagés dans l’AQ avec les équipes soignantes Population des patients (pathologie, groupe de pathologie) 100% 5-10 % 1 %

1 °/°° Développement de critères pour les recommandations de soins Commission des Usagers : Consultation sur la politique de qualité et de sécurité et sur l’organisation des parcours de soins

Développement des processus de prise en charge

Participation à des projets d’amélioration et au suivi des résultats Expression de l’Expérience Patient des processus de soins et Satisfaction

ensemble les travaux dans leur CRCM. Ce parti pris de « loger tous les participants à la même enseigne » est apparu comme une garantie de bonne intégration des patients et parents dans l’équipe en tant que partenaires des soignants dans les discussions et non pas en tant que simples témoins de leur propre expérience. De fait, il ressort de l’auto-évaluation de leurs compétences, que l’acquisition des notions a été perçue au même niveau chez tous les participants - les mêmes difficultés ayant été relevées par exemple sur la maîtrise des cycles PDSA.

Il résulte de cette expérience une communauté de patients et parents intervenants dans cette démarche qualité capables de contribuer à l’amélioration de l’organisation des soins au sein des équipes professionnelles. L’animation de cette communauté en vue de partager leur expérience et de la diffuser pour « activer » d’autres patients/parents, de continuer à exprimer leur point de vue sans craindre une marge de dissensus avec l’équipe dans laquelle ils sont intégrés, en cultivant « l’art de l’interstice », est une préoccupation partagée avec l’animation de patients intervenants dans les équipes d’éducation (186).

Au-delà du modèle relationnel patient-soignant actuel, un débat s’ouvre dans notre pays sur une vision du patient partenaire de ses soins, porté par les réflexions d’associations en lien avec des expériences de ce partenariat patient à l’étranger, notamment au Québec (187). Au-delà du patient « éduqué », apparaît la figure du patient « partenaire » considéré comme un soignant à l’égal des soignants professionnels, partant du constat que plus de 98% du temps consacré aux soins est passé en auto-soin et à peine 2% de ce temps est passé à des soins administrés par des soignants professionnels en établissement ou en ville. Le dernier stade du modèle de Montréal est ainsi discuté autour du concept d’empowerment (pouvoir d’agir) du patient, nécessitant un changement profond de la relation patient-soignant. Quelques questions concrètes parmi les principales interrogations que pose ce changement radical de relation sont les suivantes : le patient doit-il participer au staff pluridisciplinaire pour les discussions qui le concernent (s’il le souhaite) ? La prescription de traitements doit-elle être établie avec le patient pour les seules thérapeutiques qu’il a décidé de suivre ? A l’aune de quelles prescriptions l’observance doit-elle être évaluée ? La notion d’observance ne doit-elle pas disparaître au profit du suivi du degré d’application par le patient de ses propres décisions de soins ? Quelle information et quelle éducation du patient lui permettent de prendre des décisions éclairées ? Quel accompagnement du patient par les équipes à l’occasion de décision d’arrêt de certains soins ? Quel partage de responsabilité sur ces décisions et leurs conséquences ?

L’ambition des promoteurs de ce modèle est une diffusion la plus large possible de la figure de patient partenaire de ses soins, tout en respectant les situations dans lesquelles le patient souhaite rester ou revenir à un stade de plus grande dépendance à l’égard des soignants, lorsque l’aggravation de sa santé ou des difficultés de vie personnelle l’y incitent.

Cette révolution du patient pleinement partenaire de ses soins et le changement relationnel avec les professionnels qu’elle entraîne rejaillit sur l’organisation du système de soin avec la mise en œuvre de nouveaux processus collaboratifs et de nouveaux indicateurs de process et de résultats, qui restent pour la plupart à définir. Une réflexion s’est engagée autour du « Collaborative Chronic Care Model », dans le prolongement du modèle de Wagner, pour conceptualiser un modèle de co- production des services de santé (cf. Figure 4), explorant les questions de co-

responsabilité et d’évaluation des résultats dans cette nouvelle vision du système de soin (188).

Figure 5 : Conceptual framework of healthcare service coproduction

Concrètement, la mise en œuvre d’une nouvelle relation soignant-patient partenaire de ses soins ne peut passer uniquement par la formation des soignants, même lorsque des patients interviennent dans cette formation pour partager leur expérience et affirmer ainsi leurs savoirs acquis au cours de leur vie avec la maladie.

Il s’agit bien de mettre en œuvre, dans l’organisation du système de soin (et avec des modalités de financement adaptées), les « espaces » permettant de telles expérimentations et d’en évaluer la faisabilité, l’utilité et les effets, en pratique. Ces processus collaboratifs ne pourront pas être définis sans ces patients partenaires, dans une démarche elle-même collaborative d’adaptation de l’organisation des soins à ce nouveau modèle de soin.

IX- PERSPECTIVES POUR L’INTERVENTION, LA FORMATION ET LA

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