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d’approvisionnement décentralisée

1.1. Etablissement du cadre théorique : Les principes

1.1.2. Revue de littérature

1.1.2.6. Inférence de la demande en aval : L’approche DD

Au milieu de toutes ces discussions, et pour faire face à ces dilemmes, une nouvelle approche collaborative a récemment vu le jour (Ali & Boylan, 2011 ; Ali & Boylan, 2012 ; Ali et al., 2017). Il s’agit d’une approche basée sur la prévision collaborative, connue sous le nom de DDI, et qui permet l’amélioration des performances des chaînes d’approvisionnement décentralisées. C’est une approche qui se base sur la coordination des méthodes de prévision dans le but de réaliser des marges de profits considérables qui peuvent être partagés entre les différents partenaires d’une même chaîne d’approvisionnement. Lorsque l’acteur en aval d'une chaîne d'approvisionnement à deux niveaux, n’est pas capable de partager les données des points de ventes, ou ne souhaite pas partager ces données pour des raisons concurrentielles, l'acteur en amont est capable d’inférer la demande du client arrivant au niveau de son acteur en aval, sans qu'il soit nécessaire d’un partage d’informations d’une manière explicite. Une série d’articles (Raghunathan, 2001 ; Zhang, 2004 ; Gaur et al., 2005 ; Gilbert, 2005) a montré que dans une chaîne à deux niveaux, constituée d’un acteur en amont, par exemple un fabriquant et d’un acteur en aval, par exemple un détaillant, recevant la demande d’un client final, les commandes du fabriquant auprès du fournisseur contiennent déjà des informations sur la demande du client final. Ainsi, l'historique des commandes de l'acteur en aval, disponible chez l’acteur en amont, permet de déduire la demande du client. Selon cette approche, il est possible de réaliser des économies de niveaux (ou coûts) d'inventaire grâce à la coordination des méthodes de prévision et à la négociation, si la confiance est établie entre les partenaires (Ali et al., 2017). La figure 8 montre un schéma simplifié illustrant le principe de l’approche DDI.

Figure 8: Schéma simplifié du principe de l'approche DDI

Les auteurs de cette direction de recherche reposent sur deux hypothèses de base : L’historique des commandes contient déjà l’information du processus de la demande et ce dernier ainsi que ses paramètres sont connus pour les acteurs de la chaîne d’approvisionnement. Par conséquent, si cela est toujours vrai, le partage d’information n’a aucune valeur ajoutée. Des chercheurs ont alors présenté les principes de faisabilité de l’approche DDI et ont montré qu’il est impossible de déduire la demande du client d’une manière précise par un membre en amont si les hypothèses du modèle sont strictement réalistes (Ali & Boylan, 2011). Cette affirmation s’explique par la non-faisabilité de l’inférence lorsque la propagation de la demande tout au long de la chaîne d'approvisionnement n'est pas toujours unique. Ainsi, ces auteurs ont conclu que le partage formel d’information garde toujours une valeur dans les chaînes d'approvisionnement. Les travaux d'Ali et Boylan (2011, 2012) ont montré que cette inférence n'est pas possible lorsque l’acteur en aval utilise des méthodes de prévision telles que la méthode SES ou encore la méthode de l’erreur quadratique moyenne minimale (Minimum Mean Squared Error, MMSE), mais uniquement s’il adopte la méthode moyenne mobile simple (Simple Moving Average, SMA) dite « non optimale » et largement utilisée dans la littérature (Svetunkov & Petropoulos, 2018). Cette méthode de prévision est basée sur les N observations les plus récentes et, pour la prévision de chaque période future, l'observation la plus ancienne est supprimée et échangée par la dernière observation. Cette méthode assez simple attribue des

chaque observation. Comme Ali et Boylan (2012) l’ont démontré, si un acteur en aval accepte d’adopter la méthode SMA dans ses prévisions de demande, l'acteur en amont sera en mesure d’inférer la demande des clients seulement à partir de l’historique des commandes reçues. Cela se traduit par la conclusion suivante : pour un processus d’ordres ou de commandes bien connu au niveau de l'acteur en amont, il existe un processus de demande unique qui parvient à l'acteur en aval. Il est donc possible pour un acteur en amont d'estimer les paramètres et de reconstituer le processus de demande parvenant à son propre acteur en aval. Il a été également argumenté que la structure et les paramètres des séries chronologiques peuvent faire l’objet d’un partage d’informations au lieu de la demande elle-même. Cela devra prendre bien évidemment en considération les coûts liés au partage de ces informations.

Ali et al. (2017) étaient les premiers à caractériser la performance de l’approche DDI à travers une étude empirique. Les auteurs ont étudié trois approches différentes pour examiner la valeur du partage d’informations dans une chaîne d'approvisionnement à deux niveaux, sous l'hypothèse d'un processus de demande type AR (1). La première approche, appelée « non partage d’informations » (No Information Sharing, NIS), est une stratégie de gestion qui correspond à un système décentralisé, où l’information de la demande du client n’est pas partagée entre les deux acteurs de la chaîne, et l’acteur en amont base simplement ses prévisions sur l’historique des commandes reçues de l’acteur en aval. La deuxième approche, appelée « partage d’information de prévision » (Forecast Information Sharing, FIS), correspond au système centralisé où l'acteur en amont a une parfaite connaissance de la demande du client arrivant au niveau de l'acteur en aval et base ainsi ses prévisions à la fois sur l’historique des commandes et celui de la demande partagée. La méthode optimale MMSE était employée comme méthode de prévision tant dans le système décentralisé présentant des solutions « sous- optimales », que dans le système centralisé présentant des solutions « optimales ». En adoptant l’approche DDI comme une troisième approche, les auteurs ont montré que cette approche de coordination surpasse l’approche décentralisée NIS en termes d’erreur quadratique moyenne (Mean Squared Error, MSE) et en termes de coûts moyens d’inventaire pour des valeurs assez élevées du coefficient autorégressif du processus de la demande. Elle permet ainsi d’élever les performances du système décentralisé de la chaîne, sans pour autant passer par un échange explicite d’informations. Les auteurs ont également étudié la sensibilité de l’approche DDI vis- à-vis de l'horizon N de la méthode SMA et du délai de livraison L, et ont constaté que cette approche est spécialement plus efficace pour des valeurs élevées de N et des valeurs

plus que les délais de livraison diminuent, et d’autant plus que les décideurs considèrent des intervalles d’historique plus grands dans la méthode SMA. Les auteurs ont constaté que les améliorations (réductions) apportées aux indicateurs de performance MSE et coûts moyens d’inventaire n’étaient pas proportionnelles. Entre autres, il a été rapporté les mêmes performances lorsque la demande suivait un processus moyenne mobile d’ordre 1 (1st-order

Moving Average, MA(1))2 ou un processus autorégressif d’ordre 1 et moyenne mobile d’ordre 1

(1st-order AutoRegressive 1st-order Moving Average, ARMA(1,1))3. Les premiers rapports sur les résultats de performance de l’approche DDI étaient donc prometteurs. Ali et al. (2017) ont réalisé une analyse empirique basée sur les données d'un grand marché européen. Sur 557 séries temporelles parmi 1802, seulement 30,9% ont été identifiées comme des processus type AR (1), et ont été sélectionnées pour leur analyse. Les autres séries de données (69,9%) n’ont donc pas été intégrées dans leur travail car elles n’étaient pas modélisables par des processus AR (1).

Jusqu’à l’année 2017, l’approche DDI se limitait donc aux chaînes d’approvisionnement à deux niveaux dont l’acteur en aval adopte la méthode SMA, et dont le processus de demande du client final suit un modèle AR (1). Plus exactement, les modèles développés autour de la quantification des erreurs de prévision, du niveau d’inventaire moyen ou encore de l’effet coup de fouet ne permettaient pas d’élargir le champ d’application théorique de ces résultats. La prise en compte d'hypothèses plus réalistes dans les modèles de demande reste l'une des orientations les plus importantes dans la théorie de l’inventaire (Graves, 1999). De nombreux chercheurs ont étudié la dépendance de la valeur du partage d'informations avec la structure temporelle du processus de demande en utilisant une méthodologie ARMA(p,q)4. La partie AR indique que la variable d'intérêt en évolution est régressée sur ses propres valeurs décalées ou antérieures. La partie MA indique que l'erreur de régression est en fait une combinaison linéaire de termes d'erreur dont les valeurs se sont produites simultanément et à différents moments dans le passé.

2 Un processus MA (1) est un modèle de séries temporelles dont l’observation à la date ou la période t dépend

(est corrélée) du terme aléatoire à la date ou la période t-1, en plus d’un terme aléatoire (erreur ou résidu) observé à la période ou la date t (Brockwell et al., 2002 ; Shumway & Stoffer, 2011).

3 Un processus ARMA (1,1) est un modèle de séries temporelles dont l’observation à la date ou la période t

dépend (est corrélée) de l’observation et du terme aléatoire à la date ou la période t-1, en plus d’un terme aléatoire (erreur ou résidu) observé à la période ou la date t. (Brockwell et al., 2002; Shumway & Stoffer, 2011).

4 Un processus ARMA(p,q) est un modèle de séries temporelles dont l’observation à la date ou la période t

dépend (est corrélée) de l’observation aux dates ou aux période t-1, …, t-p, des termes aléatoires aux dates ou aux période t-1, …, t-q, en plus d’un terme aléatoire (erreur ou résidu) observé à la période ou la date t (Brockwell &

Plusieurs chercheurs ont soutenu que les demandes sur des périodes de temps consécutives sont rarement statistiquement indépendantes (Kahn, 1987 ; Graves, 1999 ; Lee et al., 2000). Par conséquent, il conviendrait de modéliser le processus de la demande (tourisme, carburant, produits alimentaires, machines, etc.) sous forme de séries temporelles auto-corrélées, dans la mesure où il s'agit de biens à long cycle de vie. L’un des modèles les plus répandus en littérature contemporaine est le processus type ARMA(p, q). C’est un modèle mathématique qui permet de modéliser les interdépendances de plusieurs observations d’une seule variable en fonction du temps. A titre représentatif, la figure 9 illustre un processus de type ARMA (3,2) simulé sur un horizon de 1000 observations sous logiciel Matlab. Les paramètres de ce processus sont les suivants : 𝑐 = 10 ; 𝜙1 = 0,6 ; 𝜙2 = 0,2 ; 𝜙1 = −0,1 ; 𝜃1 = 0,4 ; 𝜃2 = 0,1 ; 𝜎𝜉2 = 1 et le code de simulation est donné par les deux instructions suivantes :

Figure 9: Exemple d'un processus ARMA(3,2) simulé

Ce type de processus est caractérisé par une moyenne stationnaire au cours du temps. Il permet non seulement une modélisation significative des variations au cours du temps, mais il permet également de prendre en considération les différents pics (fortes variations) qui peuvent se réaliser, tout en gardant une moyenne stationnaire. Un tel modèle peut être utile lors de grandes variations de la demande sur des intervalles de temps courts comme par exemple l’augmentation de la demande du gaz naturel pendant les saisons hivernales (Ervural et al., 2016) ou encore l’augmentation de la demande des services hôteliers pendant les saisons de vacances (Chu, 2009 ; Gustavsson & Nordström, 2001), Le modèle ARMA permet aussi de traiter la demande dans plusieurs secteurs comme celle du transport (Gong, 2010), celle du

secteur de l’électricité (Pappas et al., 2010), ou encore la demande dans le secteur automobile (Chen et al., 2010).