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Révolution managériale : Emergence des systèmes décentralisés

d’approvisionnement décentralisée

1.1. Etablissement du cadre théorique : Les principes

1.1.2. Revue de littérature

1.1.2.2. Révolution managériale : Emergence des systèmes décentralisés

Au fil du temps, , l’explosion des connaissances de l’innovation théorique et pratique en management (Hamel, 2006 ; Mol & Birkinshaw, 2009 ; Chesbrough, 2010 ; Crossan & Apaydin, 2010 ; Le Roy et al., 2013 ; Damanpour, 2014 ; Lavastre et al., 2014 ; Bocquet & Dubouloz, 2016 ; Yang et al., 2019), accompagnée de l’émergence de nouvelles technologies telle que la recherche opérationnelle (Chanegrih & Creusier, 2019 ; Gu et al., 2019, Rouquet & Roussat, 2019 ; Sampieri-Teissier & Livolsi, 2019 ; Bara et al., 2020 ; Deniaud et al., 2020), le numérique (Arfa & Ghali, 2019 ; Foster, 2020 ; Jacquet, 2019 ; Bohas et al., 2019), les réseaux de neurones et l’intelligence artificielle (El Haoud & Bachiri, 2019 ; Mateu & Pluchart, 2019 ; Roder, 2019 ; Wichmann et al., 2020 ; Muñoz et al., 2020 ; Xu & Tan 2020 ; Carrera et al., 2020), ont rendu les limites du champ de la gestion des chaînes d’approvisionnement, et plus particulièrement celles de la performance, de plus en plus difficiles à appréhender.

Depuis plusieurs années, le monde des chaînes d’approvisionnement a été inondé de concepts liés à la SCM. Parmi ceux-ci, on peut citer la gestion logistique des matériaux (Materials Logistic Management, MLM), la théorie des contraintes (Theory Of Constraints, TOC), la gestion de la qualité totale (Total Quality Management, TQM), la fabrication agile (Agile Manufacturing, AM), la concurrence basée sur le temps (Time-Based Competition, TBP),

la fabrication à réponse rapide (Quick Response Manufacturing, QRM), la gestion de la relation client (Customer Relationship Management, CRM), et bien d'autres encore (Fredendall & Hill, 2016). Ces idées et concepts ne sont pas remplacés ou supplantés par la gestion de la chaîne d’approvisionnement. Au contraire, la SCM intègre toutes ces idées pour améliorer et gérer l'ensemble de la chaîne d'approvisionnement au lieu d'une seule entreprise dans la chaîne d'approvisionnement. L'observation de la mise en œuvre des approches de collaboration est très encourageante : les entreprises arrivent à mieux satisfaire le consommateur final en offrant plus de produits et de services, avec moins de retards. Ces entreprises sont plus efficaces et présentent des performances plus élevées, en disposant de moins de stocks, en utilisant judicieusement les ressources et en obtenant un meilleur retour sur le capital utilisé.

En réalité, les conséquences spécifiques sur le champ théorique de la gestion des chaînes d’approvisionnement, varient non seulement d’un champ d’application à un autre, mais d’une situation à une autre. Les études des performances des chaînes d’approvisionnement touchent pratiquement tous les secteurs de production et de services comme par exemples, l’aéronautique, l’aérospatiale, l’agriculture et les produits alimentaires, la médecine et l’hospitalisation, le tourisme ou encore la défense. Lapierre et Ruiz (2004) ont présenté une approche de coordination des opérations d’achat et de distribution dans le but d’augmenter la performance d’un service d’approvisionnement hospitalier. Le Gal et al. (2004) ont examiné l’augmentation de la performance de la production du sucre de canne à travers l’étude de cas d'une sucrerie en Afrique du Sud. Lagacé (2008) a fourni une analyse descriptive détaillée de la chaîne d’approvisionnement de RONA, un important détaillant québécois dans le secteur de la rénovation construction et décoration maison. Sur la base de sa description, l’auteur procure une liste de recommandations permettant l’amélioration du processus d'approvisionnement en situation promotionnelle. Gazull (2009) a analysé les politiques de la gestion d’approvisionnement d’un bassin en bois-énergie à Bamako au Mali. L’analyse a montré que l’avènement d’une foire ou d’un marché rural est un facteur important à incorporer dans les modèles de localisation, qui souvent négligent ce facteur en faveur des coûts du transport. Dehove (2012) a analysé l’internalisation de la « bonne gouvernance » en chaîne d’approvisionnement d’eau potable en Inde. L’analyse conduite sur les politiques de gestion de l’eau a montré l’importance du facteur idéologique : « Ainsi, Il ne s’agit pas de créer des modèles adaptés aux sociétés mais d’adapter les sociétés aux référentiels ». Decret (2014) a fourni un descriptif sur la dépendance des chaînes d’approvisionnement aéronautique et spatiale

de la performance de la chaîne d’approvisionnement aérospatiale du grand Sud-Ouest français entre 2013 et 2014. Canel-Depitre (2017) identifie les inhibiteurs sociaux face à un projet d’approvisionnement électrique décentralisé éolien en Haute Saintonge en France, tout en soulignant la défaillance du système d’informations. Amarouche et al., (2018) ont analysé les stratégies mises en place dans une chaîne d’approvisionnement de légumes et de fruits pour faire face aux principaux facteurs de risque, tout en soulignant le manque du partage d’informations entre les acteurs. Nicolas (2018) a analysé la gestion du risque social dans les chaînes d’approvisionnement, plus particulièrement la gestion d’apprentissage chez Patagonia, une entreprise américaine spécialisée dans les vêtements éco-conçus. Bergevoet et al., (2019) ont fourni un résumé de l’évolution du contexte des chaînes d’approvisionnement alimentaires de l’Union Européenne et formulent des recommandations pour améliorer la performance des acteurs économiques face aux situations de crises dues au changement climatique.

Par ailleurs, l’émergence des systèmes distribuées s’est développée au fil de l’histoire pour aboutir à des systèmes appelés « systèmes décentralisés » (Kristov et al., 2016 ; Calvillo et al., 2016 ; Gajšek & Sternad, 2020). La nature de différenciation entre un système centralisé et un système décentralisé réside en particulier dans la notion de la gouvernance (Li & Wang, 2007 ; Lin et al., 2019 ; Bagul & Mukherjee, 2019 ; Ding & Kaminsky, 2019 ; Li et al., 2020 ; Duan et al., 2020). Dans une chaîne d'approvisionnement centralisée avec plusieurs acteurs, un seul décideur central optimise les performances de l'ensemble du système en ayant accès à toutes les informations nécessaires. En revanche, dans un système décentralisé avec plusieurs acteurs économiques, il n'y a pas de planificateur unique, mais plutôt « des » planificateurs qui peuvent avoir des objectifs antagonistes, des informations différentes ou contradictoires, et décident en fonction de leurs propres intérêts.

Ces décisions sont dites « myopes » puisqu’elles ne tiennent compte que des objectifs locaux de chaque acteur. La figure 4 montre une représentation schématique mettant l’accent sur la principale différence conceptuelle entre une chaîne d’approvisionnement centralisée et une chaîne d’approvisionnement décentralisée.

D’une manière générale, la littérature de la chaîne d'approvisionnement s'est manifestement concentrée sur des approches centralisées où l’acteur central a accès à toutes les informations (Girard, 2017 ; François, 2007 ; Laukontaus et al., 2007 ; Corbett, 2001). Le système centralisé entend que les prises de décision se font uniquement au niveau de l’acteur central qui « dirige » les autres acteurs en faveur de la performance globale du système. Récemment, en raison de plusieurs évolutions et changements tels que la mondialisation, les technologies de la communication, les nouvelles tendances, la répartition géographique dans l'environnement concurrentiel, la plupart des chaînes d'approvisionnement sont distribuées, ou plus exactement, s’orientent et s’approchent de plus en plus d’un système décentralisé (El Ouardighi, 2008 ; Bangchokdee & Mia, 2016 ; Bogers et al., 2016 ; Seshadri et al., 2016 ; Muñoz et al., 2017 ; Zhang et al., 2017 ; Davila et al., 2018 ; Kharlamov & Parry, 2018). Certes, le système décentralisé a apporté des réponses aux différentes questions portant sur la géographie, la distance et le transport. Cependant, plusieurs chercheurs ont affirmé que les chaînes d’approvisionnement décentralisées présentent des limites lorsqu’elles sont comparées aux chaînes centralisées. De nombreuses recherches ont procédé à l’analyse comparative en termes de performance entre les systèmes décentralisés et les systèmes centralisés (Mougeot, 1986 ; Jemai & Karaesmen, 2003 ; Bush, 2016 ; El Azizi, 2016 ; Funcke & Bauknecht, 2016 ; Kumar et al., 2016 ; Oeser & Romano, 2016 ; Qin et al., 2016 ; Rached et al., 2016 ; Giannoccaro, 2018 ; Maurseth, 2018 ; Treiblmaier, 2018 ; Chua et al., 2019). Il s’est avéré qu’en général, les solutions produites par un système décentralisé sont des solutions « sous-optimales » comparées à celles du système centralisé, décrites souvent comme « optimales ». La principale cause de cette constatation est la concentration d’informations et des décisions au niveau de l’acteur dirigeant de la chaîne centralisée, alors que dans la chaîne décentralisée, les informations nécessaires à la prise de décision sont dispersées et aucun acteur ne détient l’ensemble de ces informations.

La gestion moderne de la chaîne d'approvisionnement part alors du principe que les membres de la chaîne d'approvisionnement sont avant tout soucieux d'optimiser leurs propres

Autrement dit, une séquence des politiques optimales locales n'apporte pas forcément une solution optimale globale (Cachon, 2003). Munson et al. (2003) affirment que, lorsque chaque membre d'un groupe tente de maximiser son propre objectif sans tenir compte de l'impact sur les autres membres du groupe, l'efficacité globale peut en souffrir. Ces inefficacités sont souvent présentes lorsque les membres rationnels des chaînes d'approvisionnement optimisent individuellement au lieu de coordonner leurs efforts. En sciences de gestion, le terme « performance » est un terme très vague dont la signification pratique diffère selon le contexte d’étude. Il existe en réalité plusieurs façons d'évaluer les performances d'une chaîne d'approvisionnement décentralisée : comme par exemples, le coût total de la chaîne d'approvisionnement, le niveau ou la qualité de service, les niveaux d’inventaires moyens détenus, les coûts d’exploitation, les délais de livraison, le chiffre d’affaires, ou encore l’effet d’augmentation de la variabilité des commandes. Ce dernier présente l’un des principaux problèmes rencontrés dans une chaîne d’approvisionnement décentralisée, un phénomène connu sous le nom de « effet coup de fouet » (bullwhip effect).