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d’approvisionnement décentralisée

1.1. Etablissement du cadre théorique : Les principes

1.1.2. Revue de littérature

1.1.2.5. Coordination par partage d’informations

L’une des principales approches d’optimisation des performances consiste à collaborer par partage d’informations (Ojha et al., 2019). Si les acteurs d’une même chaîne d’approvisionnement partagent toutes leurs informations (par exemple les informations de demande, de capacité, de coûts, d’objectifs, etc.) le système en entier se rapproche en termes de conception et de performances à celles d’un système centralisé. Par exemple, Surgere, un leader de technologie automobile Américain a annoncé un déploiement à grande échelle de sa plate- forme partagée qui représente une unification sans précédent des constructeurs automobiles. La plate-forme permet aux fabricants d'équipements et à leurs fournisseurs de fonctionner dans un écosystème de données de chaîne d'approvisionnement unique, partageant les données ainsi que les analyses pour déplacer, suivre et gérer plus efficacement l'inventaire des conteneurs et des pièces entre les entreprises (Henderson, 2018). Surgere s'attaque directement aux pertes et à l'inefficacité inhérentes à la chaîne d'approvisionnement automobile et devrait créer des améliorations de la rentabilité grâce à une collaboration « massive » à travers l'utilisation partagée de technologies très sophistiquées. La politique du partage d’informations présente l’une des solutions managériales les plus courantes dans le domaine de la SCM. Pendant les dernières années, de nombreuses études ont souligné l’importance du partage d’informations au sein de la chaîne d’approvisionnement (Lambert & Cooper, 2000 ; Lau & Lee, 2000 ; Barratt, 2004b ; La Londe & Ginter, 2002 ; Trkman et al., 2006). Les contrats de partage d'information

entre les acteurs économiques d’une chaîne d’approvisionnement peuvent engendrer des avantages importants, tels qu'une productivité accrue, une meilleure élaboration des politiques et des services intégrés.

Figure 7: Un modèle de collaboration par partage d'informations

Une série d’articles ont soutenu que le partage d'informations peut réduire les niveaux d’inventaire et les coûts associés des acteurs en amont (Cachon & Fisher, 2000 ; Yu et al., 2001 ; Sahin & Robinson, 2005). La figure 7 présente un modèle de relation collaborative par partage d’informations entre deux acteurs.

Li (2013) a exploré de nouveaux moyens afin de réduire l'effet coup de fouet dans les systèmes de la chaîne d'approvisionnement qui sont confrontés à des incertitudes face aux informations partagées. En adoptant la simulation, l’auteur a conclu que le partage d'informations est essentiel pour réduire les fluctuations de la reconstitution des stocks, ce qui permet d’améliorer les performances de la chaîne d’approvisionnement. La reconstitution des stocks des entreprises dépend des informations de la demande des clients. Pour éviter l'accumulation des inventaires générateurs de coûts et d’obsolescence, l’information de la demande doit être fréquemment mise à jour et partagée avec transparence et crédibilité. Trapero

des fournisseurs. Les auteurs ont conclu que le partage d’informations améliore la performance des prévisions de la demande. Croson et al. (2014) ont argumenté que la coordination par partage d’informations diminue ainsi le risque d’une très forte distorsion de la demande. Plus particulièrement, plusieurs chercheurs ont montré que le partage de l’information de la demande du client final réduit l'effet coup de fouet et diminue le niveau d’inventaire moyen (Chen et al., 2000b ; Lee et al., 2000 ; Cheng & Wu, 2005). La demande du client final présente une information capitale qui doit être bien prise en compte par tous les acteurs de la chaîne d'approvisionnement (Ciancimino et al., 2012 ; Asgari et al., 2016). Cette information fait généralement référence à la demande variable et aléatoire du marché auquel s’adressent les entreprises. La demande est souvent présentée en quantité à une date ou à une période spécifique. D’ailleurs, plusieurs chercheurs ont consacré une importance élevée aux études comportementales des clients (Arnould & Thompson, 2005 ; Badot et al., 2009 ; Lemoine, 2003). Ces études ont montré que cette demande est pleinement façonnée par les composantes ethnologiques et environnementales des consommateurs (comme par exemple le plaisir ressenti par le client dans le magasin, l’état d’excitation dans le magasin, le temps passé au point de vente, le montant des achats réalisé, etc.).

Si plusieurs recherches se sont intéressées à l’étude des facteurs mobilisant la demande du client final, c’est qu’il existe bien des motivations tant dans le monde académique que dans le monde entrepreneurial. Sur le plan opérationnel, comme la demande initiale du client final constitue le « moteur-source » des profits générés pour l'ensemble de la chaîne d'approvisionnement, une meilleure connaissance de la demande des clients est alors considérée comme un outil de sécurité des niveaux d’inventaire et de réduction des coûts d’inventaire. En effet, si les acteurs en amont ont accès aux données des points de vente, l’effet néfaste de la distorsion de la demande diminue. Étant donné que les acteurs en aval partagent leurs informations de demande, les acteurs en amont seraient conscients de la variance des termes d’erreur de la demande du client. Ils pourraient ainsi utiliser cette variance dans leurs décisions de prévisions au lieu de la variance amplifiée due à l'effet coup de fouet (Lee et al., 2000). Disney et Towill (2002) et Ireland et Crum (2005) ont indiqué que les niveaux de stocks pouvaient être réduits jusqu’à 50% et les coûts des stocks réduits jusqu’à 40%, ce qui se traduit par une amélioration concurrentielle sur le marché. Le partage d'information de la demande s’avère alors l'un des catalyseurs les plus importants permettant d'améliorer les chaînes d'approvisionnement. Cela nécessite, bien entendu, que les acteurs en amont aient accès aux

al., 2000b ; Lee et al., 2000 ; Yu et al., 2002 ; Raghunathan, 2003) ont conclu que les acteurs en aval doivent partager les informations relatives à la demande des clients avec les acteurs en amont dans le but de réduire l'effet coup de fouet. Néanmoins, le besoin de mécanismes d’extraction d'informations, a toujours été un sujet de discussion ouverte dans la littérature. De nombreux chercheurs (Lee & Whang, 2000 ; Mendelson, 2000 ; Fawcett et al., 2007 ; Forslund & Jonsson, 2007 ; Klein et al., 2007) ont également soutenu que le partage d’informations présente un certain nombre de limitations pratiques, à prendre en compte.

Cependant, l’implantation des mécanismes de partage d’informations n’est pas toujours garantie. Plusieurs facteurs sont à l’origine de l’abstention au partage d’informations. Parmi ces facteurs, le manque de confiance et de transparence, le manque de disponibilité des systèmes d’informations et leurs incompatibilités, les coûts associés, la qualité d’information et les fuites d’informations constituent les principaux barrages au partage formel ou explicite d’informations (Anand & Goyal, 2009 ; Li, 2002 ; Hays, 2004). Les inhibiteurs au partage d’informations aboutissent à des solutions « sous-optimales » et des performances médiocres. Un exemple de la vie réelle est présenté dans le travail de Vosooghidizaji et al. (2019). Les auteurs ont rapporté le tragique accident pétrolier rapporté par le Washington Post qui s'est produit en août 2016 en Floride, ce qui a entraîné une pénurie de protoxyde d'azote, un ingrédient essentiel à la fabrication de la crème fouettée aux États-Unis. La perturbation de la chaîne d'approvisionnement en amont a eu des conséquences néfastes sur les coûts pour les producteurs, les détaillants et les clients. Le manque d’informations a généré de considérables pertes de ventes. Les auteurs ont mentionné que si les détaillants avaient reçu des alertes des fournisseurs, ils auraient pu planifier à l'avance ou chercher des solutions alternatives pour répondre à la pénurie de crème fouettée pendant la haute saison des fêtes. De nos jours, un exemple plus flagrant qui permet d’accentuer les conséquences économiques désastreuses de la décentralisation, est présenté par la pandémie liée au COVID-19 qui a déstabilisé 185 pays (rupture de la livraison des matières premières provenant de la Chine) et qui a engendré la suspension de plusieurs activités telles que l’automobile et le tourisme. Le manque de coordination par partage d’informations a engendré un effet de « domino » sur l’économie mondiale.

Malgré tous les avantages et bénéfices procurés par le partage d'informations, le manque de disponibilité des systèmes d'information est l'un des premiers obstacles les plus courants faisant

entreprises sont gênées par les coûts d'investissement élevés et les problèmes de mise en œuvre du système associé au partage formel d'informations (Courtin, 2013). La négociation étant l’enjeu habituel pour réduire les coûts des acteurs de la chaîne d’approvisionnement, les pertes monétaires restent la principale raison du blocage des investissements (Klein et al., 2007). Les coûts des systèmes d’informations sont composés des coûts d’achat initiaux et des coûts de mise en œuvre (Fawcett et al., 2007). Bien que les développeurs cherchent constamment à trouver des solutions de compatibilité, les entreprises ont tendance à résister au changement en raison de problèmes intra-organisationnels. Même lorsque les entreprises réussissent à mettre en place des systèmes d’informations, d’autres problématiques telles que le manque de confiance et le manque de dialogue persistent (Mendelson, 2000). Dans ce cas, chaque partenaire se méfie de la possibilité que d'autres partenaires abusent des informations et récoltent tous les avantages du partage d'informations (Lee & Whang, 2000). Par conséquent, une confiance établie constitue un premier pilier nécessaire pour toute collaboration.

Outre ces inhibiteurs, même lorsque la technologie de l'information et la confiance existent entre les partenaires, un autre type de freins peut persister. Il s’agit d’abord de la précision des informations lorsque les décideurs ne font pas confiance aux informations partagées en termes de qualité et estiment que l’erreur est relativement élevée (Forslund & Jonsson, 2007). L'effet de fuite d'information peut également être une raison de limitation du partage d'informations. Les gestionnaires craignent toujours que les informations partagées puissent être obtenues ou déduites par des concurrents qui réagiront à l'activité du partage d'informations. Par exemple, Ward (wardsauto.com) a mené une enquête auprès de 447 constructeurs automobiles. 28% des personnes interrogées ont déclaré que leur propriété intellectuelle avait été révélée par au moins un producteur de voitures à Detroit et 16% par leur fabricant (Anand & Goyal, 2009). En conséquence, la réaction des concurrents peut modifier l’allocation des avantages pour les parties impliquées dans le partage d'informations (Li, 2002). L’entreprise Wal-Mart a annoncé qu'elle ne partagera plus ses informations avec d'autres sociétés comme Inc et AC Nielson, car elle considère que les données constituent une priorité absolue craignant ainsi les fuites d'informations (Hays, 2004). Par conséquent, de nombreuses entreprises contrôlent leurs flux d'informations, ce qui entraîne des coûts opérationnels supplémentaires.

Au vu de ces obstacles, de nouvelles orientations de recherche se basant sur la prévision collaborative, ont été établies afin de trouver des substituts au partage formel d’information, des solutions qui permettent en quelque sorte de contourner le problème. L’instauration de la

coordination des prévisions entre partenaires permet d’élever les performances des planifications tactiques et opérationnelles, mais également d’aligner ces performances avec la planification stratégique (Duus, 2016). L’une de ces approches collaboratives est appelée inférence de la demande en aval (Downstream Demand Inference, DDI).