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La notion de bientraitance

Dans le document Centre d’Aide par le Travail de Moulins (Page 57-61)

4. La bientraitance dans l’établissement

4.3. La notion de bientraitance

M. Serge Franchis, membre de la commission d'enquête, a parfaitement exprimé la nécessité d'instaurer une dynamique de la bientraitance : « Il est possible, au fil des ans, de devenir de plus en plus performant auprès des personnes handicapées, mais il est également possible de devenir las ou laxiste et de ne plus leur apporter le soin nécessaire ».

De surcroît, il est précisé dans le Livre blanc de l'UNAPEI : « Le handicap constitue en soi un facteur de risque de maltraitance. Par ailleurs, de façon générique, on peut également avancer que toute institution est potentiellement maltraitante, ne serait-ce que parce que la vie en collectivité limite souvent l'expression de la singularité de chaque personne accueillie

».

Faire prévaloir l'intérêt des personnes handicapées sur la logique institutionnelle

Cet objectif primordial n'a de chance d'être atteint, en particulier, pour les personnes handicapées mentales, que si leurs intérêts sont susceptibles d'être correctement représentés et défendus. D'autant plus que la loi du 2 janvier 2002 érige le représentant légal, lorsqu'il existe, en un interlocuteur privilégié de l'institution, s'agissant tant de l'élaboration du projet individuel que de la participation à l'élaboration du contrat de séjour.

9 Promouvoir la logique de projet

L'article 769 de la loi du 2 janvier 2002 garantit à toute personne prise en charge par des établissements et services sociaux et médico-sociaux « une prise en charge et un accompagnement individualisé de qualité favorisant son développement, son autonomie et son insertion, adaptés à son âge et à ses besoins, respectant son consentement éclairé qui doit systématiquement être recherché lorsque la personne est apte à exprimer sa volonté et à participer à la décision. A défaut, le consentement de son représentant légal doit être recherché ».

L'article 870 de la même loi indique plus loin : « Un contrat de séjour est conclu ou un document individuel de prise en charge est élaboré avec la participation de la personne accueillie ou de son représentant légal. Ce contrat ou document définit les objectifs et la nature de la prise en charge ou de l'accompagnement dans le respect des principes déontologiques et éthiques, des recommandations de bonnes pratiques professionnelles et du projet d'établissement. Il détaille la liste et la nature des prestations offertes ainsi que leur coût prévisionnel ».

Ainsi, il résulte de la loi que la personne handicapée doit faire l'objet, au sein de l'établissement qui l'accueille, d'un projet dont elle doit être, dans toute la mesure du possible, actrice. Cette perspective, que renforcerait une réforme des COTOREP visant à réserver aux personnes handicapées un choix quant à leur orientation future, est susceptible d'inférer un surcroît de considération pour la personne handicapée.

Si les fédérations associatives se sont déjà, pour les plus dynamiques d'entre elles,

inscrites dans cette logique de projet en dehors de toute obligation juridique -les contrats de

séjour sont aujourd'hui pratique courante-, la commission d'enquête se réjouit de la

perspective d'une publication rapide des règlements d'application de la loi du 2 janvier 2002,

afin que ces contrats deviennent une réalité pour toutes les personnes handicapées, et une source de réflexion pour l'ensemble des personnels.

L'article 12 de la loi du 2 janvier 2002 exige que, pour chaque établissement ou service social ou médico-social, il soit élaboré un projet d'établissement ou de service, qui définisse ses objectifs, notamment en matière de coordination, de coopération et d'évaluation des activités et de la qualité des prestations, ainsi que ses modalités d'organisation et de fonctionnement.

Cette exigence est de nature à remédier à la perte de vigueur de certains projets associatifs, et elle donne l'occasion de convier l'ensemble des acteurs de l'établissement à une réflexion qui ne peut qu'être porteuse sur le plan de la bientraitance.

9 Promouvoir la logique participative

M. Claude Meunier, directeur général adjoint de l'Association des Paralysés de France, a déclaré à la commission d'enquête : « Si les personnes handicapées [...] ont déjà l'habitude de prendre la parole et d'exprimer ce qu'elles vivent en commun, nous pouvons espérer, sans toutefois être sûrs de rien, que tout acte de maltraitance sera révélé. ». Ces pratiques s'inscrivent en faux contre les dérives dictatoriales ou paternalistes.

La commission d'enquête estime que le propos de M. Dominique Dusigne, chargé du droit des structures de l'Association des Paralysés de France, est éclairant : « En donnant la parole, au travers du conseil de la vie sociale, de groupes de parole ou d'activités d'expression, à des personnes dont on n'attendait pas grand-chose de plus que leur présence, car elles n'exprimaient ni envie ni désir, en se montrant prêt à déceler leurs attentes et/ou en leur donnant la possibilité de les exprimer, il se produit un déclic et il devient possible de passer d'une situation de dépendance à une dynamique qui permettra à la personne de mieux vivre. Si nous prenons au sérieux la loi du 2 janvier 2002, en ne nous limitant pas à la mise en place d'un projet et à l'élaboration d'un livret d'accueil, mais en initiant cette dynamique, quelque chose de très important peut se produire. »

Rappelons que l'article L. 311-6 du code de l'action sociale et des familles (issu de l'article 10 de la loi du 2 janvier 2002), afin d'associer les personnes bénéficiaires des prestations au fonctionnement de l'établissement ou du service, institue un conseil de la vie sociale (un décret en préparation doit en déterminer la composition et les compétences), normalement consulté, par ailleurs, en vue de l'élaboration du projet d'établissement.

D'ores et déjà, de nombreuses associations ont soit devancé ces obligations, soit initié des formes originales de participation des personnes handicapées.

Une difficulté particulière a été signalée dans les CAT : les personnes handicapées n'y ayant pas le statut de salarié, ils ne peuvent accéder à aucune forme de représentation syndicale. Une participation plus poussée à la vie de l'établissement que celle résultant de la présence des travailleurs handicapés au conseil de la vie sociale semblerait cependant opportune.

9 Promouvoir les droits de la personne

La loi du 2 janvier 2002 est particulièrement riche de dispositions visant, directement ou indirectement, à assurer le respect des droits fondamentaux de la personne handicapée :

« Une charte nationale est établie conjointement par les fédérations et organismes représentatifs des personnes morales publiques et privées gestionnaires d'établissements et de services sociaux et médico-sociaux. Cette charte porte sur les principes éthiques et déontologiques afférents aux modes de fonctionnement et d'intervention, aux pratiques de l'action sociale et médico-sociale et aux garanties de bon fonctionnement statutaire que les adhérents des fédérations et organismes précités sont invités à respecter par un engagement écrit » (article 672);

« L'exercice des droits et libertés individuels est garanti à toute personne prise en charge par des établissements et services sociaux et médico-sociaux. Dans le respect des dispositions législatives et réglementaires », lui sont notamment assurés « le respect de sa dignité, de son intégrité, de sa vie privée, de son intimité et de sa sécurité », « la confidentialité des informations la concernant », « l'accès à toute information ou document relatif à sa prise en charge, sauf dispositions législatives contraires », ainsi qu'« une information sur ses droits fondamentaux et les protections particulières légales et contractuelles dont elle bénéficie, ainsi que sur les voies de recours à sa disposition » (article 773);

« Afin de garantir l'exercice effectif des droits [...] et notamment de prévenir tout risque de maltraitance, lors de son accueil dans un établissement ou dans un service social ou médico-social, il est remis à la personne ou à son représentant légal un livret d'accueil » auquel est notamment annexée « une charte des droits et libertés de la personne accueillie, arrêtée par les ministres compétents » (article 874).

Par ailleurs, la protection de certains des droits de la personne requiert une attention particulière :

Vie affective et sexuelle

Concernant, en particulier, les personnes handicapées mentales, il est probable qu'une gestion libérale de la vie affective et sexuelle dans les établissements se heurtera longtemps à une incompréhension fondamentale.

Ainsi, il est impératif que les règlements intérieurs ou les chartes posent des prescriptions ou des lignes de conduite dans le domaine de la vie affective et sexuelle des personnes handicapées, que les personnels soient en mesure d'appliquer.

Nourriture

Le sujet, déjà évoqué, est moins anodin qu'il n'y paraît. Mme Gloria Laxer, directeur de recherches à l'Université de Lyon, maître de conférences, chargée de mission « Public à besoins éducatifs spécifiques » à l'Académie de Clermont-Ferrand, a ainsi déclaré à la commission d'enquête : « Pour bon nombre de personnes handicapées, le seul plaisir est la nourriture. Ce plaisir ne peut plus exister dans la mesure où il n'est même pas permis de laisser un morceau de fromage dans un réfrigérateur entre le déjeuner et le dîner. Les personnes vivant en institution n'ont même plus le droit d'avoir une petite faim dans l'après-midi et d'aller chercher un aliment dans le réfrigérateur car ceci est interdit par le règlement sanitaire. »

Par ailleurs, la nourriture peut encore être l'objet d'un chantage, ne pas correspondre à

la culture des individus, ou être administrée en quantité insuffisante, faute de temps. La

réglementation, les règlements intérieurs et les chartes doivent s'appliquer à introduire les éléments de souplesse et de respect nécessaires à une véritable bientraitance alimentaire des personnes handicapées.

Droit à l'éducation et à la formation

La personne handicapée faisant désormais l'objet d'un projet, il semblerait naturel, comme cela a déjà été évoqué, de relancer le chantier l'éducation et de la formation à leur attention.

La commission d'enquête, sans s'estimer tenue de la commenter, retransmet la

réflexion que M. Pierre Matt, président du Syndicat national des associations de parents et

amis de personnes handicapées mentales gestionnaires d'établissements et de services

spécialisés (SNAPEI), lui a livrée : « La personne handicapée, autant que les autres, a le

droit de se trouver confrontée au tabac ou à l'alcool. Sommes-nous prêts à accepter cela ?

Nous avons déjà parlé de sexualité. Il s'agit encore d'un autre domaine. ».

Dans le document Centre d’Aide par le Travail de Moulins (Page 57-61)

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